Primevères(1834)–André van Hasselt– Auteursrechtvrij Vorige Volgende [pagina 39] [p. 39] A Charles. Es sit Deus in itinere. Tobie. ch. v.v. 21. Demain vous quitterez, ami, ces doux rivages. Loin du pays natal où vous vous plaisiez tant, Sur ses glaciers sauvages Et sur ses lacs d'azur la Suisse vous attend. Vous allez voir le Rhin, Bâle qui s'y regarde, Soleure aux clochers noirs, et le blane Neuchâtel Et l'église qui garde Le fer de Winkelried et la flèche de Tell. Puis, des vieilles cités de la vieille Ausouie, Poète voyageur, vous parcourrez les murs, Florence où du génie Le palmier toujours vert a des fruits toujours mûrs; [pagina 40] [p. 40] Rome qui, fière encor de sa grandeur éteinte, Au pied de ses autels plus nus que ses tombeaux, De sa pourpre déteinte A ses flancs décrépits rajuste les lambeaux; Et Sorrente qui mire à l'eau son front de reine, Et folâtre, et se tient aux branches des bouleaux, De peur que ne l'entraîne Le bras de l'Océan, comme autrefois Délos. Du haut de ses jardins toujours peuplés d'abeilles, Baïa vous montrera son golfe plein d'îlots Qui semblent des corbeilles, Des corbeilles de fleurs se berçant sur les flots. Vous verrez danser Naple au bruit des sérénades, Et Pompeïa déserte ouvrir devant vos pas Ses sombres colonnades Où son peuple muet ne se réveille pas. Et souvent, au milieu de ces belles ruines (Oubliant à loisir votre toit endormi, Vos monts bleus de bruines Et tant de voix, le soir, qui vous disaient: ‘Ami!’), Vous sentirez l'air pur qu'embaume l'Ionie, Et vous saurez des mers qui lavent Iolchos Et la jeune Hellénie, Si Canaris encor fait tonner leurs échos; [pagina 41] [p. 41] Si Byron maintenant dort en paix sous la terre, Loin du berceau béni par ses adieux touchans, Et loin de l'Angleterre, Sol maudit que sa Muse a flétri dans ses chants; Et si la liberté n'est pas une chimère, Une ombre dont on suit le rêve décevant, Une fleur éphémère Dont la frêle beauté s'effeuille au premier vent. Heureux, oubliez-nous et nos rives aimées Et le château natal levant son front jaloux Sur les vertes ramées; - Mais votre souvenir restera parmi nous. Et, quand le frais des nuits dans les mélèses pleure, Nous nous dirons, songeant à vous: ‘Par quel chemin Passe-t-il à cette heure?’ Moi surtout, votre ami, dont vous serrez la main. Mars 1833. Vorige Volgende