Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome VI 1577-1579

Lettre DCCXXIII.
L'Amiral Bloys de Treslong au Prince d'Orange. Réception du Duc d'Aerschot.

*^** Les amis du Prince ne se fioient point au Duc (p. 21). A leur avis, profiter des circonstances pour sa propre élévation, étoit son véritable but. Ils le jugeoient capable de sacrifier à cet intérêt, si non les droits de la Noblesse, au moins d'autres libertés et garanties du pays (T.V. p. 461). Ces soupçons avoient déjà amené, le 25 mars, une scène violente dans les Etats-Gén, ‘Le Duc s'est plaint de ce que plusieurs murmurent,... qu'il auroit et désireroit plusieurs offices et estatz, dont il s'esmerveille, d'aultant plus qu'il n'a nulz et ne demande nulz, et qu'il n'a nul Gouvernement, comme aussy il ne demande; et qu'il luy semble que le chasteau d'Anvers est en ses mains sy bien mis que ès mains de quelque autre S^r.’ Rés. d. Et.-G. II. 173. Les Etats de Brabant surtout (T.V. p. 509) semblent presque luichercher querelle:‘Ayant esté dict au Duc de par les S^rs des Estatz de Brabant que les Estatz trouvoient estrange d'avoir par son Alt. dict que D. Jéhan estoit plus asseuré quant les Espaignolz estoient par dechà que astheure et que aux gens de guerre estans au camp l'on ne se debvoit fier..., s'est le S^r Duc mis en colère, disant entre aultres choses que après la paix parfaicte il estoit d'intention de se retirer à sa maison:’ l.l. p. 174.

Monseigneur... Estant de retour à la flotte, Mons^r le Duc d'Arschot me fist prier à disner le jour de Pasques sur le Chasteau, là où que me suys trouvé tant seullement pour veoir ung peu les mines et contenance qu'il y auroit à me

[p. 67]

⁺recepvoir et traicter, mais je ne povoy appercepvoir que toute caresse et bonne chère; Dieu sçait s'il procédoit de bon coeur. Je luy offris de la part de vostre Exc. tout service, tant de mes galères tandis qu'elles y seroint, que aultrement, dont me remercioit et requist tant seullement le lendemain avecq icelles galères estre conduyct du chasteau jusques à Burcht; ce que fust faict, et estant d'illecq party vers Bevre et de là venants à Calloo, me mandoit dire qu'il estoit d'intention à me venir veoir; ce qu'entendant l'allis trouver avecq toutte la flote et le recepvois sur la barcque avecq tout l'honneur que povois, estant le dit S^r Duc accompaigné de Monsieur le Prince de Chymay son filz, Mons^r le Vicomte de Gandt⁽¹⁾, Mons^r de Beerssele, et Mons^r de Bours⁽²⁾ frère de Mons^r de Noyelles et aultres, et leurs ay faict tout honneur et chère à moy possibles, tellement que au partir ilz estoint très-tous fort bien accoustrez. Mons^r le Duc monstroit une joyeuseté et franchise de coeur inespérée, doubtant toutesfoys sy la syncérité correspondoit au bon semblant. J'espère que du traictement que leur ay faict ne sçauront dire que tout bien et honneur de v. Exc... De la¹, ce II^e d'apvril 1577.

De v. Exc. très-humble et très-obéissant serviteur,

Guillaume de Bloys et Treslong.

A Monseigneur le Prince d'Oranges.

+ 1577. Avril.

(1) Vicomte de Gand. Robert de Melun, Comte et plus tard Prince d'Espinoy; signataire de la Confédération des Nobles; en 1577 au service des Etats-Généraux.

(2) de Bours. Ponthus de Noyelle, Gentilhomme Flamand. Son frère est apparemment Paul de Noyelle, Colonel au service des Etats.

1 Mot inlisible.