Auriacus, sive libertas saucia
(1602)–Daniël Heinsius– Auteursrechtvrij
[Folio D1v]
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Stances.PArmy tant de soleils d'ont l'Immortelle flamme
Pour avoir trop de lustre offence mes deux yeux,
Ozeray-ie eslever les glaces de mon ame
En forçant la nature enter la terre aux Cieux!
De Heins il suffiroit que ta gloire suivie
De ces perfections vint arrester mes pas
Sans qu'vn si grand ozer pour finir mon envie,
Me sit voler si haut, pour retomber si bas.
Ce miracle du Ciel qui trop grand tirannise
L'orgueil des beaux esprits, forzez de l'adorerGa naar voetnoot*
Non, ie ne le puis voir, que mon ame surprise
Au cours de mille effrois ne se laisse emporter.
Pourray-ie voir aussy l'honneur de la HollandeGa naar voetnoot*
Sans avoir de cent peurs mes esprits agitez
Et ce ieune flambeau d'ont la gloire est si grande, Ga naar voetnoot*
Et dontia l'Orient l'ance tant de clartez!
Mais le fort est iexté vne perte honorable
Au moins courronera vn superbe vouloir,
C'est vivre que mourir d'vne mort agreable,
Et puis vn bel envy vaut mieux qu'vn bas pouvoir.
Ie veux comme ie peux, o Soleil, o bel Astre
Qu'vne langue Françoise esclate ton honneur
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[Folio D2r]
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Et bien si ton merite enfante mon desastre,
Pour vm si beau subiect i'aimeray mon malheur.
Qu'on ne me parle plus de ceste bande Grecque
D'vn Sophocle, Euripide, & tant de grands esprits,
Qu'on ne m'allegue plus le tragique Senecque
Et ceux-la dont le temps a mangé les escrits.
De Heins les va biffant, en son ame incognüe
Pour son stile empoulé, ne se suit que des yeux
Ces antiques cerveaux rampent dedans la Nüe
Au lieu que de son front il va toucher les Cieux.
Ses mouvemens choisis tiennent sous leur empire
Le plus determiné de nos plus beaux desirs.
En nostre ame emportee au flot de son bien dire
Fait lascher quand & luy, des larmes & des soupirs.
Lors que triste il despeint la Liberté bleßée
Par le perfide bras, qui meritoit cent Croix:
O Dieu combien nostre ame est doucement percée
Par le charme plaintif, de sa divine voix!
Il semble que ie voy vne Femme mi-morte
Qui iette de martire vne sueur de sang,
Vne vivante Mort que la douleur emporte
Et qui tient vn Enfer attaché à son flanc:
Quand rouge de courroux de la gent Espagnolle,
Il va les cruautez exprimant brusquement,
Vne rude Furie à nostre ame s'envole
Qui la transforme en ce, qu'elle soit iustement.
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[Folio D2v]
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Il semble que ie voy vn supplice vnerage,
Vne fiere Enyon qui se paist de sanglots:
Vn perfide Affronteur, qui au lieu de courage,
Loge la trahison au milieu de ses os.
Heureuse mille fois ô Belgique Province,
De voir par vn Achille vn si grand tort vengé,
Et pour eterniser la valeur de ce Prince
Le voir d'vn autre Homere encore loüangé.
Comme l'vn en exploicts est vn Foudre de guerre,
Qui peut mesme avec Mars debatre le Laurier,
L'autre qui ne cognoit de pareil en la Terre
Va desia dans le Ciel paroistre le premier.
Belle ame que le Ciel d'vne douce influence,
Anima de grandeur, on void par cest escrit
Qu'vn si galand Esprit n'est rien que l'Eloquence
Et l'Eloquence rien, qu'vn si galand Esprit.
Mais d'autant que ie sçay qu'vne chose divine,
Se conçoit beaucoup mieux qu'elle ne se despeint,
De Heins pour l'admirer il faut que ie termine,
Le fil de mon discours, d'vn extaze non feint.
D. de Licques. |