Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome VI 1577-1579

[p. 399]

† Lettre DCCCXXIX.
⁺M^r des Pruneaux au Prince d'Orange. Il proteste de ses bonnes intentions. (MS. P. 8783).

Monseigneur! Il semble que ne m'ayant voulu rendre responce à une lettre que vous ay escripte, y eust chose non agréable; m'estant advis, Monseigneur, n'y avoir rien que ne deussiés trouver bon. C'est le plus fidelle office qu'on sçauroit faire, où le service estant dédié, de sçavoir d'ouyr et veoir chose importante et de telle conséquence, en advertyr pour y pourvoir. Mes paroles ne sont point pour vous en voulloir faire croire. J'admire trop vostre grande suffisance et croy trop l'entière cognoissance qu'avez en toutes haultes affaires, mais quelquesfois que aux plus grands on taize telles choses, quy en fin, sans y panser, apportent conséquence. Or, Monseigneur, vous le prandrez en bonne part et croirés que tout ce que j'ay dans mon coeur est francq, et que le fondement de tout ce de quoy je me mésleray jamais, sera premièrement tendant à la gloire de Dieu (car si je ne cuidois son Altesse du tout induicte au repos et résolu à la conservation de l'une et l'aultre relligion, toutes les puissances ne m'en feroist mesler), et après, comme vous ay dit par cy-devant, la grandeur et maintien de vous et de vostre Maison. Je suis marry que n'ay peu estre creu, comme syncèrement j'ay parlé sur les trois faitz alléguez, le premier pour la gloire de Dieu, le second pour la gloire de mon maistre, et le tiers pour la vostre; en tout je chemine en la rondeur que je doibs, comme je feray tousjours pour tous ceulx à qui je le promettray. -

+ 1578. Juin.

[p. 400]

⁺Monseigneur! je désireroys que son Altesse vous envoyast quelques uns des siens qui vous fust plus agréable que je ne suis, mais il ne pourroit ung plus homme de bien et quil vous parlast plus franchement. Il y a maintenant près de son Altesse M^r de la Noue. Je serois très-aise qu'il fust icy: je ne doubte qu'il ne vous soit plus agréable, avecques très grande suffisance. Je seray très-aise, trèscontant et satisfait quand, par qui que ce fust, cest affaire se puisse acheminer au bien que je désire, vous suppliant très-humblement prandre le fait, comme le bien qui en peult advenir vous y convie. - Il nous a esté présanté une ville sur la dernière response qu'ont fait M^r des Estats-Généraulx, en demandant quinze cens harquebusiers qui sont tous prests, mais il m'est advis que, si vous les consentiés¹ entrer plus franchement en besoigne, M^r, que ce seroit bien fait; deux villes ne vous sont point de plus grande conséquence qu'une, quatre que six, et enfin il fault s'assurer que, si son Altesse se joinct à vous et qu'il employe tout, pour jamais ces pays ne se peuvent départir de luy, car se voullant opposer à toutes puissances sans exception, ne vous pourriés départir qu'avec plus de mal que celuy que vous avez. J'ay receu Lettres de son Altesse, par lesquelles il me fait parroistre plus d'affection en cest entreprise que jamais; je voys d'ailleurs qu'en beaucoup de lieux il est désiré: vous sçavez qu'ung estat irrésolu ne peult bien faire et les dangers qui s'y présentent; je vous supplieray encores ung coup de me croire et m'honorer tant vous assurer que vous y serviray clairement et fidélement; je ne me puys départir d'ycy, combien que j'en eusse occasion, pour l'espérance que

+ 1578. Juin.

1 c. à. d., fesiez consentir à.

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⁺j'ay que son Altesse viendra, et que vous serés celuy qui luy ayderez luy mettre trois Couronnes⁽¹⁾ sur la teste, après avoir esté cause de l'avoir fait venir⁽²⁾.... Mons, 22 juin.

De la Noue, dont le Prince avoit déjà en 1573 espéré la venue (T. IV. p. 194), devint Maréchal de l'armée. Les Etats le prirent à leur service ‘op het aengheven van den Prince van Orangien, Grave van Bossu, en den Borchgrave van Gendt:’ v. Meter., p. 139^d. ‘Virtute, animi moderatione, ac peritiâ rei militaris inter Huguenottos longe excellit:’ Lang. Ep. s. I. 2. 316. ‘In la Nouaei animo plurimae virtutes certant inter se de principatu, ad quas accedit ea rei militaris peritia, ut ipse princeps Auraïcus et alii qui hic sapiunt, eum rerum suarum columen existiment:’ ad Sydn. p. 401.
Environ vers la même époque le Prince fit venir Mornai: ‘Ses amis qui estoient près de luy (en Angleterre) luy donnans espérance qu'il s'y pouvoit faire quelque chose pour l'advancement de la religion, et M. le Prince d'Oranges l'y conviant par lettres, il se résolut de passer ès Pays-Bas:’ Vie de Mornay, p. 45. Dèslongtemps le Prince apprécioit le mérite éminent de cet homme d'Etat Chrétien (T. III. p. 402). Récemment encore Mornai ne lui avoit pas été inutile auprès d'Elizabeth. ‘Comme les Pays-Bas eussent, en 1576, pour fortifier leur Union, envoyé vers la Roine, afin d'entrer en alliance avec elle, il eut cest honneur d'ètre requis de M. le Prince d'Orange de les assister en ce Traicté, et de l'autre part eut la Roine aggréable que ses Ministres luy en communicassent. Aussi avoit-il envoyé de la part du Roy de Navarre à M. le Prince les lettres surprises en Béarn que D. Juan et Escovédo escrivoyent au Roy d'Espagne:’ Vie de M. p. 43.
Le Prince aimoit à savoir le Duc d'Anjou bien entouré; sa confiance en lui n'étoit pas illimitée.

+ 1578. Juin.

(1) trois Couronnes. A ce qu'il paroît; celle de France, après la mort de Henri III; celle d'Angleterre, par le mariage avec Elizabeth; enfin, par le choix des Etats, la Couronne Ducale de Brabant.

(2) fait venir. Voyez p. 364, sqq.