Primevères(1834)–André van Hasselt– Auteursrechtvrij Vorige Volgende [pagina 265] [p. 265] Spleen. A mon ami W.J.C. V.. H...... Hätt' ich Schwingen, hätt' ich Flügel! Schiller. Oui, la vie a souvent des heures bien amères, Où l'amour, fatigué de ses propres chimères, Comme un funèbre poids, retombe au fond du coeur; Jours d'un siècle où l'ennui creuse et déchire l'ame, Comme un fer dont Damas aurait forgé la lame Pour la main d'un vainqueur. Alors, comme enlacé des noeuds d'une vipère, On se tord dans ses voeux; on appelle, on espère [pagina 266] [p. 266] La gloire du poète ou celle des guerriers, Et l'on voudrait, rêvant cent choses inconnues, Plonger au sein des mers, s'abîmer dans les nues, Ou ravir des lauriers. J'ai connu ces momens de souffrance en ma vie, Cette fièvre sans nom, où ma brûlante envie Eût voulu, secouant les chaînes d'ici bas, Suivre à travers les cieux le vol de La Martine, Se bercer au penchant de la vague mutine, Ou courir aux combats; Du rouge Hécla gravir les cimes flamboyantes; Sur les monts de Norwège aux crêtes tournoyantes, En quelque vieux donjon par les âges détruit, Chercher un nom rhunique; ou, dans les nuits tranquilles, Marcher au cri des flots qui battent ses presqu'îles En menant un grand bruit. Et puis je m'écriais: ‘Quel char ou quelle voile M'emportera là-bas où l'horizon se voile, Vers ces roes blancs de neige où bondit le chamois; Ou bien, pour me tirer de mes ennuis moroses, A Lahor, beau jardin qui voit s'ouvrir des roses Au soleil tous les mois? Au pays des Natchez qu'ombragent les savanes; Au Nil où le palmier, de loin, aux caravanes Semble un drapeau français planté dans les déserts; A l'Atlas dont les pieds touchent l'axe des pôles, [pagina 267] [p. 267] Et qui, debout, portant le ciel sur ses épaules, Se dresse dans les airs? Au sombre écueil où dort l'immortel Capitaine; A l'Athos écaillé dont la tète hautaine Courbe sur l'Archipel sa face de granit; Ou vers ce frais rivage où le Vésuve fume, Où l'oiseau, tout l'hiver, dans les fleurs se parfume Et chante dans son nid?’ Cris impuissans! Pour moi le génie est sans ailes. Ne rêver que l'Asie et ses blondes gazelles, Retenir en mon coeur tous mes voeux prisonniers, Ecouter dans les bois le vent de nuit bruire, Voir la blanche rosée en gouttes d'argent luire Sur les noirs marronniers; Laisser fuir dans l'oubli ma vie inoccupée, Jamais dans les combats ne plonger une épée, Jamais n'être emporté vers quelque bord lointain, Et, sans cesse déchu de mes songes de flamme, Ne chanter que l'amour aux genoux d'une femme, Voilà mon seul destin. Avril 1830. Vorige Volgende