Primevères(1834)–André van Hasselt– Auteursrechtvrij Vorige Volgende [pagina 175] [p. 175] Maria. A un peintre. For every one her liked, and every one her loved. Spenser. Elle est jeune, elle est belle; et tous les yeux, le soir, A sa fenêtre en fleurs lorsqu'elle vient s'asseoir, Ont des regards pour elle. Plus d'un soupir la cherche à travers ses lilas, Et plus d'un coeur la nomme avec un doux hélas, Et se dit: ‘Qu'elle est belle!’ Un invisible esprit lui parle et la défend. Elle rit, elle chante, et sait, candide enfant, Des fraîches barcarolles, - Que Naple entend à l'heure où brille le ciel bleu Comme un grand archipel semé d'îles de feu, - Les suaves paroles. [pagina 176] [p. 176] Car de la vie encore elle ignore les maux. Du ramier dont la voix gémit sous les rameaux, Elle écoute les ailes S'ébattre, sans laisser ses lis, ses lis tout blancs Qu'elleabandonne feuille à feuille aux flots tremblans, Odorantes nacelles; Ou regarde nager les luisaus moucherons Sur l'étang qui ruisselle, en y faisant des ronds Do leurs rames agiles, Et chercher, au milieu des nénuphars dorés, Leurs palais d'un rayon du soleil colorés, Leurs demeures fragiles. A la voir, folâtrant par les rians sentiers, A la pâle aubépine, aux frêles églantiers Ravir leur diadême, Ou, d'une main timide écartant ses cheveux, Incliner une oreille attentive aux aveux Qui lui disent: ‘Je t'aime;’ A la voir, se cueillant des bluets dans les blés, Réveiller les oiseaux, dans leur sommeil troublés, Sous leurs tentes ouvertes, Ou du fleuve en silence épier les longs bruits, Sous le noyer touffu qui dérobe ses fruits En des écales vertes; On dirait une soeur de ces anges ravis Qui chantent hosanna, quand monte aux saints parvis, [pagina 177] [p. 177] Dans un rayon, une ame, Une ame d'un enfant qu'appelle, l'oeil en pleurs, Près du berceau sa mère, en y semant des fleurs De myrthe et de cinname. Et l'aime pour toujours qui la voit ou l'entend. Tous implorent un mot, un regard; et pourtant, Qu'elle soit jeune et belle, Sur mes jours elle n'a point jeté de linceul; Elle écoute mes chants d'amour, et pour moi seul Elle n'est pas rebelle. - Grâce à ton art magique, ami, qui nous ravit, Voilà que sur la toile elle respire et vit Par ton pinceau-poète; Toute son ame brûle et luit dans ses grands yeux; Et sa bouche sourit d'un rire gracieux, Sans voix, mais non muette. Février 1829- Vorige Volgende