Primevères(1834)–André van Hasselt– Auteursrechtvrij Vorige Volgende [pagina 121] [p. 121] Rêves. A mon ami A. Giron. Ein schöner Traum, ein goldner Traum Von wenig seeligen Stunden! E.H. Posselt. Lorsque j'étais enfant je m'écriais: ‘O Gloire! Un jour verra mon nom rayonner dans l'histoire Comme un grand souvenir!’ Et mon esprit, ainsi que le plongeur dans l'onde, Qui va ravir sa perle à l'Océan qui gronde, Plongeait dans l'avenir. Et déjà, ne rêvant que guerre et poésie, Je remuais la foule avec ma fantaisie, L'Europe avec ma voix; [pagina 122] [p. 122] Je posais en vainqueur les pieds sur ma conquête; Et la Muse nouait en bandeau sur ma tête Deux lauriers à la fois, Le laurier du soldat et celui du poète! Mon souffle ranimait dans leur tombe muette Tous nos morts radieux; Je peuplais tour à tour le drame et l'épopée De ceux que firent rois le génie ou l'épée, Et je les faisais Dieux. Puis Rome m'appelait qui sur le monde élève, Comme un sceptre, sa croix, à défaut de son glaive, Rome aux tombeaux toscans, Et Naples qui s'endort, souriante et vermeille, Aux baisers de sa mer amoureuse, et sommeille Entre ses deux volcans; Et, belle encore après six siècles d'agonie, Comme Eson par la flamme et le fer rajeunie, Hellé, la triste Hellé, Dont le grand Canaris, dans l'archipel d'Homère, Veille, sa torche en main, la destinée amère Sur son brûlot ailé. - Et maintenant, ami, que mes jeunes années S'effeuillent tour à tour comme des fleurs fanées Aux chaleurs de l'été, Plus calme dans son lit, comme un lac dans ses grèves, Mon ame se repose, et de tous mes beaux rêves Rien qu'un seul m'est resté. [pagina 123] [p. 123] C'eût le loisir serein et libre loin des villes Où mugit l'ouragan des discordes civiles, Des lâches passions; C'est la paix du foyer bien loin de ces Sodomes Où roule incessamment avec sa fange d'hommes Le flot des factions; C'est un asile au fond des bois où ma pensée Plus fraîche dorme au sein des roses balancée, Ou chante avec l'oiseau Sous l'acacia vert, aux mille étoiles blanches Que la brise, à midi, tamise par les branches Au courant du ruisseau; Et près de l'âtre, au soir, la molle causerie, Quand l'orage, semant sur l'herbe défleurie La dépouille des bois, Fustige mes vitraux de ses ailes brumeuses, Et mêle au bruit lointain des cascades fumeuses Le bruit de ses abois. Car ma tête n'est pas de celles qui dominent Le temps, et que les feux du génie illuminent D'un rayon immortel; Qui portent dans la nuit pour couronne une étoile, Ou dans l'oeil un éclair, - et règnent, marbre ou toile, Au faîte d'un autel. Février 1833. Vorige Volgende