Primevères(1834)–André van Hasselt– Auteursrechtvrij Vorige Volgende [pagina 51] [p. 51] Le Pessé. A mon ami Victor. En avant! en avant! Joubert. Quand Ossian, assis au bord des noirs torrens Ou sous les verts ramages, Sur sa harpe laissait tomber ses doigts mourans, Et des preux de Lutha, dans sa mémoire errans, Évoquait les images, A ses yeux sans regard chaque ombre tour-à-tour Dans un brouillard humide Passait; Gaul que Zarno vit régner sur sa tour, [pagina 52] [p. 52] Et Comhal qui portait des plumes de vautour Sur son casque numide; Leth dont le bras s'armait d'un grand bouclier rond Tout ridé de blessures; Uval dont les combats firent blanchir le front, Et Luno qui fauchait d'un glaive ardent et prompt Les phalanges peu sûres; Rathmor avec sa plaie ouverte, d'où le sang Coulait sur ses mains nues, Et Colma qui tordait les siennes, en froissant Ses doigts de désespoir, quand le pâle croissant S'aiguisait dans les nues; Fingal dont les cheveux ruisselaient, gris et longs, Sur son triste visage; Oscar dont l'oeil brillait comme l'oeil des aiglons, Et Malvina pareille au lis pur des vallons Qu'un pied foule au passage. Puis le Barde, appuyé, tout pensif et rêvant, Sur sa harpe plaintive, De leurs corps de vapeur dans la nuit se mouvant, Voyait sous ses yeux morts se balancer au vent La ronde fugitive. Et son coeur palpitait plus vite dans son sein, Son coeur rempli d'alarmes; Et, tant que remuait le fantastique essaim, [pagina 53] [p. 53] Il soupirait des mots tout bas et sans dessein, Et répandait des larmes. Ainsi, - de l'avenir tournant vers le passé Nos longs regards moroses, Quand nous reconstruisons chaque jour effacé, Dont la tristesse fit, à son souffle glacé, Pâlir les fraîches roses, - Fantôme au front penché qui tend vers nous la main, Flot grimpant sur sa rive, Monstre aux dents de lion qui suit notre chemin, Ombre d'hier voilant le soleil de demain, Chaque regret arrive, Chaque espoir malheureux, vain songe évanoui, Fugitive chimère, Et chaque amour au fond de l'ame épanoui, Et de mille douleurs le cortége inoui, Foule à la voix amère. Toujours sur le passé pourquoi donc revenir? Au lieu d'un jour de fête, Pourquoi d'un jour de deuil chercher le souvenir? Marchons, ami, les yeux fixés sur l'avenir, Sans détourner la tête! Mars 1830. Vorige Volgende