Primevères(1834)–André van Hasselt– Auteursrechtvrij Vorige Volgende [pagina 233] [p. 233] A Théodore. .... Nec dulces amores Sperne, puer, neque tu choreas. Horat. Laisse aller ta nacelle, ami; va ton chemin De folie et d'amour. Plus heureux et moins sage, Hâte-toi de cueillir le plaisir au passage; Car demain, hélas! car demain, - Poète, que ton luth prolonge l'harmonie Des concerts immortels de Dante ou de Byron, Et que la Muse épique ait placé sur ton front Le diadême du génie; Soldat, que ton coursier, prenant aux dents les mors, T'ait porté, couronné des feux de la bataille, Comme Napoléon, à travers la mitraille, Teignant ta pourpre au sang des morts; [pagina 234] [p. 234] Que jamais sous ton toit n'ait pleuré la souffrance, Ou que, triste et courbé sous la main du malheur, Tu laisses s'effeuiller au vent de la douleur La rose de ton espérance; Ou que l'amour t'ait fait plus qu'un roi, plus qu'un Dieu; Que ses rêves de flamme aient embrasé ta couche, Et qu'une bouche ait pris dans ses lèvres ta bouche, Comme des tenailles de feu; - Quand la mort sonne l'heure et que son doigt fait signe, Adieu, misère! Adieu, palais aux flèches d'or! Adieu, lit de lauriers où le bonheur s'endort! Adieu, belles au cou de cygne! Qu'importe alors un nom radieux et vermeil, Et la gloire d'en haut, comme une ange immortelle, Le proclamant au monde à genoux devant elle, Quand nous dormons le grand sommeil? Donc, au vent de l'amour laisse fleurir ton ame. Comme avec sa colombe un ramier dans les bois, Cherche, loin de la foule, un nid dans l'ombre; et bois L'ivresse aux baisers d'une femme. Donc, verdisse au soleil l'arbre de tes beaux ans; Car Novembre assez tôt, sous ses froides gelées, Novembre en fera choir les feuilles étoilées Et tomber les fruits jaunissans. [pagina 235] [p. 235] Donc, vis en joie, ami! Laisse aller ta nacelle Au courant doux et bleu que tu suis en riant, Ouvre au souffle embaumé qui vient de l'Orient, Ta voile blonde qui chancelle, Avant que l'ouragan ne te pousse à l'écueil, Que ton ciel ne se couvre et ne devienne sombre, Et qu'avec les débris de ta quille qui sombre, La mort ne te fasse un cercueil! Août 1833. Vorige Volgende