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* Lettre DCCCXLIV.
Le Duc d'Anjou au Prince d'Orange. Il se plaint que les négociations traînent en longueur (MS. P. A. 8780).
Mon Cousin! vous sçavez que, par l'advis et réquisition de Mrs les Estats-Généraulx, j'avois envoyé vers eulx le Sr de Bussy, pour résouldre et arrester la négociation cy-devant encommancée entre leurs depputez et les miens, et pensois que, pour le peu qui restoit, les affaires se dussent aussi tost terminer, comme il estoit très-requis et nécessaire pour le bien et utilité du public. Néantmoins j'ay esté adverty que tant s'en fault les dites affaires se
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Ga naar margenoot+résolvent, qu'au contraire on les tire en plus grande longueur qu'auparavant, ce qui me semble estre de grande inportance, ainsi qu'il se peult trop mieux juger par les événemens; et d'autant que mes forces arrivent journellement, ésquelles suis contraint donner ordre, j'escrit présentement au dit Sr de Bussy, Collonnel-Général de mon infanterye Françoyse, me venir trouver pour y pourvoir, envoyant en son lieu le Sr d'Espruneaulx, mon conseiller et chambellan ordinaire de mes affaires et conseil, pour continuer avec le Sr de la NeufvilleGa naar voetnoot(1) qui est par de là, la dite négociation, de la quelle il est très-bien instruict, afin de faire, au plustost qu'il sera possible, une résolution finalle, dont je vous ay bien voullu advertir par la présente, et vous prie, mon Cousin, y voulloir tenir la main et emploier vostre crédit, faveur, et auctorité pour les raisons que je luy ay donné charge vous faire plus amplement entendre de ma part et le croire comme moimesme... Mons, 7 août.
Francoys.
On dut enfin prendre une résolution finale, en renonçant au système (p. 408, in f.) de retards et de tergiversations. Il ne falloit pas exaspérer le Duc, ni surtout pousser à bout les Provinces Wallonnes qu'on venoit de blesser profondément (p. 389, in f.).
A moins de s'entendre avec Anjou, on avoit à craindre un démembrement de la Généralité: ‘Alançonii authoritas videtur paulatim crescere in Hannoniâ et Atrebatibus, et praesertim apud Nobilitatem, quae videtur ei esse addictior quam sit utile illis
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Ga naar margenoot+regionibus:’ Lang. Ep. s. 1. 2. 747. Le 16 juillet le Comte Jean observe aux Etats de Hollande ‘dat te beduchten staet dat de Hertoch van Alencon metter tyt d'Artois en Henegouwen bekommen mochte:’ v.d. Spiegel, I. 34.
L'Ambassadeur d'Angleterre lui même, Davidson, écrivant le 7 août d'Anvers à Lord Burghley, semble convaincu qu'une concession aux Provinces Wallonnes est nécessaire. ‘The French Commissioners are appointed to depart this day towards Monts, ill satisfied with the dealing of the states... The states of Hainaut have utterlyGa naar voetnoot(1) protested against the request not long since presented to the archduke and counsel of estate by those of the religion, and it is not without suspicion that they will use the same matter as a lawfull pretext to disjoine from the rest of the provinces, in case they be not secounded by them in theyr treaty with d'Alençon:’ Queen Eliz. and her Times, II. p. 90.
Le 6 août, ‘arresté de requérir Messieurs les Députés pour communicquer avecq les Ambassadeurs de France, que leur plaisir soit de présenter au dits Ambassadeurs les poinctz résoluz par le Conseil d'Estat et les Estatz-Généraulx pour entrer en ultérieure communication sur le secours à nouz offert; espérans les députez des provinces que leurs maistres ne feront difficulté de trouver bon et d'aggréer ce que par meure résolution est reprins par les dits poinctz; et est député le greffier de Brabant pour communiquer à Monsr le Conte de Boussu et le Visconte de Gand, et aultres chefs estans au camp, les dits poinctz. - Les Ambassadeurs d'Angleterre, ven la responce des Estatz, dont dessus est faict mention, ont réplicqué par escript et demandé en substance délay de 8 ou 10 jours pour advertir le tout à sa Maté réginale pour entendre sur les difficultez sa résolution et volunté. - Après midy, son Exe. a déclaré qu'en présense du révérend père en Dieu l'Abbé de St Ghertruyd, Monsr de Frézin, Monsr de Bassigny, le Conseillier d'Estat Liesfelt, et du Bourgm. Stralen, il auroit donné aux Srs Ambassadeurs de France les poinctz et instruction sur laquelle l'on debvoit entrer
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Ga naar margenoot+en ultérieure conmunication, laquelle par eulx veu et visité bien et au loing, ont trouvé bien estrainge que nous reculons plus que avanchons l'affaire, désirans en fin sçavoir librement et franchement sy voulons traicter avecq eulx ou non:’ Rés. MSS. d. Et.-G.
Le 7 août, ‘Son Exc. a requis Messrs de l'assemblée des Estatz-Généraulx de vouloir parler franchement et dire leur opinion sur la continuation ou refus de la communication avecq les Ambassadeurs de France, pour, les raisons d'un costé et aultre oys et examinez, recepvoir le secours par le Duc d'Anjou présenté, ou s'en excuser, selon que l'on trouvera pour le bien, repos, et service du pays convenir. Sur quoy, après plusieurs discours et allégations, est résolu que les Estatz treuvent profitable et nécessaire que le traicté soit résolutivementGa naar voetnoot1 et positifvement achevé, en conformité de l'advis de son Exc. et Messrs du Conseil d'Estat, prins en présence de son Altèze. Et ceulx de Flandres, à ce que leurs maistres soyent mieulx informez, requérent que le plaisir de son Exc. et Estatz soit d'escrire lettres à leurs membres quy sont assemblez à Gand, et à icelle fin dépescher vers eux Monsr d'Uytenhoven avecq l'instruction et articles proposez aux Ambassadeurs; ce que leur est accordé et aux aultres provinces:’ l.l.
Le 11 août, ‘après longue et bien meure délibération, conférence, et communication d'entre Messieurs du Conseil d'Estat, ses Exces, et Messieurs les Députez des Estatz-Généraulx, le traicté que se présenteroit à Messieurs les Embassadeurs de Monseigneur le Duc d'Anjou sur le secour par luy présenté au dit Estatz, est aresté, par pluralité de voix; combien que plusieurs députez de provinces ont déclairé n'estre auctorisez de leurs maistres, remectans néantmoings le tout au Conseil d'Estat, soubz espoir que ce que par les dits Srs seroit faict, céderoit au bien et repos de la généralité:’ l.l.
Le Traité fut conclu le 13 août. Anjou devint Défenseur de la liberté des Pays-Bas; du moins il en reçut le titre.
On sembloit céder, on cédoit, sous quelques rapports, aux in- | |
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Ga naar margenoot+stances des Wallons. Toutefois l'accord leur déplut, et cela n'est pas étonnant.
D'abord, en refusant au Duc, pour le moment, toute participation au gouvernement civil, on s'engageoit néanmoins à lui donner la préférence, s'il falloit changer de Souverain. C'étoit aller trop loin à leur gré: ‘ipsos Malecontentos, quamvis Alençonii evocatores, tam liberalis Ordinum promissio sollicitos habuit:’ Strada, II. 9.
Puis, selon eux, le Duc se mettoit beaucoup trop dans la dépendance des hérétiques. Il prenoit l'engagement de se conféderer avec la Reine d'Angleterre, le Roi de Navarre, et le Duc Casimir; c'est à dire, avec les principaux Chefs des Protestants.
Le Prince avoit atteint son but, déjouant les manoeuvres de ses antagonistes. Anjou étoit désormais pour la Généralité un auxiliaire, puissant pour le bien, moins puissant pour le mal; on l'avoit compromis auprès des Catholiques.
Venu à la prière de ceux auxquels le Prince devenoit suspectGa naar voetnoot(1), il lui arriva ce qui étoit arrivé à Matthias. Il fut entraîné par l'influence qu'il venoit contrebalancer.
Désappointés, beaucoup de ses partisans penchèrent bientôt vers la réconciliation avec le Roi. ‘Ils voyent’, dit-on dans l'Apologie, ‘qu'ils ne peuvent amener Anjou à ce point de se rendre Chef contre vous, Messieurs, et contre ceux de la Religion; ils le délaissent et se joignent au Prince de Parme:’ Dumont, V. 1. 400b. On ajoute: ‘Y a-t-il flots de la mer plus inconstants, Euripe plus incertain que les conseils de telles gens?’ l.l. - Il y a cependant une excuse; le Prince enlevoit constamment leur appui.
Les Etats-Gén., par l'accord avec Anjou, se réservèrent le mois d'août pour traiter avec D. Juan.
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Ga naar margenoot+Le 13 aoùt, jour mème où l'on venoit de terminer le Traité, ‘Messieurs les Conseilliers d'Estat Léoninus, Metkerke, Bevere, Lisfelt, et le prélat de St. Gertrude, Saventhem, Prouin, et le greffier de Brabant, sont commis pour pourjecter certain escript sur la proposition de Mons1 l'Ambassadeur de l'Impériale Maté, du Roy de France, et ceulx d'Engleterre, sur le faict de parvenir à une bonne paix, moienant qu'elle soit asceurée; pour lequel (après qu'il sera aresté) estre délibvré au dit Don Jéhan, ou à ceulx qu'i voudra commectre: à quel effect seront requis Messieurs les susdits Embassadeurs, tant de l'Impériale Maté, du Roy de France, et d'Engleterre, luy faire tenir, ou à ses commis, avecq aultres Srs de pardeçà que l'on pourroit dénommer pour les accompaigner:’ Rés. MSS. d. Et.-G.
Le 14 août, après midy: ‘Comme s'est faict itérative lecture des poinctz et articles contenans les conditions de paix avecq Don Jéhan, combien que ceulx de Haynault ont protesté de n'estre auctorisé sur l'article contenant le faict de la religion, est néantmoings aresté le dit pourject des conditions et articles, par pluralité de voix:’ l.l.
Après quelques conférences D. Juan déclara le 29 août qu'il venoit de recevoir des Lettres du Roi, l'informant que S.M. avoit remis toute la négociation entre les mains de l'Empereur, ‘als tot een arbitre, gelyk de Staten tot meermaels hadden begeert en versocht:’ Bor, 981a; ayant dénommé à cet effet le Duc de Terra-Nova, naguère Vice-Roi de Sicile.
De Thou considère cette excuse comme un subterfuge de D. Juan (‘Austrius, novis auctus copiis.., ut Ordines diuturnitate belli et affectatâ morâ exhauriret, respondit Philippum totum hoc negotium Caesaris arbitrio commisisse:’ Hist. l. 66. p, 271a).
Nous ne voyons pas de motifs suffisants à ce soupçon.
D. Juan avoit montré de la bonne volonté: ‘de Grave van Swertsenburg, die... was geweest by D. Jan, liet sich dunken dat men lichtelyk altans alle redelykheid soude konnen verkrygen, by so verre D. Jan daertoe versocht worde:’ Bor, 979a.
Sa position devoit lui faire désirer la paix (p. 408). Les Etats
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Ga naar margenoot+avoient déjà le secours d'Anjou et de Casimir. Philippe II désiroit un arrangement final, et les dispositions de la France et de l'Angleterre étoient presque de nature à l'imposer.
La dureté des conditions est l'argument le plus plausible contre la sincérité de D. Juan; on s'étonne qu'il ne les ait pas tout d'abord repoussées. Mais Strada nous apprend qu'en effet il hésita, ‘superbis postulatis praeter modum offensus;’ I. p. 606; il fut entraîné par les conseils du Prince de Parme et la crainte de voir la France, sous prétexte de porter secours, s'emparer des Pays-Bas.
On sait en outre que la détermination du Roi d'Espagne fut prise à cette époque.
Les conférences devoient avoir lieu à Cologne: Granvelle écrit, les sept., à M. de Bellefontaine, que le Pape envoie aux négociations de Cologne ‘M. Castagno, qu'a esté longuement Nonce d'Espagne, où il a esté fort estimé et aymé; aussi est-il homme de bien, saige, et dextre’ (MS. B.B.I. p. 143). Le 5 nov., que M. de Terra-nova est son ami, et ‘un homme qui entend’ (MS. B.B.I).
Les intentions de D. Juan semblent avoir été plus pacifiques que celles des Etats, à en juger du moins par ce qu'ils exigent de lui.
Le 26 août, ‘les Estatz aians entendu le rapport de Monsr le prévost de St Bavon, commis de leur part pour entrer en conférence sur le traicté de paix avecq Don Jéhan en la ville de Louvain, ont résolu ne prendre lieu de conférence aultre que la dite ville de Louvain, n'entendans accorder cessation d'armes, ne d'entremectre aultres intercesseurs de la ditte paix que Messieurs les Embassadeurs de l'Impériale Maté et de la Sérénissime Roine d'Engleterre, comme n'en pouvans trouver de meilleure estoffe et qualité, consentans toutesfois que les conditions de paix se proposeront par forme de prièreGa naar voetnoot(1) et réquisition, si les députez des dit Estatz sont pressez de le faire, et pour n'obmectre nul debvoir de bons subjects envers leur Prince; accordans en oultre prolongation de six à sept jours pour l'exécution du dit traicté, s'il se peut arester, quoy pendant Dom Jéhan remectra ès mains des ditz Estatz les villes de Louvain, Arscot, Diest, Tilmont,
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Ga naar margenoot+Sichen, Leuwe, Burch, Nivelles, Beaumont, Chimay, Mariembourch, Jodoigne, Gemblou, et Philippeville; remectans la rendition des aultres villes soubz bonne asseurance et hostaige; et en deffaut d'accord du dit traicté de paix, les députez des Estatz protesteront d'estre absoulz et déchargez devant Dieu et tous les princes et potentatz de la Chrestienté de tous les inconvéniens que proviendront de la guerre:’ Rés. MSS. d. Et.-G.
Languet, qui n'affectionnoit pas les Espagnols, énumérant les demandes des Etats, ajoute: ‘conditiones fuerunt ejusmodi, ut si Joannem Austriacum victum pugnâ captivum tenerent, non possent graviores proponere: Ep. secr. I. 2. 754.
Il n'est pas surprenant qu'Elizabeth, dans des Articles proposés en son nom le 17 sept. aux Etats-Gén., exige ‘que les Estatz tunbant sur quelque traicté de paix, ne proposeront conditions desraisonnables ou telles que bonnement les subjectz ne peulvent demander de leur Prince, sans manifestement blesser et faire tort à son honneur.’ (Arch. du Roy. MS. Angleterre, 1576-1580).
Du reste elle semble avoir insisté un peu fortement sur la paix. Le 20 sept. nouvel article, recommandant une cessation d'armes, et ‘le cas advenant qu'elle ne sera pas trouvée en vostre conseil propre et agréable pour le bien de l'estat de voz affaires, pour le moingz que, tant l'ennemi que vous, cassiez vos nombres de gens de guerre et le réduisez à plus petit:’ l.l. Les Etats répondent le 28, ‘qu'ils se confient que S.M. ne vouldroit procurer ni permectre leur ruine, et pour tant la supplient ne trouver mauvais qu'ilz continuent l'exploit des armes contre les ennemiz de leur patrie avecq les plus grandes forces et moyens que possible leur sera:’ l.l. Le même jour on délivre un passeport à Cobham et Walsingham: l.l.
Ceux-ci eussent désiré que l'Angleterre agît avec plus de bienveillance et moins d'indécision. Walsingham écrit le 9 sept. d'Anvers une Lettre fort énergique à Sir Chr. Hatton: ‘If it be good to have these countries possessed by the Frenche and alienated in good wil from the crowne of Englande, then you have returned Mr Sommers with a very good dispatche... Surely those people
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Ga naar margenoot+meane no longer to depende upon your uncertainties... they shall be forced to have recourse to a most perillous remedy, such as may be termed medicina morbo deterior:’ Queen Eliz. and her Times, II. p. 93. Il s'inquiète des procédés envers l'Ecosse et les Pays-Bas, d'autant plus qu'en vain la Reine a été conseillée prudemment et fidélement par ses ministres: ‘I am informed that no prynce could be more faythfully and earnestly dealte withall by counsellors, then her Majesty hath bene by hers...’ My Lorde Cobham and I have cause to think ourselves most unfortunate to be employed in alegation that is like to have so hard an issue:’ l.l.
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Neufville. - Nicolas de Neufville, Sr de Villeroi, l'un des plus habiles ministres et négociateurs sous Charles IX, Henri III et Henri IV. A l'âge de 24 ans, en 1567, il étoit déjà Sécretaire d'Etat.
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suspect. ‘Qui a Philippo defecerant et tamen ab Arausionensis partibus alieni erant, et Matthiam a se evocatum ab Arausionensi praeoccupatum dolebant, Andino favebant:’ Thuan. p. 263a, et ci-dessus, p. 365.
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