Primevères(1834)–André van Hasselt– Auteursrechtvrij Vorige Volgende [pagina 23] [p. 23] Pompeia. Sur l'album de F. Marinus, Peintre. Et subvertit... omnem circà regionem, universos habitatores, et cuncta terrae virentia. Genèse. chap. xix. v. 25. Elle était là, riante avec ses yeux en pleurs, La belle Pompeïa sur sa couche de fleurs, Comme un enfant qui rêve et joue avec ses rêves. Elle écoutait la voix des oiseaux s'assoupir, Et, du golfe endormi dont mourait le soupir, Le flot tiède et lascif baiser les vertes grèves. Puis, elle regardait l'azur de son beau ciel. La brise lui portait son haleine de miel Et le parfum des églantines. Et la trirème au loin passait, faisant sur l'eau Courir, comme des pieds, ses rames de bouleau, La trirème aux voiles latines. [pagina 24] [p. 24] Au souffle frais des mers qui venait du Levant, Son sein pur frémissait, comme frémit, au vent, Le luth éolien qui pleure sous les branches. Le chant du rossignol s'élevait par moment; Les étoiles brillaient; et le bleu firmament Semblait un archipel tout semé d'îles blanches. Ce n'était que parfums et musique dans l'air. - Voilà soudain, voilà que jaillit un éclair Dans l'espace, morne et livide. La nuit enveloppa l'horizon ténébreux Dans un orage immense; et le sol, tout fiévreux, Résonna comme un tonneau vide. Naple en bondit au fond de son golfe effrayé. Le ciel sombre rougit de traits de feu rayé. Et Pompeïa, sortant de sa molle paresse, Vit ses maisons crouler comme un oiseau son nid, Et chanceler ses tours sur leurs pieds de granit Tellement qu'on eût dit des géans pris d'ivresse. Le Volcan! - C'était lui qui guettait le sommeil Et descendait, le front radieux et vermeil, Au lit de la ville en détresse, Et se ruait sur elle, et dans ses bras ardens La serrait, la brûlait de ses baisers mordans, Ainsi qu'un amant sa maîtresse. Embrassement fatal! Pompeïa! Pompeïa! Dans son coeur qui râlait le râle en vain cria. [pagina 25] [p. 25] Une nuit tout entière, insensée et béante, Elle se débattit sous le Vésuve en rut, Et se tordit le corps, puis blêmit et mourut, Couvrant tout de son long sa couche flamboyante. Et Vésuve, au matin, sur le cadavre aimé Jeta, comme les plis d'un linceul enflammé, Sa lave rouge, ardent suaire; Et, penché sur le sein de la morte, baisa Une dernière fois son front, et la posa Au fond de son noir ossuaire. Sur le sépulcre où dort la belle Pompeïa, Dix siècles le Volcan, triste et jaloux, veilla. Mais lui-même aujourd'hui dort dans sa solfatare, Et laisse profaner la morte en son tombeau, Et lever son linceul qu'on déchire en lambeau; Et le pâtre à côté chante avec sa guitare. Ainsi, de son beau corps, mon peintre Marinus, Quand tu vis chaque main découvrir les flancs nus Et dans ses entrailles descendre, Oh! n'as-tu pas senti ton ame se serrer, Et laissé tes deux yeux chauds de larmes pleurer, Pleurer sur sa robe de cendre? Décembre 1833. Vorige Volgende