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Chant Cinquième.
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Chant cinquième.
Les sciences.
O toi, fille du ciel, aimable Poésie,
Toi qui, dès mon berceau, vins embellir ma vie,
Toi qui sus, ô mon guide, allumer dans mon coeur
Les immortels rayons de ton feu créateur;
O soutien de mes jours, ô toi qui m'accompagnes
Dans le bruit des cités, dans la paix des campagnes;
Qui dans ton vol hardi me rapprochant des dieux,
Me laisses contempler la majesté des cieux,
De ces champs de l'Éther, de ces voûtes profondes,
Peuplés d'êtres divins, de soleils et de mondes;
Toi qui, loin du fracas, dans l'épaisseur des bois,
Conduis mes pas errans aux doux sons de ta voix,
Qui, là, m'environnant d'un invincible charme,
M'arraches en secret un soupir, une larme,
Quand, les sens recueillis, des mortels ignoré,
De la riche nature avec pompe entouré,
Seul avec toi, tranquille, à l'abri des orages,
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J'admire agenouillé ses sublimes ouvrages;
Toi qui, pendant la nuit, veillant à mon côté,
Redis à mon chevet des chants de liberté,
Qui versant dans mon sein l'amour de la Patrie,
Du soin de son bonheur entretiens mon génie,
Toi qui, sur mes écrits jetant quelque renom,
De l'oubli de la mort préserveras mon nom,
(J'ose sur ta promesse accepter ce présage.)
Viens animer mon luth! Du Temps l'affreux ravage
Détruira les palais qu'ont bâtis nos aïeux;
Ce rapide vieillard, insensible à nos voeux,
Un jour peut-être, un jour (Dieu! qu'il soit loin encore!)
Viendra, dévastateur des mondes qu'il dévore,
Dans l'éternel torrent engloutir mon pays;
Mais soustraits à ses coups, et loin de nos débris,
Sans doute vers les flots que l'Orient colore,
Gardant de ses aïeux la langue qu'il adore,
Le Batave, au Génie élevant des autels,
Gravera sur l'airain les Hoofts et les Vondels;
Et quand ces demi-dieux, dans leur gloire éclatante,
Recevront de nos fils la palme triomphante,
Peut-être que mon nom, faiblement répété,
Ira porter mes chants dans la postérité.
Art sublime des vers! ta secrète influence
Fait briller en mon coeur cette douce espérance.
Seconde mes transports, viens embraser mes sens,
Viens prêter à ma voix tes magiques accens;
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Heureux et savourant d'ineffables délices,
Je veux jusqu'au tombeau t'offrir des sacrifices.
Muse, affermis mes pas! Dans l'arène des arts,
Je plonge impatient mes avides regards.
Le temple est devant moi: du dieu la voix sacrée
Appelle ses élus dans l'enceinte adorée.
Admis au milieu d'eux, marchons avec fierté,
Et pénétrons au sein de la divinité.
Phébus, brillant de gloire, est assis sur son trône.
Quel faisceau de rayons l'éclaire et l'environne!
Son front, resplendissant d'un déluge de feux,
Répand autour de lui des torrens lumineux.
Partout, sous ces parvis, une divine essence
D'un céleste génie annonce la présence.
Par trois fois l'eau lustrale a coulé sur l'autel.
L'encens fume; on entend un hymne solennel,
Comme au temps mémorable où Délos étonnée
Vit naître un jeune dieu sur sa rive enchaînée;
Comme en ce jour fameux où l'horrible Python,
Plein de rage, tomba sous les traits d'Apollon.
Ah! laissez-moi goûter cette onde inspiratrice.
Oui! le fils de Latone à mes voeux est propice.
Quel feu brûle mes sens? quel transport me saisit?
L'arbre cher à Phébus sur sa tige frémit;
Le dieu vient; il s'approche et sa lyre s'éveille:
Poètes, à genoux! terre, prêtez l'oreille!
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Quelle force m'enlève à ces magiques lieux,
Et me lance éperdu dans les plaines des cieux?
Quel merveilleux pouvoir soutient ma hardiesse?
Imagination, sublime enchanteresse,
C'est toi! j'ai reconnu ton prisme étincelant.
Où conduis-tu mes pas? vers ce dôme brillant
Où d'éternels soleils, des planètes sans nombre
De l'abîme étoilé dissipent la nuit sombre,
Dans ce vaste Océan où des mondes divers
Sur leur axe enflammé roulent dans l'univers?
Ou bien, t'enfonces-tu dans cette voûte obscure
Où l'antique chaos enchaînant la nature,
N'offre qu'un noir amas, qu'un mélange confus
D'informes élémens rivaux et confondus?
Mais ton rapide essor déployé dans l'espace,
A fait frémir mon âme et trembler mon audace.
Non, je ne puis te suivre!... O sol de mon pays,
Tu reparais encore à mes yeux éblouis.
L'honneur de tes enfans échauffe mon génie;
Eh bien! coulez, mes vers, coulez pour ma Patrie!
Profanes, loin de moi! Si vos sens émoussés
Sur la terre des dieux laissent vos coeurs glacés,
Fuyez, éloignez-vous, race dégénérée;
Ne déshonorez pas une tige sacrée.
Ah! loin d'ici le fils qui, d'un ris dédaigneux,
Insulte le séjour de ses nobles aïeux!
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Mais que dis-je? grand Dieu! jamais un tel impie
N'a, d'un pied criminel, souillé la Batavie.
Nos antiques vertus, compagnes de nos moeurs,
Habitent parmi nous et vivent dans nos coeurs.
Ouvrez-vous à ma voix, empire des sciences!
Laissez-moi contempler nos richesses immenses.
Dans vos temples divins, parmi vos favoris,
La gloire a fait placer ses Bataves chéris.
Partout notre splendeur y vient frapper ma vue,
Et des brillans parvis éclairer l'étendue.
Sous le joug de l'instinct à ramper condamné,
L'animal vit et meurt à la terre enchaîné;
Mais l'homme, vers les cieux élevant son audace,
Explique l'univers que son génie embrasse;
Il se plonge, il se perd, avec avidité,
Dans l'orbe des soleils et dans l'immensité.
Des vastes profondeurs où brillent les étoiles,
Son esprit inquiet veut soulever les voiles;
Mais il revoit toujours ce sentier lumineux,
Dont l'éclat blanchissant ceint la voûte des cieux.
C'est en vain qu'enhardi par des travaux célèbres,
Son regard, du néant croit sonder les ténèbres:
Audacieux espoir! Dans cette mer de feu,
Tout est création, lumière, vie et Dieu.
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Docte fille du ciel, sublime Astronomie,
Tu remis en nos mains le compas d'Uranie:
Ta science profonde illustra nos aïeux,
De tes divins secrets révélateurs heureux.
Copernic, il est vrai, dans sa marche intrépide,
S'avance et le premier des airs franchit le vide.
Sur son axe roulant la terre suit ses lois;
Il parle; le soleil reste fixe à sa voix.
J'admire de Newton l'audacieux génie;
Nul ne l'a surpassé dans sa course infinie:
Tel que ces globes d'or suspendus dans le ciel,
Sur l'abîme des temps son nom est éternel.
Je suis Herschell vainqueur dans la plaine étoilée;
Ma Muse aime à citer Lalande et Galilée;
Mais fier de mon pays, sur mon luth glorieux,
Je chante de Huigens les travaux merveilleux.
Vous qui, les yeux tournés vers la voûte éthérée,
Admirez dans la nuit les champs de l'empyrée,
De ces corps radieux écoutez les concerts:
La gloire de Huigens retentit dans les airs.
Tant qu'on verra Saturne avec ses satellites
De cercles étendus parcourir les orbites,
Tant que le fils d'Hyrée, étincelant de feux,
De l'or de sa couronne éclairera les cieux,
Tant que nous reverrons la balance d'Astrée
De la nuit et du jour égaler la durée,
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Le nom de ce Batave, écrit en traits brûlans,
Se lira sur le front de ces astres brillans.
C'est lui qui le premier, d'un double diadème,
De Saturne ceignit la majesté suprême;
Il accrut son cortége; il régla le retour
De l'astre au front changeant qui remplace le jour,
Lui prescrivit des lois, lui marqua ses distances,
Lui traça son chemin dans ces déserts immenses,
Asservit la nature à ses calculs savans
Et soumit Uranie à la marche du Temps,
Bataves, c'est à vous qu'appartient cette gloire!
Vos aïeux ont volé de victoire en victoire;
Et les mers, et la terre, et les cieux à la fois,
Ont vanté leurs travaux, ont chanté leurs exploits.
Que le fier étranger prétende, avec démence,
Dans sa présomption nous prodiguer l'offense,
Qu'il publie en tous lieux que le flambeau des arts
Languit sur notre sol dans le sein des brouillards:
Avec un juste orgueil je proclame Boerhave,
Et le nom d'un grand homme a vengé le Batave.
Leyde, vers tes remparts, quel peuple languissant
A pas lents et glacés s'avance en gémissant?
C'est là, c'est dans tes murs que le dieu d'Épidaure
De tant d'infortunés que la fièvre dévore,
Par ses soins empressés, par ses puissans secours,
Ranime l'existence et rassure les jours.
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Son généreux asile est le temple d'Hygie:
A son auguste aspect fuit la Parque ennemie;
Une force nouvelle anime tous les corps;
Son art a de la vie affermi les ressorts,
Et du Nord au Midi répandant ses oracles,
L'Esculape batave enfante des miracles.
Puis-je vous oublier, Ruisch, Kamper, Albinus,
Vous, dont les grands talens égalent les vertus?
Kamper! à ce nom seul je vois la Batavie
Préparer le laurier que l'on doit au génie.
Son esprit pénétrant, des trésors du savoir,
Sut ouvrir à nos yeux l'immense réservoir:
Les hôtes de Téthis, les monstres de la terre,
Le peuple ailé qui vole au séjour du tonnerre,
Rien n'est caché pour lui; son coup-d'oeil saisit tout;
Il voit, il analyse, il compare, il résout;
De l'homme, roi du monde, image de Dieu même,
Il maintient la grandeur et le pouvoir suprême,
Et prouve à l'univers que sur nos heureux bords
La science a versé ses précieux trésors.
Voyez cet exilé de la belle Helvétie,
Qui depuis son jeune âge a quitté sa patrie:
Sur le soir de ses jours, loin de ces lieux si chers,
A-t-il du chant natal entendu les doux airs?
Transporté, hors de lui, ses yeux versent des larmes.
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Pour son coeur enivré quel moment plein de charmes!
Le feu de sa jeunesse anime ses vieux ans;
Il voit l'émail des prés, et les côteaux rians,
Où ses nombreux troupeaux paissaient l'herbe fleurie.
Combien de souvenirs pour son âme ravie!
Voici le chêne antique où les folâtres jeux
Guidèrent si souvent ses compagnons joyeux,
Ces monts qu'ils ont gravis, ces cascades limpides
Qu'ils aimaient à franchir dans leurs courses rapides.
Il revoit la cabane où son père chéri
Le pressa tant de fois sur son sein attendri.
Félicité trompeuse! erreur trop passagère!
L'Imagination a produit sa chimère.
Hélas! le malheureux ne reverra jamais
Les objets adorés de ses tristes regrets,
Ni le modeste asile où mourut son vieux père,
Ni la tombe sacrée où repose sa mère.
A ces sombres pensers, exhalant un soupir,
Il bénit sa patrie et pleure l'avenir!
Ainsi, souvent rêveur et bercé d'heureux songes,
Combien j'aime à nourrir de séduisans mensonges!
De splendeur entourés, je revois nos aïeux;
J'entends avec orgueil leur éloge pompeux;
Je revois ces beaux jours, ces siècles mémorables,
Gravés dans tous les coeurs en traits inaltérables,
Où le flambeau du goût, des sciences, des arts,
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Sur nos heureux climats brillait de toutes parts,
Où chaque citoyen, tout fier d'un tel partage,
Des plus mâles vertus faisait l'apprentissage.
Je retrouve Maurice, intrépide lion,
Les de Wit, de Ruiter la terreur d'Albion,
Illustres protecteurs des droits de la Patrie,
Qui pour la liberté prodiguèrent leur vie.
Mais, ô rêve trompeur! ô funeste réveil!
Comme un fantôme vain qu'enfante le sommeil,
Mon bonheur passager s'évanouit dans l'ombre,
Et, seul avec mon luth, j'erre dans la nuit sombre.
Que dis-je? Bannissons un amer désespoir.
Vengeons notre pays; voilà notre devoir.
Dans le temple des arts le feu sacré s'allume:
Marchons; voici l'autel; prêtres, que l'encens fume!
D'un peuple adorateur les flots silencieux
Déjà se sont pressés dans ces augustes lieux.
Loin d'ici tout mortel impie et téméraire
Qui voudrait profaner ce divin sanctuaire!
Et vous, sacrés élus, recueillis à genoux,
L'oracle va parler; écoutez, levez-vous!
‘Peuples de l'univers, le culte des sciences
Des lieux les plus lointains sait franchir les distances,
Et des bouts de la terre assemble mes élus;
Tout mortel, quel qu'il soit, peut m'offrir ses tributs;
Ici, tous sont égaux; et jamais la croyance
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Entre mes favoris n'a fait de différence.
Le Chinois, le Chrétien, les enfans d'Israël,
Les fils de Mahomet, aux pieds de cel autel,
Tous, amis, éclairés par les mêmes lumières,
Enflammés par les arts, unis comme des frères,
Sur le chemin brillant de l'immortalité,
Respirent pour la gloire et pour la vérité.
Si vous ne sentez pas ma divine influence,
Indignes de mon temple, évitez ma présence:
Pour maintenir mon sceptre il faut le mériter,
Et la science seule a droit de le porter.
Disciples d'Apollon, chantez sous ces portiques!
Bataves, accordez vos harpes héroïques!
Voilà de vos aïeux les vénérables trails:
Célébrez leurs vertus, célébrez leurs hauts faits;
Bataves! leur renom vivra dans la mémoire,
Et sur vous à jamais rejaillira leur gloire.’
Que de noms immortels, que d'astres éclatans
Ont frappé mes regards dans ces illustres rangs!
Pour prix de leur savoir, la main des doctes Fées
Environne leurs fronts de sublimes trophées.
Que de nobles travaux, de chefs-d'oeuvre divers
Furent par nos aïeux légués à l'univers!
Que n'ai-je des accens dignes de ces merveilles!...
Vous, dont un jour mes vers occuperont les veilles,
Pardonnez à ma Muse un trop timide essor.
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Quel talent suffirait pour peindre en lettres d'or
Tous ces grands souvenirs, monumens de victoire,
Et d'un siècle fameux l'impérissable histoire?
Vengeur de nos aïeux, dans la lice engagé,
Défendrai-je donc seul leur honneur outragé?
Eh! puis-je le tenter quand Bilderdyk respire?
Feith a-t-il donc brisé les cordes de sa lyre?
Sans courage et sans voix, nos prêtres d'Apollon
Ne connaissent-ils plus les sommets d'Hélicon?
Mais que dis-je? non, non; ma muse ambitieuse
Ne cédera jamais cette tâche orgueilleuse.
L'amour de la Patrie élève mes accens;
Un pouvoir inconnu vient exalter mes sens;
Il fait battre mon coeur, il m'inspire, il m'entraîne!
Intrépide, à grands pas, j'avance dans l'arène.
J'aperçois Grotius: tant d'éclat m'éblouit.
Quel respect tout à coup m'impose et m'interdit!
Quel insensé voudrait, d'un pinceau faible et pâle,
Retracer du soleil la pompe orientale?
D'autres luths ont déjà, par de sublimes chants,
Célébré ce grand homme et ses vastes talens.
Et j'irais, téméraire, à ce concert céleste,
Comparer mes accords, mêler ma voix modeste!
Le pinson, imitant l'oiseau de Jupiter,
S'élève-t-il jamais aux sources de l'Éther?
Mais le devoir l'emporte; et ma lyre animée
Excite les élans de mon âme enflammée.
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On dit qu'à son berceau, quand d'un léger souris,
Il enivrait sa mère, orgueilleuse d'un fils,
Un dieu vint le doter du plus riche apanage:
Il reçut le savoir, les vertus en partage,
Son esprit lumineux, dès ses plus jeunes ans,
Embrassait sans efforts les annales des temps.
Le monde réclamait et ses droits et ses titres;
L'Équité fugitive implorait des arbitres;
Grotius voit le jour: l'ordre se rétablit;
L'Europe avec respect l'admire et le bénit;
Et la paix et la guerre, en ses pages sublimes,
Il les fixe à jamais dans leurs droits légitimes.
Démêlant en vainqueur le dédale des lois,
Il règle le pouvoir des peuples et des rois.
Tant que de l'Éternel, sur la terre où nous sommes,
La suprême sagesse éclairera les hommes,
Grotius, on verra ton langage divin
Au temple de Thémis guider le genre humain.
De quels traits radieux ton génie étincelle!
A qui le comparer? où trouver ton modèle?
Tel on nous peint Atlas, antique appui des cieux,
Rassemblant à la fois, sur son front sourcilleux,
Le cercle des saisons qui couronne sa tête:
Tantôt couvert de fleurs, tantôt dans la tempête,
Il cède au doux Zéphyre, ou brave l'Aquilon;
Il entend retentir le torrent d'un vallon;
A ses pieds, sur l'émail d'une riche prairie,
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Écoute des bergers la champêtre harmonie,
Ou partageant des dieux les palais éthérés,
Prête une oreille avide à leurs concerts sacrés.
Pascal de ma Patrie, accueille mon hommage!
O Nieuwland! tendre fleur, au printemps de ton âge,
Le sort t'enveloppa dans la commune loi:
Naître, vivre, mourir fut un instant pour toi.
Sur un terrain ingrat, faible et décolorée,
Ta tige s'élevait des mortels ignorée;
Mais une habile main, par ses soins précieux,
T'enlève, te transporte en un sol plus heureux,
Et bientôt ta splendeur, hélas! trop passagère,
Sur ton noble destin fixe l'Europe entière.
Ah! dans un autre Éden, sous un paisible ciel,
Tu brilles maintenant d'un éclat éternel.
O peuples, glorieux des fruits de vos sciences,
Approchez-vous, parlez, prononcez vos sentences;
Jugez-nous, s'il le faut, avec sévérité:
Nous ne redoutons pas l'arrêt de l'équité.
Et vous, qui de l'Éther parcourez l'étendue,
Qui sur les vastes cieux attachant votre vue,
Du fluide de l'air marquez la pesanteur,
Ou des mondes roulans calculez la grandeur,
De vos yeux déssillés perçant les sombres voiles,
Quel pouvoir vous élève au séjour des étoiles?
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Qui, du sein du néant, vous fait voir tous ces corps?
Qui, pour vous, dans le vide anime leurs ressorts,
Et guidant votre vol par des routes secrètes,
Vous trace le chemin des brûlantes comètes?
C'est Drebber, c'est Jansen, et tant d'autres savans
Dont la gloire honora nos fastes éclatans.
Célèbre Métius, sans ton magique verre,
De son nom Galilée eût-il rempli la terre?
Quel spectacle étonnant et pompeux à la fois!
L'art dompte la nature asservie à ses lois.
Voyez-vous sur les flots, mobiles citadelles,
Ces poupes s'avancer en déployant leurs ailes?
Leurs mâts, impatiens des rives de l'Amstel,
Déjà voudraient braver les gouffres du Texel;
Mais des sables, durcis au sein des mers profondes,
Arrêtent leur essor!... Tout à coup, sur les ondes,
Soulevés triomphans par d'immenses radeaux,
Vers le riche Brésil ont vogué ces vaisseaux,
Et les Tritons légers, les jeunes Néréïdes,
S'élancent en chantant de leurs palais liquides.
Au génie inventif, là les vents sont soumis.
Admirez ces travaux que l'art a réunis!
Le chêne, descendu sur nos rives propices,
Se transforme, ô prodige! en flottans édifices,
Qui vengeant la Patrie, amassant des trésors,
Volent à la victoire, enrichissent nos ports!
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Ici, près des héros que mon pays révère,
Stévin a déployé sa science guerrière.
Émule de Vauban, autour de nos cités,
Son art creuse en secret des piéges redoutés,
Et trace des remparts où le dieu de la guerre
Avec un bruit affreux vient briser son tonnerre.
O que n'ai-je, Vondel, ton luth harmonieux!
Jusqu'aux flots d'où Phébus lance ses premiers feux,
Je ferais retentir l'éloge de nos pères!
Redits par les échos des plages étrangères,
Mes chants, mes chants sacrés, célébrant nos aïeux,
Rempliraient l'univers de cent noms glorieux.
Dans ces temps d'ignorance où la philosophie
Errait, du monde entier méconnue et bannie,
Descarte en nos climats vint fixer son séjour:
Que de profonds calculs virent alors le jour!
Inspiré sur nos bords, sa pensée agrandie
Y fit mûrir les fruits de son vaste génie.
Et toi, dont les vertus rehaussaient les talens,
Qui sur la bonne foi réglais tes sentimens,
Dont nul Batave encor n'a chanté la mémoire,
Spinosa! je devais un tribut à ta gloire.
Aux champs iduméens quels sons frappent les airs?
D'harmonieux accorda ont charmé ces déserts.
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Sur les bords du Kison, ô Patrie adorée,
Quel bruit a retenti dans mon âme enivrée?
Au sein de ces climats, sous ces arides cieux,
Où les fils d'Ismaël, sur des coursiers fougueux,
De leurs cris menaçans font trembler ces rivages
Et répandent au loin leurs affreux brigandages,
Ton éloge, porté sur les ailes des vents,
Répète jusqu'à moi les noms de tes savans!
Qui, le premier, ouvrit l'empire des sciences?
Qui jeta du savoir les premières semences?
C'est vous, ô Batavie! ô pays merveilleux!...
Mais quel brillant concert m'arrête en d'autres lieux?
La Meuse avec fierté fait bouillonner ses ondes:
Erasme a vu le jour sur ses rives fécondes.
La science d'Hellé fleurit sous notre ciel.
Erasme! mon pays te consacre un autel;
Mais l'éclat de ton nom, ta gloire ineffaçable
T'immortalisent mieux qu'un marbre périssable.
Peuples de l'univers, parlez, ignorez-vous
Ce qui vous agrandit et vous surpasse tous?
Votre goût, vos beaux-arts, vos vastes connaissances,
Peuples, vous nous devez ces richesses immenses.
Qui déchira pour vous les voiles de la nuit?
De vos nobles talens qui recueille le fruit?
C'est Koster! c'est son art qui ravit aux ténèbres
Vos sublimes travaux, vos ouvrages célèbres.
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Oui, né sur notre sol, par ses heureux secrets,
Des horreurs du chaos il vous sauve à jamais;
Sur vos climats, sur vous, il répand la lumière
Et rend ainsi la vie à la nature entière.
C'est ce mobile airain, c'est cet art précieux
Qui trace la pensée et qui parle à nos yeux.
La nuit régnait; Koster fait un geste; et les ombres
Disparaissent soudain des sentiers les plus sombres.
O Koster! à jamais, dans le temple divin,
Ton nom sera gravé par l'immortel burin.
Ah! reçois notre encens! c'est toi, dont le génie
Fait sous un dais sanglant trembler la tyrannie,
De l'ardent fanatisme abat l'affreux pouvoir,
Et règle des mortels l'immuable devoir.
Terre, réjouis-toi! tu sors de tes entraves.
Ton sein enorgueilli ne porte plus d'esclaves.
Koster a su briser tes indignes liens:
Il te rend à toi-même, il te comble de biens.
Venez, peuples; marchez sur le sol que je foule;
Vers le fleuve des Arts dirigez-vous en foule;
Venez, reposez-vous sur ses bords enchantés,
Et goûtez de ces lieux les douces voluptés!
Terre, réjouis-toi! la voix de la science
A plongé dans la nuit la stupide ignorance.
Le monde enfin est libre! Oui, tant que nous verrons
L'Helvétien vanter ses rochers et ses monts,
Que, souverain des mers, d'une écharpe dorée,
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Neptune entourera les flancs de la Corée,
Tant que d'un oeil hardi le monarque des airs
De l'astre au front brûlant bravera les éclairs,
La gloire de Koster ira, d'âges en âges,
Du monde rajeuni dissiper les nuages.
Ainsi le choeur des Arts, interprète des dieux,
De ce nom immortel fait retentir les cieux.
Sur l'autel parfumé reposent les offrandes;
Les parvis éclatans sont ornés de guirlandes.
Les prêtres, les élus, à cet auguste aspect,
S'approchent inclinés et pleins d'un saint respect.
Au milieu de leurs rangs j'aperçois la Patrie.
Dans ses traits gracieux quelle noble énergie!
Son front, céleste et fier, des prêtres inspirés
Reçoit l'encens divin et les lauriers sacrés.
Elle marche; autour d'elle un torrent de lumière
D'un faisceau de rayons remplit le sanctuaire.
Tel au sein de l'Olympe où les dieux sont assis,
Un jour pur fait briller les célestes lambris;
Mais lorsque de Vénus la suprême puissance
Parmi les Immortels annonce sa présence,
De jets étincelans les cieux sont éclairés;
Des plus tendres parfums les coeurs sont enivrés;
Tout sourit; et les dieux, dans cette enchanteresse,
Des jeux et des plaisirs adorent la déesse.
fin du cinquième chant.
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