Primevères(1834)–André van Hasselt– Auteursrechtvrij Vorige Volgende [pagina 27] [p. 27] A un vieux Soldat. O beate! Horat. Heureux qui, se frayant à l'écart ses chemins, Marche loin des sentiers où marchent les humains Et loin des courans de la foule; Et, fuyant les palais du riche et du méchant, Ne prend pour horizon que la borne du champ Que son pied calme et libre foule! O! c'est votre destin, vous que le ciel bénit. Comme un oiseau des bois, vous cachez votre nid Sous le dôme de vos ombrages; Et, plein du souvenir de vos jeunes saisons, Vous prenez en pitié le bruit que nous faisons, Vous grandi parmi les orages; Et, - tandis que, livrés à nos ambitions, Nous montrons tour à tour au plomb des factions, Comme un but, le peuple ou le trône, - [pagina 28] [p. 28] Vous reposez votre ame, et, plaignant nos malheurs, Effeuillez vos beaux jours, tel qu'un rosier ses fleurs, Joyaux vermeils de sa couronne. Car vous êtes lassé des rumeurs d'ici bas. La terre fut pour vous comme un champ de combats; A peine votre coeur respire. Détachant de vos bras vos cestes glorieux, Vous sortez de la lice, acteur victorieux De l'Iliade de l'empire. Le feu de la bataille a bruni votre front. Votre sein palpitait d'un mouvement plus prompt, Lorsque, de leur gueule aboyante, Vos canons alignés dardaient leur rouge éclair, Ou que l'ardent mortier jetait l'obus en l'air Comme une étoile flamboyante. Aboukir vous versa le baptême de sang. De l'Elbe, que la mer refoule en mugissant, Aux rivages de Parthénope Vous avez suivi l'aigle en son vol assuré; Avec Napoléon vos pas ont mesuré Toute la carte de l'Europe. Et voici qu'à l'abri de vos chênes épais, Athlète fatigué, le bonheur et la paix Couronnent vos dieux domestiques; Vous voici, revenu sous votre toit normand, Refaisant votre vie, au murmure dormant De vos cascades poétiques. [pagina 29] [p. 29] Joyeux, vous respirez (buvant à pleins poumons Cet air pur et serein qui vient du haut des monts) Sans comprendre nos luttes vaines, Sans comprendre le cri qui râle à nos tocsins, Ni ce mot liberté qui, soulevant nos seins, Allume la fièvre en nos veines. Car du grand empereur dont vous suiviez l'essor, La mémoire vous reste, ainsi qu'un saint trésor, Ainsi qu'une sainte relique; Et vous rêvez à lui, sans vous inquiéter Du jour où l'on verra sur le monde éclater La bombe de la république. Avril 1833. Vorige Volgende