Primevères(1834)–André van Hasselt– Auteursrechtvrij Vorige Volgende [pagina 261] [p. 261] A une Enfant. Lasset mir kommen die Kindlein. A. Sarrazin. Jeune enfant, qu'il est beau le rêve de votre âge! Comme une fleur de mai que nul autan n'outrage, Aux pleurs de la rosée, aux rayons du printemps Souriez bien long-temps. Car il est tant de maux, tant de maux dans la vie, Tant de chemina errans où notre foi dévie, Tant d'abîmes cachés sous nos sentiers fleuris, De douleurs sous nos ris. Laissez jouer au vent le clair et beau nuage Que dore le soleil en son flottant voyage. Le regret assez vite arrive sur nos pas; Enfant, n'échangez pas [pagina 262] [p. 262] Vos jours rians et purs contre nos jours moroses. Ne quittez pas trop tôt votre jardin de roses Pour notre forêt sombre aux détours ténébreux Qui se croisent entr'eux. Restez sous vos berceaux si frais, sur la lisière Du labyrinthe obscur, béante fondrière; Jouissez-y du temps que vous donne le ciel, De vos heures de miel. Ecoutez-y de loin la rumeur de la chasse, Que la brise à travers les feuilles roule et chasse, Et, parmi les taillis, la fanfare des cors Gémissant en accords; Et bruire le vol des abeilles errantes, Et fuir sous les rameaux les sources murmurantes Qui glissent par la mousse et les lierres rampans, Comme de bleus serpens; Et, sur l'acacia, la chanson des mésanges, Si douce qu'on dirait l'hymne lointain des anges Saluant l'enfant né dans la nuit de Noël Du nom d'Emmanuel. Guettez, sous les sapins taillés en pyramides, Où brille la rosée en diamans humides, Le papillon qui joue ayant pour parasol L'orbe d'un tournesol; [pagina 263] [p. 263] Ou tressez en bouquet la rouge marguerite Qui sous les verts buissons contre le jour s'abrite, Et les muguets d'ivoire, et les narcisses d'or Où la mouche s'endort. Mais ne franchissez pas d'un pied votre limite, Belle enfant, pour chercher la grotte d'un ermite Ou les oeufs d'un bouvreuil errant loin de son nid Que le bon Dieu bénit. Car vous ne trouveriez, dans le dédale immense, Que torrens écumeux roulant comme en démence, Que loups au regard fauve, et sangliers grondans Qui s'aiguisent les dents; Que gouffres empestés comme ceux où Sodome Vit crouler ses maisons et ses temples à dôme, Et que boas traînant leurs longs noeuds assouplis Sur le sol aux grands plis. Mai 1833. Vorige Volgende