Primevères(1834)–André van Hasselt– Auteursrechtvrij Vorige Volgende [pagina 47] [p. 47] A M. Sainte-Beuve. Die Gabe des Lieds vom Himmel herabkommt. Schiller. Il est de ces mortels que la gloire couronne, Humbles hommes plus grands que les rois qu'environne Leur éclat souverain; Car ils sont rois aussi, mais rois de la pensée. Dieu leur fonde, au milieu de la foule insensée, Mieux qu'un trône d'airain. Ils suivent ici bas leur route solitaire, Sans qu'ils apprennent rien des bonheurs de la terre Dont ils sont les flambeaux; Et leur siècle souvent à peine les regarde. Mais la postérité dans ses trésors leur garde Des autels pour tombeaux. C'est Homère qui porte un monde dans sa tête; C'est Virgile prenant du Capitole en fête [pagina 48] [p. 48] Son essor vers les cieux; Et Pindare, debout sur son quadrige épique, Soulevant à grands flots la poussière olympique Qui baigne ses essieux; C'est Dante visitant les enfers comme Orphée, Torquato qu'une Muse au sourire de fée Conduit en son chemin; Et Byron exhumant la Grèce de sa poudre, Et Camoëns bravant la tempête et la foudre, Sa Lusiade en main. Et d'autres, à l'étroit dans la sphère où nous sommes, En leurs rudes sentiers cherchent de ces grands hommes Les pas mélodieux; Et vont et vont toujours sans relâche et sans trève, Comme si cheminait flamboyant dans leur rêve Un astre radieux. Ils vont et vont toujours, - passant steppes et plaines, Montagnes où des vents se heurtent les haleines, Forêts au large bruit, Et fleuves écumeux que tourmente la houle, Et sables dont le flot jour et nuit tourne et roule Au semoun qui bruit, - Tant qu'au fond du désert, ainsi qu'une île heureuse, Enfin s'ouvre à leurs pas l'oasis amoureuse Avec ses beaux fruits d'or, Ses parfums et ses fleurs aux corolles soyeuses, [pagina 49] [p. 49] Et ses palmiers touffus où mille voix joyeuses S'éveillent quand tout dort. Mais le nombre est petit des élus de ce monde Qui marquent dans le sol une trace profonde, Et disent: ‘Me voilà!’ Et sentent remuer, sous leur pied qui les foule, Comme un pavois vivant, les têtes de la foule. - Vous êtes de ceux-là, Poète! car le ciel à vos yeux se dévoile. La vierge Poésie aux rayons d'une étoile Trempa votre pinceau; Un ange vous rendit visible l'harmonie; Quand vous étiez enfant, vous eûtes un Génie Près de votre berceau. Tant d'amour en vos vers et de grâce respire, Que, sans doute, une Muse, en son magique empire Par la main vous menant, A ses rians banquets vous place, heureux convive, Vous dont le regard jette une flamme plus vive, Un éclair rayonnant! Novembre 1832. Vorige Volgende