Primevères
(1834)–André van Hasselt– Auteursrechtvrij
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IAinsi, prêt à jeter au moule sa Genèse,
Quand Dieu, du chaos noir, remuait la fournaise
En ébullition,
L'univers était fait dans sa tête suprême;
L'écho de l'avenir y chantait le poème
De la création.
Puis, comme un ouvrier qui mesure et contemple
D'un regard satisfait les colonnes du temple
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Dont il tailla le fût,
Le Seigneur éleva sa voix retentissante,
Et dit, sur le néant ouvrant sa main puissante:
‘Que tout soit!’ - Et tout fut.
Et tout fut. Il lança dans l'espace le monde.
Du soleil, sous son doigt, la lumière féconde
Au ciel s'épanouit.
Et, du firmament bleu tendant l'immense toile,
Comme des joyaux d'or il broda chaque étoile
Au bandeau de la nuit.
Il maçonna les monts, les mamelles du globe;
Attacha des forêts la verdoyante robe
Aux reins du corps géant.
Des fleuves sur son sein il traça les artères,
Et pour ceinture autour de ses flancs solitaires
Il noua l'Océan.
Il ouvrit au lion le désert et la plaine;
Dans les mers, que le vent creuse avec son haleine,
Jeta Léviathan;
Lâcha dans l'infini l'aigle au puissant plumage,
Et, pour dernier travail, fit l'homme à son image,
Et dit: ‘Je suis content!’
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II.Ainsi l'artiste, avant que sa haute pensée
(En son essor sublime et vainqueur élancée,
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Comme un astre qui monte à l'horizon,) n'ait lui
Et n'ait, du fond des cieux où va planant son aile,
Fait éclater sur nous sa splendeur solennelle,
Son oeuvre est faite en lui.
O! mais qui nous dira ses luttes et ses veilles,
Et ses songes divins tout remplis de merveilles?
Les blanches visions qu'il voit passer en choeur,
Et quelle voix lui parle en ses nuits solitaires,
Quand son sang plus vivant soulève ses artères
Et lui brûle le coeur?
C'est toi! c'est toi, poète à l'ardente paupière,
Qui pétris de tes mains et le bronze et la pierre,
Qui dresses des tombeaux plus saints que des autels,
Qui nous fais des géans de nains comme nous sommes,
Et fais jaillir des flancs du granit nos grands hommes
Doublement immortels;
Qui coules en airain ta pensée, et qui tailles
En marbre les soldats blanchis dans les batailles,
Ceux qui régnent d'en haut sur notre humanité,
Ceux dont l'ame au soleil du Seigneur s'est mûrie,
Et les morts glorieux tombés pour la patrie
Et pour la liberté.
Car tu vas dépassant de la tête la foule,
Semant des fleurs de l'art le sol que ton pied foule.
Aussi de jour en jour grandira ton renom;
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Et la gloire, qui lie, avec sa chaîne immense,
Au siècle qui finit le siècle qui commence,
Proclamera ton nom.
Octobre 1833. |
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