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Lettre DCCLXIII.
Ga naar margenoot+La Princesse au Prince d'Orange. Cadeau reçu; cadeaux à donner.
Monseigneur! J'ay resceu le présent qu'il vous a plu m'envoier de la part de la RoineGa naar voetnoot(1), que j'ay trouvé fort bien et joliment faict. Quant à la sinificacion de la lésarde, d'aultant que l'on escript que sa propriété est, quand ungne personne dort et qu'un serpent le veulx mordre, la lésarde le réveille, je pence que c'est à vous, Monseigneur, à quy cella est atribué, quy etveillés les Estas, craingnent qu'y ne soitsGa naar voetnoot1 mordus. Dieu veille par Sa grâce que les puissyés bien garder du serpan. - Nous avons veu ce matin Monsr et Mad. de MéraudeGa naar voetnoot2 et sa fille, la marquise de BergueGa naar voetnoot(2), quy est belle et fort grande pour son âge, quy est de dix-sept ans. Je l'ay bien regardée, pour vous en dire, quant je vous voiré, ce quy m'en senble. Ce 8 octobre, sur les onse heures devent diné.
Ga naar voetnoot3 Monsieur! Je viens de pencer pour les gentihomes quy sont près de Monsieur vostre frère, qu'y me samble leur fauldroit donner quelque chose; s'il vous plaict, que je face faire en or vostre pourtraict et le mien, tout en ungne médalle, ou à par, avec les devise, vous me le menderés,
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Ga naar margenoot+et, s'y fauldroit quelque petite chaîne pour les pandre, de quelle valleur vous les voudriés avoir.
L'Archiduc Matthias, né en 1557, frère de l'Empereur Rodolphe, Empereur lui-même de 1612 à 1619, se présenta tout-à-coup sur les confins des Pays-Bas. Une partie de la Noblesse l'y avoit invité.
On a généralement attribué cette démarche au mécontentement excité par la nomination du Prince comme Ruwart de Brabant (voyez ci-après). Bor, p. 898b, le dit en termes positifs. V. Meteren, p. 125d, de même. ‘De eligendo novo Gubernatore verba fecerunt,.. ut subtracti Ruartis imperio, cui parebat aegre Nobilitas, apud novum Principem exaequarentur:’ Strada, p. 536.
C'est là évidemment un anachronismeGa naar voetnoot(1). Le Sr de Maelstede, député vers Matthias, étoit parti pour Vienne le 26 août; plus d'un mois avant la venue du Prince à Anvers, et deux mois environ avant qu'il fut élu au Gouvernement du Brabant.
Toutefois n'est-il pas suffisamment avéré que la jalousie contre le Prince fut le mobile qui fit recourir à Matthias?
Plusieurs l'affirment. Il suffit de lire ce qu'en disent les historiens précités. Languet écrit: ‘Ego fere non dubito quin Matthias accersitus sit odio Orangii; nam male habet alios Proceres quod plus valeat gratiâ et authoritate apud populum quam ipsi, et propterea voluerunt Matthiam ei opponere:’ Ep. secr. I. 2. 334.
Remar quons néanmoins qu'il n'est pas nécessaire de supposer exelusivement ce motif.
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Ga naar margenoot+Après le fait de Namur l'invitation à l'Archiduc n'a rien de surprenant. Beaucoup de Seigneurs, et en particulier le Duc d'Aerschot (p. 146) ne vouloient plus de réconciliation avec D. Juan; d'autre part ils prévoyoient que, sans Gouverneur-Gl, l'anarchie et la confusion seroient inévitables, et en outre ils désiroient le moins possible, irriter le Souverain. - Delà un parti mitoyen, le choix de Matthias, son neveu, d'une famille, à l'exception de Maximilien II, zélée pour le Catholicisme. Il seroit Gouverneur, par provision et sous le bon-plaisir du Roi.
Il avoit en 1576 offert ses services. ‘Nae de doot van den Commendador-Mayor hadde Matthias hem de Staten vriendelycken aengheboden, opdat de Landen in handen van vreemde niet vallen en souden:’ v. Meteren, 125d. D. Juan écrit en 1577: ‘non ignorabam anno superiore id quoque ab Ordinibus attentatum:’ Strada, 537. Et les Etats-Gén., dans une Lettre aux Etats de la Gueldre, observent qu'on l'a invité ‘volgende die presentatie by sine Hoicheit eertyden gedain:’ Bond. IV. p. 10.
Ses qualités personnelles le rendoient recommandable. On le disoit doux et facile: ‘Major naturae et morum facilitas in eo quam in fratribus apparet:’ Lang., Ep. secr. I. 2. 97. ‘Nullus ex Maximiliani filiis visus est moribus amabilioribus:’ ad Sydn. p. 289. En quittant les Pays-Bas, en 1581, il laissa une belle réputation de docilité (‘eenen goeden naem van vreedsaemheyt en sacht gemoed, om sich te laten raden:’ v. Reydt, p 28a), et certes il eut occasion de pratiquer cette vertu. - Son extrême jeunesse étoit un extrême mérite. Il seroit facile à endoctriner. Van Meetkerke s'exprime à cet égard avec naïveté: ‘eenige goede personagiën en betroude patriotten souden hem instortenGa naar voetnoot1 goede opiniën en instructiën:’ Bor, 899b.
On auroit un Gouverneur, assez fort, par l'autorité de son nom, pour contenir le peuple; assez foible, par son âge, pour être en tout dirigé. - D. Juan peut-être n'oseroit faire la guerre à l'Archiduc. L'Empereur, qu'il approuvât ou non le départ de son frère, redoubleroit de zèle pour la Pacification des Pays-Bas; surtout
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Ga naar margenoot+lorsqu'il verroit la possibilité qu'un mariage vint les donner à la Maison d'Autriche: ‘Na 't ontfangen van den Aertshertog soude men mogen... bidden dat de Konink geliefde hem in houwelyk te geven syne oudste dochter mette Nederlanden:’ l.l. 900a.
Il faut tenir compte aussi de plusieurs circonstances qu'on a trop souvent oubliées.
La vocation de Matthias avoit obtenu parmi la Noblesse un assentiment assez général. ‘De sake werd sulx gedreven dat eintelyk by eensamentlyk advys van alle die principale Heeren van de Nederlanden goed gevonden werd den Eertzhertog te doen versoecken:’ l.l. 898b.
Les 16 ou 18 Seigneurs, qui prirent l'initiative, étoient décidément anti-Espagnols: ‘van de principaelste, die hen meest en vromelyckste tegen de Spangiaerden hadden vertoont, om 't jock der dienstbaerheyt van der Landtsaten halse te weren en oorsake van de Pacificatie van Gent waren geweest:’ v. Meteren, l.l. Il n'y avoit donc pas de motif pour les soupçons de Languet: ‘vereor ne haec omnia simulate agantur, et sint instructa ut ille veniens in Belgium dissolvat arte consensum Ordinum adversus Hispanos:’ ad Sydn. p. 289. - V. Meteren les nomme à tort ‘de groote Heeren die den Prince niet en begheerden:’ p. 125d. Willerval, Champagny, Hèze ne lui étoient pas encore contraires; le Comte de Lalaing, le Baron de Ville lui étoient encore sincèrement dévoués.
Le Prince avoit été mis dans le secret. A cette fin le Marquis de Havré, allant en Angleterre, passa par Geertruidenberg: ‘de Prince maeckte ten eersten slag daer in wel wat swarigheid, maer, nadat hy gehoort hadde de redenen van den Marquis,... so conformeerden hy sich daer ook in:’ Bor, 900a.
Remarquons encore que le Prince et les siens avoient eu auparavant la même idée, soit spontanément, soit par les suggestions de Maximilien II. L'Electeur de Saxe, auquel cet Empereur confia souvent des secrets, fit, déjà en 1573, des ouvertures y relatives à l'Electeur Palatin: T. IV. p. 128*. En 1574 le Prince écrit au Comte Jean de Nassau: ‘Ce point particulier que me proposez de l'ung des fils de l'Empereur, si par aventure l'on le vouloit establir au
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Ga naar margenoot+Gouvernement de ce pays..., j'estime qu'ilz choisiront tousjours ung de la Maison d'Austrie par devant tout aultre, quelqu'il fùt:’ T.V. p. 96, sq.
Et cependant la venue de l'Archiduc fut considérée comme le fruit d'intrigues secrètes; le Prince les désapprouva hautement.
Le Comte Jean écrit d'une maniere positive au Landgrave que l'Archiduc a été appelé par le Duc d'Aerschot et peu de Membres des Etats, sans que les autres y ayent consenti, sans qu'ils en ayent délibéré, sans qu'ils en ayent eu connoissance (voyez la Lettre du 1 nov.).
V. Meteren dit: ‘Dit geschiedde al sonder weten ende consent van de Staten-Gl ende oock buyten wete van den Prince, die hem namaels opentlyck daervan beklaeghden dat sy lieden, als zynde maar een deel van den Adel, souden vermetelyck de authoriteyt over de ander twee Staten usurperen willen:’ p. 125d.
Comment concilier ces contradictions apparentes?
L'avis d'un assez grand nombre de personnes fut demandé. Même en admettant que des historiens aussi exacts que Bor ou v. Meteren se soient trompés, on ne sauroit recuser le témoignage du Sr de Meetkerke, qui certes n'eût pas voulu se compromettre en dénaturant la vérité, et qui dit au sécretaire d'Etat Walsingham: ‘Alle de principale Heeren van de Nederlanden... waren na rype deliberatie eensamentlyk van dat advys geweest van t' ontbieden den Eersthertogh:’ Bor, 899b.
Mais quand demanda-t-on leur avis? - Peut-être plusieurs s'apperçurent-ils qu'avant de les consulter on avoit déjà, plus ou moins, exécuté le projet. Il est du moins remarquable que Havré ne s'ouvrit au Prince que vers la mi-septembre, donc trois semaines après qu'on avoit député à Vienne.
Ce n'est pas tout. - On sera convenu (et c'est ici, selon nous, la véritable solution de ce problême historique) de sonder Matthias, d'entamer des négociations avec lui, mais nullement de le faire immédiatement venir dans les Pays-Bas. Ce fut là, à ce qu'il
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Ga naar margenoot+paroit, le fait du Duc d'Aerschot, qui voyant l'enthousiasme populaire pour le Prince, crut devoir saisir, sans délai, ce moyen de contrebalancer son pouvoir. Il députa de nouveau vers l'Archiduc; avec de fortes instances sans doute, puisque celui-ci semble s'ètre mis en route presqu'aussitôt qu'il reçut les envoyés. ‘Missi Viennam Oratores... juvenem .. in Brabantiam opinione celerius adduxere:’ Str., p. 536. C'est en vue de cet appel positif, que le Prince écrit en 1580 à Schwendi: ‘ceux qui le firent venir, ne m'en communiquèrent jamais rien, jusques à ce qu'il fust à nos portes’ († MS.). Il s'agit de l'invitation faite après sa venue; et dans son Apologie il le dit même en termes exprès: ‘D. Jean faut àGa naar voetnoot1 son entreprince du Chasteau d'Anvers; ils le quitent incontinent, ils m'appellent. Je ne suis pas sitôt venu que, contre leur serment, sans en communiquer ni à vous, Messieurs, ni à moi, ils appellent M. l'Archiduc Matthias:’ Dumont, V.I. 400b. |
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voetnoot(1)
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Roine; Elizabeth (p. 174), ou bien de la Reine de Navarre.
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voetnoot(2)
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Marq. de Bergue. Son époux étoit fort considéré: ‘en avril 1578 résolu de dénommer, au lieu du Sr de Willerval, pour aller en France; le Marquis de Berge ou Sr de Frezyn:’ Rés. MSS. d. Et.-G.
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voetnoot3
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Le billet suivant est écrit sur un petit morcean de papier sans date.
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voetnoot(1)
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anachronisme; indiqué déjà par M. Broes dans un Mémoire très-curieux sur la réception de Matthias (Proces-verbaal van de Openb. Zitting der 2e Kl. des Kon. Ned. Instituuts, voor den jare 1837; p. 60-89). L'Auteur, le même auquel nous devons un ouvrage important sur les rapports de l'Eglise et de l'Etat (de Kerk en de Staat in wederzydsche betrekking, volgens de Geschiedenis, T. I - IV, Amst. 1830-1832) y réfute plusieurs erreurs, avec cette sagacité peu commune qui caractérise constamment ses écrits.
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voetnoot1
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Bien plus fort qu'instillare. On n'auroit pas besoin de faire entrer les enseignements goutte à goutte.
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