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Le Hautbois.
Und sie reiten rastlos immer zu.
Kôrner.
Comme elle est longue, la soirée!
La jeune fille, à son miroir,
Retroussant sa robe moirée,
Met son petit brodequin noir.
Dans ses yeux une larme brille;
Et son oreille, par la grille,
Croit ouïr sonner le hautbois
‘Qu'il reste long-temps!’ se dit-elle,
Cachant ses pleurs avec effort,
Et de son réseau de dentelle
Voilant son sein qui bat plus fort.
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Silence! écoute, ô jeune fille!
Quelle voix gémit sous ta grille?
- ‘Allons entendre le hautbois
Viens, c'est la fête du village;
Avril a verdi les rameaux;
La danse rit sous le feuillage,
Sous le feuillage des ormeaux.
Déjà descend la châtelaine
Avec sa suite dans la plaine.
Allons entendre le hautbois
Viens, du village c'est la fête.
La joie y mêle en gais accords,
En soupirs que l'écho répète,
Le son des hautbois et des cors.
Des fleurs y brillent, Isabelle;
Mais l'amour attend la plus belle.
Allons entendre le hautbois
Donne, ô ma blonde fiancée!
Donne la main à ton amant.’
- ‘Mais comme la tienne est glacée!
Comme tu souris tristement!
Comme il est pâle, ton visage!
Carlos, quel est ce noir présage?’
- ‘Allons entendre le hautbois
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L'éclat des flambeaux s'entrelace,
L'amour nous y garde une place,
Et le printemps des gazons frais.’
- ‘Carlos, ta douce voix m'invite.
Mais où donc allons-nous si vite?’
- ‘Allons entendre le hautbois
Ils s'en vont comme des fantômes,
Traversant, par mille détours,
Les villages aux humbles chaumes
Et les villes aux grandes tours.
- ‘Carlos, nous fuyons dans l'espace
Plus légers que le vent qui passe.’
- ‘Allons entendre le hautbois
Ils virent Grenade où les Maures,
Aux beaux récits de l'Orient,
Sous l'ombre des verts sycomores,
Prolongeaient leur destin riant.
- ‘Carlos, quelles sont ces bastilles
Où manque la croix des Castilles?’
- ‘Allons entendre le hautbois
Ils virent la France alarmée,
De la fui levant le flambeau,
Ainsi qu'une amazone armée,
Chercher la route d'un tombeau.
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- ‘Carlos, où s'en vont ces bannières,
Ces chevaux aux noires crinières?’
- ‘Allons entendre le hautbois
Ils virent les Alpes hautaines,
Dont les nuages, en passant,
Heurtent les cimes incertaines,
Comme les vagues un brisant.
- ‘Carlos, quels sont ces monts qu'assiége,
Au milieu du printemps, la neige?’
- ‘Allons entendre le hautbois
Ils virent la flamme grondante
Qui, du Vésuve, dans les cieux,
Rouge comme une torche ardente,
S'élance en jets capricieux.
- ‘Carlos, où veux-tu me conduire?
Vois-tu cette fournaise luire?’
- ‘Allons entendre le hautbois
Ils allèrent bien loin encore.
Voilà mille spectres hideux,
Qu'un lambeau de linceul décore,
Tournoyant en cercle autour d'eux!
- ‘Carlos, ces figures étranges,
Sont-ce des démons ou des anges?’
- ‘Allons entendre le hautbois
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- ‘Carlos, que veulent ces sorcières,
Sur le gazon de sang souillé,
Traînant, nocturnes meurtrières,
Un vieux cadavre dépouillé?
Mais tu gémis, et ta main tremble.
Dieu! comme le mort te ressemble!’
- ‘Entends-tu sonner le hautbois
Entends-tu?’ vont hurlant dans l'ombre
Les spectres le long du chemin;
Hélas! et d'un squelette sombre
- ‘Carlos!’ - Elle dit, et plus vives
Chantent les voix des noirs convives:
‘Entends-tu sonner le hautbois
Tremblante à cette vue étrange,
Et par degrés sa beauté d'ange
De son front pâli s'effaça,
Cependant que, dans les ténèbres,
Chantait le choeur aux cris funèbres:
‘Entends-tu sonner le hautbois
Dans les quadrilles au village
La cloche des morts s'entendit;
Elle tinta sous le feuillage,
Mais nul écho n'y répondit.
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En cherchant des yeux la plus belle,
On disait: ‘Où reste Isabelle?’
Et plus ne sonna le hautbois
Avril 1830.
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