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Lettre CMLLIII.
L'Abbé de Maroles au Prince d'Orange. Il lui demande conseil.
*** L'Abbé de Maroles avoit servi avee zèle le pays contre les Espagnols: T. VI. p. 272. On lui reprocha, comme aux autres Députés Catholiques, d'avoir prévariqué: ‘negotium sibi commissum non bonâ fide egisse dicuntur, et eorum a quibus fuerant missi, arcana adversariis prodidisse:’ Lang. Ep. s. I 2. 806. Le témoignage de Granvelle (p. 194) vient à l'appui de cette accusation. On avoit fait aux Abbés de belles promesses; entr'autres l'entrée au Conseil d'Etat: ‘utrique ob egregie praestitam in Coloniensi conventu operam, Terranovae Dux id spoponderat, et Rex inter consiliarios destinârat:’ Str. II. 176. - Toutefois, en tenant compte des difficultés et des différents devoirs de leur position, il est difficile, sans renseignements plus exacts, de qualifier la faute et d'en déterminer la nature et le degré (T. VI. p 672, sqq et ci- dessus p. 38). Il est même peu probable que l'Abbé de Maroles eût écrit au Prince d'Orange, qu'il savoit bien informé, une Lettre qui semble porter le cachet de la franchise, si, réellement coupable de trahison, il n'eût eu aucun moyen de se réhabiliter dans son esprit. A quoi bon ce luxe de duplicité? - La Lettre de rappel des Etats-Gén., datée le 1 janvier (Acta P.C. p. 332), en faisant presqu'évanouir les dernières espérances d'un accord, venoit de le mettre dans une situation très-embarrassante. Il n'est pas étonnant que, grand admirateur du Prince, il demande encore une fois son avis et l'on peut croire qu'en recommandant la
réconciliation genérale, il la désiroit, et en admettoit, mème alors, la possibilité.
Le Conseil fut établi en 1580 dans les Provinces Wallonnes, mais les deux Abbés n'y furent point admis: ‘ut admitterentur, .. adduci
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Ga naar margenoot+non potuere Provinciarum Delegati:’ Str. II. 176. - Il ajoute: ‘opponentes simulato unius diei obsequio praeterita eorum facinora regiis partibus perpetuo noxia.’ Un tel reproche eût été singulier de la part de ceux qui l'avoient également mérité. La véritable cause de cette répugnance semble avoir été la jalousie entre les Provinces Wallonnes et le Brabant: T. VI. p. 540. Les Députés Brabançons à Cologne, écrivent en 1579 au Roi: ‘Volgens de Privilegien en behoorden de Walen die ten aensien van de Brabanders haer vreemt waren, niet eenighe handelinghe noch Gouvernementen te hebben over haer steden....; zijnde de Duijtsche Provincien. van meerder dienst dan de Walsche, welke altijdt pretenderen willen veel bewindts te hebben en luttel contribueren:... Also behoorden de Staten elck in haer Landt 't bewint te hebben.’ v. Meteren, p. 157b. Dans un Mémoire présenté en 1580 aux Et.-G, le Prince d'Orange, pour prévenir une négociation dangereuse avec les Provinces Wallonnes, tire parti de ces dispositions: ‘Staet te merken of de heerschappije van de Walen over dese Landen, alwaert dat sij so veel konsten ver werven dat de Spangiaerts daer uit vertrocken,... soude verdragelijker en matelijker wesen dan de Spangiaerden of Françoisen, en of men niet genoodsaeckt soude sijn even scherp toe te sien, om ons te wachten van haer tijrannije en moetwilligheid, so seer of meer als Françoisen of Spangiaerts; 't welk men mag merken uiten voorleden tijd, doen sij noch wesende met ons alleenGa naar voetnoot1met verbant vereenigt, niet lange met ons konsten blijven, uit dien sij geen so volle macht en heerschappije over al hadden so sij begeerden, daer sij nochtans de principale ampten van den Lande waren bedienende:’ Bor, II. 351. Cette mauière de voir étoit réciproque. Il n'est donc pas étonnant que l'Abbé de Maroles et son collégue reçurent un assez froid accueil.
Monseigneur, v. Exc. a phu entendre, tant par mes dernières, que par celles que Messrs les Députés ont escript à Messrs des Estats-Généraux, la disposition des affaires de la paix générale que l'on at pensez traiter en Coloigne;
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Ga naar margenoot+je ne fastidierayGa naar voetnoot1 davantage v. Exc. par mes répétitions inutiles, me contantant quant à présent de la supplier qu'il luy plaise tenir la bonne main à nostre générale réconciliation, pour éviter les maulx qui nous sont bien proche, si l'on ne regarde d'éviter les maulx qui sont à la porte par continuation de la guerre, mère-nourice de tous maulx, et que mieulx vauldroit se contenter de raisson, que de tenter les extrêmités. Quant à mon particulier, j'ay, en toute fidélité, faict tous debvoirs et bons offices à moy possibles, pour parvenir à cette paix tant désirée, mais je n'ay oncques phu induireGa naar voetnoot(1) nostre partie à s'accommoder aulx prétentions de Messrs des Etats. Et, à mon jugement, il fust estez bon que toutes les deulx parties eussent cédés quelque chose du leur, mais veu que Messrs des dits Estats sont esté servis d'abrumpre la négotiacion et nous révocquer, il n'y at que dire, ains convient nous conformer à leur bon plaisir; combien que, touchant nostre retour, je me réfère à ce que Messrs mes collégues en escripvent, n'estant quant à ma part las de faire
service à ma patrië, pourveu queGa naar voetnoot2 inconvénient, et désireroys qu'il vous plust, Monseigneur, me donner vostre bon advis, saschant qu'elle aime mon bien et honneur, et qu'elle ne seroit servie qu'ung sien serviteur tombast en dangier et ruine par les malveuillans des gens de ma profession et religion. Sur ce prieray le Créateur qu'il donne à v. Exc., en santé et prospérité, longue et heureuse
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Ga naar margenoot+vie, après m'estre recommandé très-humblement en sa bonne grâce. De Cologne, ce xiije en janvier 1580.
De v. Exc. très-humble et très-obéyssant serviteur,
Frederick Abbé de Maroilles.
Le Duc d'Aerschot se préparoit aussi à faire sa paix avec le Roi. On tâchoit de l'en détourner. Le 13 janv. ‘les Estats ont requis le Conseillier Léoninus de pourjecter les lettres qui s'envoieront à M. le Ducq d'Aerschot, luy déclairant que si, durant sa résidence en lieu neutral, ceulx d'Arthoys et de Haynault procédent à la détension de son bien, que son Exc. aurat la récompense de sa perte sur les biens des dits d'Arthoys et de Haynault, estant aussi en lieu neutral:’ Rés MSS. des Et.-G. Mais le Duc, réduict, d'après Granvelle (p. 194), faisoit valoir ses griefs. Le 23, ‘receu Lettres de M. le Ducq d'Arscot du 15, se complaindant bien fort que les Estatz l'ont rappellé à main vuide, et sans lui donner moien de pouvoir librement départir de la ville de Couloingne:’ l.l. - Le Marquis de Havré avoil déjà quitté les PaysBas. Le 28 nov. ‘sur la remontrance de M. le Marq. de Havré, est résolu que les Estatz ne peuvent sinon trouver bon que M. le Marq. se transporte en Lorraine, pour y aller trouver Mad. sa femme et y séjourner pour aucuns mois, quoy pendant les Estatz le requièrent bien affectueusement d'avoir la cause commune en favorable recommandation:’ l.l. - Voyez aussi p. 60, et surtout ci-après la Lettre de Granvelle du 11 nov.
L'Assemblée des Etats-Gén. n'avoit pas eu de grands résultats,
Le 27 déc. on avoit arrêté le projet d'un Conseil-Général de Gouvernement: ‘een Landraet van alle de geunieerde Provinciën:’ Bor, II. 15 b. Du reste point de mesures promptes et efficaces proportionnées aux besoins et aux dangers du pays.
Le Prince ne leur épargna pas des remontrances pleines deforce et de sévérité - Le 12 déc. il expose ses vues sur les moyens de résister à l'ennemi: ‘ist dat, door hare schuld en onachtsaemheid,... nochtans de ordre niet gestelt word, so wil hij ontlast wesen voor God en den menschen dat hij geen schuld daaraen heeft:’ l.l. 151b. Le 9 janvier, ‘voor hen luyder scheidinge en zijn vertrek,’ il
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Ga naar margenoot+récapitule énergiquement les raisons pour lesquelles, s'ils ne changent de conduite, il est impossible de sauver le pays. ‘De principale en eerste faulte is, dat, noch gijl. noch uwe Meesters, niet hebt als noch gestelt of gemaekt eenige vergaderinge en collegie, immers niet van Staten, d'welk soude macht hebben te resolveren op 't gene is streckende ten dienste van de Generaliteit... De waerachtige oorsaek van al dit achterdeel en quaed, is onse quade resolutie; wel is waer dat men dikmael genoeg vergadert en lang genoeg raedslaegt, maer ter contrarien siet men dat men so negligent is in 't volbrengen van 't gene géresolveert is, als men diligent is in 't lange delibereren:’ p. 153, sq.
Vers la fin de janvier, le Prince d'Orange se rendit à la Haye. Le 21 il écrit aux Députés des quatre Membres de Flandre: ‘Je suis prest, suyvant l'advis de M.M. des Conseil d'Estat et de M.M. les Estatz, aller à Utrecht, pour ayder à tenir jointz et bien résoluz les provinces, dont les Députez seront assemblez au dit lieu pour le premier du meis qui vient. On a jugé ce voyaige bien nécessaire pour plusieurs raisons quy furent hier proposés. Je n'ay voulu refuser de prendre ceste charge, où j'espère estre si peu de temps que je me trouveray, aydant Dieu, en ceste ville devant le jour pris pour l'assemblée des Députez:’ de Jonge, Onuitg. St. II. p. 68. - ‘Hij is van Antwerpen vertrocken op Breda, alwaar den Eertshertog hem geleide, dien hij aldaer seer heerlijk op sijn Huis gefestoijeert en onthaelt heeft ...; en reisde voorts van Breda na Holland en quam den 1 Febr. 's avonds in den Hage: ’Bor, II. 160a.
Ce voyage avoit différents motifs.
Le Prince n'avoit pas été en Hollande depuis sept. 1577. Sa présence y étoit requise pour régler divers points. Aussi voyons-nous les Etats lui soumettre immédiatement des désirs et des griefs, et le Prince apostiller leur requète déjà le 4 février.
Puis il désiroit, d'après la Lettre citée, se concerter avec le Collège des Provinces-Unies, à Utrecht. Ses efforts ne furent point inutiles: ‘in Febr., den Prince binnen Utrecht wesende, was bij de Gedep. van alle de (geunieerde) Provinciën eendrachtelijk resoltie genomen op alle de poincten te Antwerpen verhandelt:’ Bor, II. 221, in f.
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Ga naar margenoot+Il avoit à coeur de faire changer de résolution au Comte Jean de Nassau. (p. 176).
Peut-être, pas entièrement sûr de Rennenberg, vouloit-il surveiller de près les mesures qui pourroient, le cas échéant, déconcerter ses projets. Dans l'opinion de plusieurs il ne fut pas étranger aux mouvements populaires en Frise à cette époque. ‘De Prince en de Staten van Vriesland, nae dat sij door veel waerteekenen een achterdencken op Rennenbergh ghecreghen hadden, dochten dat het beter ware hem te verrasschen dan verrast te worden, en namen voor, in Febr., haer van 't Casteel van Leeuwaerden te versekeren:’ v. Meter. p. 163b. - ‘Praesenserat, quâ eratingenii sagacitate, rem Arausionensis: itaque jam tum in Frisiam proficisci statuerat, quasi ob alias causas, ne Rennenbergii consilia praecipitaret, quae ita se irrita redditurum sperabat, eâdemque ratione Rennenbergium a proposito revocaturum, si vocatis ad libertatem per Frisiam oppidanis arces ubique dirueret: sic enim fore ut, adempto freno quo praefecti urbes ad libidinem circumagebant, Frisia libertate reciperatâ in Ordinum potestate esset, et Rennenbergius, cum promissa Proregi praestare non posset, defectionem suadentibus minime aureis praeberet... Eà indole esse ut, si tantula temerariis consiliis mora injiceretur, subeunte poenitentiâ ad bonam mentem redire posset. Itaque mobile viri ingenium tractandum et ducendum potius quam cogendum ratus, sic cum eo agere statuit, ut non tanquam cum hoste declarato rem gereret, sed ei alienandi se ab Ordinibus materiam et facultatem praeriperet:’ Thuanus, Hist. III l. 71 p. 432, sq.
Sans aucun doute le Prince avoit surtout en vue de lever les obstacles qui s'opposoient encore au changement de Souverain.
Anjou insistoit (p 160, sqq.) sur l'exécution des promesses qu'on lui avoit faites, et des considérations puissantes sembloient devoir y déterminer: le besoin d'un Chef pour vaincre l'obstination des intérêts particuliers, l'espoir d'armer la France contre l'Espagne, les dispositions favorables du Duc envers ceux de la religion, la probabilité du mariage avec Elizabeth (Bor, II. 214; voyez ci-dessus, p. 4, sqq.). Un plus long délai pouvoit devenir fatal. - De même en
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Ga naar margenoot+Angleterre des hommes d'Etat très-habiles, nullement portés ni pour la France, ni pour les Catholiques, penchoient vers Anjou, non par choix, mais par nécessité. La crainte des intrigues de Marie Stuart ‘prompted Cecil, Walsingham, and Smith to press the queen's marriage with the Duke of Anjou far more earnestly than would otherwise have appeared consistent with her interests... The queen's absolute want of foreign alliance, and the secret hostility both of France and Spain, impressed Cecil with that deep sense of the perils of the time which his private letters so strongly bespeak:’ Halllam, Const. hist. of Engl. I. 184.
Le Prince, quant à ce point, avoit réussi auprès des EtatsGén. - Le 3 janv. 1580 ‘les Etatz supplient qu'il plaise à son Exc. de dresser les articles de seurté, sur lesquelz l'on pourroit traicter avecq le Duc d'Anjou et de sa réception, pour les proposer aux Provinces:’ Meter.p. 166d. Et.-G. Le 13, ‘est faict lecture des pointz et articles concernant le traicté qui se pourrat faire avecq M. le Duc d'Anjou:’ l.l. Et le même jour ‘is aan de Staten-G. een Propositie voorgehouden, aengaende het veranderen van Landtsheere, om daervan oock aen haer Meesters rapport te doene, om weder te vergaderen de Generale Staten, met vollen last van absolutelijck te resolveren:’ v. Meter. p. 166d. Ce Mémoire, rédigé sans doute sous l'influence du Prince, détailloit les arguments en faveur d'Anjou. On y rappelle aussi la possibilité de rapports entre celui-ci et les Mécontents: ‘het stondt oock den Landen toe te sien dat de Walen den Hertogh selve aen haer zijde niet en ghewonnen:’ p. 167d. -
Les Etats-Généraux se séparoient, à ce qu'il semble, bien disposés; mais il devoit en coûter plus d'obtenir dans les Provinces le consentement des Etats.
Toutefois la Flandre et le Brabant vouloient Anjou, la Flandre même au plus vite: ‘Flandri magnâ alacritate conditiones proponendas Andegavensi comprobarunt... Puto Brabantos Flandrorum exemplum secuturos: nam magistratus et primarii Antverpiae cives videntur eo inclinare: Lang, ad Sydn. p. 429. On n'attendit pas le retour du Prince pour hâter la résolution: ‘de Leden van Vlaenderen hebben gesonden na de stad van Campen, alwaer sijn Exc.
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Ga naar margenoot+met de Generale Staaten of Gedeputeerden van alle de provincien hen waren vindende, versoekende dat de handelinge ten einde gebragt soude worden:’ Res. de Holl. 1583, p. 395.
La Gueldre, Utrecht, et la Hollande surtout, persistoient dans leur opposition.
Les Etats de Hollande et de Zélande avoient souvent manifesté leur répugnance, sans tenir compte des avis du Prince: ‘Bij den advocaat de Staaten meede voorgeleesen zijnde seeker groot discours op het accepteeren van den Hertog van Alenchon als Protecteur-Gl,... hoewel de Staaten verklaart hebben dat... sijluiden niet raadsaam vinden in eenige handeling of accord daar op met denselven Alenchon te treeden, daartoe bij deselve tot nog toe geen consent was gegeeven; nogtans... hebben daeraf versogt dubbelt om elks in den haaren overgesonden te worden:’ Res. v. Holl. 1579, p. 678. Le 16 juin: ‘Op het rapport andermaal genomen aangaande het aannemen van den Herlog van Alenchon tot Protecteur-Gl, hebben de Staaten verklaart en geresolveert, niet raadsaam te vinden dat met deselve dies aangaande in communicatie sal getreeden worden...; die van Zeeland verklaren dat sij, weetende de oorsaak hoe en waartoe deselve alhier in den Lande is gekoomen, sijluiden alsdan daar in sullen adviseeren als na behooren:’ p. 716. Languet écrit le 27 févr. ‘Etiamsi nusquam tanta sit Principis Auraici authoritas quanta apud Hollandos et Zelandos, multi tamen putant ipsum difficilius persuasurum illis hominibus ut se Andegavensis imperio subjiciant quam reliquis:’ ad Sydn. p. 428. |
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voetnoot(1)
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induire. La Note au Roi, publiée par v. Meteren, p. 155, et à la rédaction de laquelle l'Abbé de Maroles avoit probablement participé, n'étoit pas sans doute et ne pouvoit être favorable aux hérétiques; mais tendoit néanmoins à les faire tolérer.
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voetnoot2
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Iei le MS. est rongé. Dans une copie on lit ce soit saus.
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