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† Lettre DCCI.
Ga naar margenoot+J. Taffin au Comte Jean de Nassau. Affaires de famille.
Monseigneur. Estant arrivé en ceste ville, j'ay incontinent mis au net les mémoires et instructions que j'avoye receu de vostre Exc., afin qu'outre la relation verbale, Monseigneur le Prince peust par la lecture considérer le tout plus amplement; mais le temps a esté mal à propos, car, estant son Exc. entièrement occupé à traitterGa naar voetnoot(1) avec l'Ambassadeur de l'Empereur et celuy des Estats du Pays-Bas, à grand peine icelle a peu prendre le loisir de lire ce que j'en avoye couché par escrit. Sa responce fut lors, que la plus part des points proposez méritoit ample délibération et dépendoit de la disposition du temps, monstrant assés que son intention estoit de veoir premièrement ce que Dieu disposeroit de la paix. Depuis luy ay-je encore déclaré le désir de vostre Exc. d'avoir bien particulièrement de ses nouvelles et d'entendre sa résolution, mesmes j'ay prié Madame la Princesse de luy en faire instance; ce qu'aussi elle a fait, mais ses occupations grandes et continuelles ne luy ont permis de pouvoir faire autre chose pour le présent: ce que considérant j'ay recueilli quelques points desquels la résolution me sembloit estre plus facile et ne souffrir dilation, afin d'entendre sur iceux sa volonté. Suivant quoy, touchant le Seignr FréderickGa naar voetnoot(2), fils de Monseigneur le Conte de Berghes, Son Exc. a déclaré qu'icelle est contente
de le recevoir et donner
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Ga naar margenoot+entretenement pour luy cinquième. Quant au Baron de Hohensax, Son Exc. est marie qu'estant gentilhomme si vertueux, icelle n'a moyen à présentGa naar voetnoot(1) s'en servir, dont ce luy sera grand plaisir et contentement qu'il puisse faire service utile et agréable à vostre Seignrie. Semblablement quant à son frère, entendant son Exc. qu'il n'a encore que 18 ans, icelle craint qu'il perdroit icy entièrement son temps, estimant que mieux vaudroit qu'il continuast encore ses estudes, pour ce pendant adviser aux moyens de l'accomoder et advancher.
Touchant son fils, le Seigneur Maurice, après long dis cours sur les moyens de la guérisonGa naar voetnoot(2), semble que son Exc encline d'essayer premièrement avec emplastres et estreintes, et à ces fins le faire venir icy. Si ce moyen n'a point le succès à désirer, on pourra lors adviser et résoudre s'il vaudra mieux user en fil d'or ou le tailler. Toutesfois Son Exc. sans rien arrester résolument, nous remeit au lendemain. Ce que je sollicite tant que je puis, en remonstrant la résolution de vostre Exc. d'envoyer ses enfans et ces autres jeunes Seigneurs à Genève, et qu'en ce regard il seroit besoing que vostre Exc. seust sa volonté, afin que l'incertitude ne soit cause de retarder leur parte- | |
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Ga naar margenoot+ment. J'espère qu'il advertira vostre Exc. de son intention.... De Middelbourg, ce 22me de février 1577.
De vostre Exc. humble et très-obéissant serviteur,
Jan Taffin.
A Monseigneur le Conte Jan de Nassau.
Le Prince, comme on le voit par la Lettre qui suit, étoit fort mécontent.
Mais pourquoi? En se rappelant ses craintes, il avoit plùtot lieu d'ètre satisfait. Peu de jours auparavant il appréhendoit que la Pacification de Gand ne fut mise entièrement de côté. Le 4 janvier, entre autres questions aux Etats de Hollande, il fait demander: ‘So de Generale Staten met D. Jan accorderen, sonder de Pacificatie van Gent te aggreeren, watse dan sullen doen?’ Bor, 776a.
Il semble que les Etats-Généraux ne pouvoient guère, sans encourir le reproche d'obstination, se refuser plus longtemps à un accord. La défiance avoit, du moins en grande partie, sa source dans des suppositions gratuites. Il y avoit une forte apparence de bonne volonté dans la nature des offres de D. Juan et dans son insistance pour réconcilier les esprits. Il contenoit les Espagnols; il s'efforçoit de réparer leurs torts: Bondam, II. 17. Sans doute il les exhorte ‘dat sy met de wapenen sich ieder tyt solden veerdich holden:’ l.l. 47; mais l'explication de cet ordre est satisfaisante (‘soo D. Johan sulx by onsen Gedeputierden voorgeholden, antwoordde daerop dat 't selve een goeden soldaat toestond, dewyle de Staeten niet op en hielden sich daechlyx met crychsvolck t' stercken:’ l.l.). - Lui, au contraire, n'avoit pas trop à se louer des Etats. Plus il faisoit de concessions, plus eux se montroient exigeants; et même, quand tout sembloit terminé, ils remettoient tout en question, désavouant leurs Députés: ‘sy hadden hare Gesanten noit geen volkomen last gegeven, en als hy mette selve iet hadde besloten, en had- | |
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Ga naar margenoot+den sy luiden 't selve daerna niet en willen advoyeren: Bor, 785a. On en voit un exemple ci-dessus, p. 559. De même le 9 janvier, p. 592. Les adversaires de D. Juan avouoient eux-mêmes que, pour motiver ce désaveu, qui équivaloit presque à une déclaration de guerre, on avoit besoin de prétextes. Dans un Mémoire énergique, présenté à
cette occasion aux Etats, on lit: ‘Om hem te excuseren de Staten oft hunne Gedeputeerde van 't gene dat sy alrede D. Jan souden geaccordiert hebben de poincten by hem lestmael voorgeleyt, sy sullen mogen praetexeren het gebroken bystand, 't welc de Spangiaerden gedaen hadden, willende nemen de stercte van Tolhuis... Ooc soude men mogen praetexeren dat sommige gyselaars niet wel te passe en waren:’ Bond. II. 40. - Prétextes d'autant moins valables que certes les Etats, à Utrecht et ailleurs, ne s'abstenoient pas scrupuleusement de toute hostilité.
D'ailleurs que vouloit-on de plus?
D. Juan accordoit tout. - Le départ des Espagnols? Il y avoit consenti dès son arrivée. - Leur sortie par terre? Il s'y résignoit, ‘nonobstant les difficultez s'y estant réprésentées’ (Rés. d. Et-G. I. 325, sq.), et malgré l'inconvenance de la rétractation des Etats: ‘hare Gesanten hadden in 't tractaet tot Luxenborg toegestaen en voor seer goed gevonden datse ter zee vertrecken souden:’ Bor, 785a. - La Pacification de Gand? Il se décidoit à l'accepter. - La réunion des Etats-Généraux? Il n'hésitoit pas à la promettre.
Le Conseil d'Etat qui, opposé quelquefois au Prince d'Orange, n'étoit cependant pas très-partial pour D. Juan, fait aux Etats-Généraux des remontrances sérieuses. ‘La libre aggréation de la pacification obtenue absolutement de Son Alt., nonobstant les difficultez par Icelle faictes avecq raisons assez apparentes, at esté de grande importance et le principal fondement de l'accordt à faire avecq son Alt., ayant esté tousjours le poinct dont on s'en est le plus doubté, et pour ce bien méritant le remerciement que à icelle at esté faict... Le poinct de la sortie des estrangiers mérite bien ung aultre remerciement:’ Rés. d. Et.-G., l.l.
On ne se disputoit plus que sur un point; et le Conseil donne à entendre que cet article ne sauroit ètre un motif réel de désac- | |
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Ga naar margenoot+cord. ‘Tous les poinctz que son Alt. at réciproquement demandé... sont réduis quasy en ung seul, assçavoir le payement des soldatz qu'on veult faire sortir le pays, et quasy toute la négociation vient à serrer en ce poinct:’ l.l. p. 326. Ne pas vouloir contribuer à ce payement, c'étoit rendre la paix impossible; car D. Juan n'avoit moyen, ni de payer les soldats, ni de les renvoyer sans argent. C'étoit entreprendre une lutte bien plus coûteuse que ‘la paix maintenant offerte... et qui ne pourra en fin finale donner aultre fruict. Tous... donneront le tort aux Estatz, comme immaiginans que ceulx qui veullent ou menassent faire la guerre, ne doivent tant estre desponeuxGa naar voetnoot1 d'argent qu'ilz n'ayent moyen d'offrir quelque bonne somme pour parvenirà la paix:’ l.l. p. 327.
On s'apperçoit aisément que le Conseil trouve que D. Juan auroit droit à une coöpération plus franche, à des ménagements, à des égards. Il requiert les Etats ‘ne se laisser offusquer le bon jugement par la passion des maulx souffertz et passez,’ l.l. et ‘qu'il leur plaise, pour excuser tous les maulx, inconvéniens et calamitez du povre peuple, s'accommoder... à ce que s.A. demande:’ l.l. Il désire ‘qu'on tienne s.A. tousjours en bonne dévotion vers les Estatz...; comme il est raisonnable et décent faire avecq celuy qui est par s.M. envoyé et désigné pour être Gouverneur par deçà:’ l.l. p. 326. Il exige que, ‘respectant non seulement leurs offres, mais aussy leur debvoir, ils facent démonstration de vouloir estre et demeurer léaulx et fidelz subjectz et vassaulx, non de parolle seulement, mais de faict:’ p. 328.
Veut-on d'autres témoignages? Languet écrit: ‘In hoc omnes consentiunt, quod Status impetraverint a Rege Hispaniae fere quidquid voluerunt:’ Ep. secr. I. 2. 283. Enfin, et ceci suffira sans doute, le Prince d'Orange et les Etats de Holl. et Zél. avouent ‘dat D. Juan aan de St.-Gl accordeerde niet alleen de approbatie der Pacificatie, maer ook byna al 't gene dat sy begeert hadden:’ Bor, p. 829a. Comme à l'ordinaire, ils en concluent ‘dat sodanigen subyten soetigheid niet voort en conde come uit syn naturel:’ l.l.; mais ils conviennent du fait.
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Ga naar margenoot+Sur quoi donc les Et.-Gén., repoussant la paix, eûssent-ils pu se fonder? Il ne reste aucun motif, si ce n'est le défaut de garanties suffisantes. Mais ils s'en donnoient à eux-mêmes; car ils ne vouloient pas reconnoitre le Gouverneur, avant que les Espagnols n'eussent quitté réellement le pays.
Nous ne saurions donc souscrire entièrement au passage suivant de l'Apologie lorsque, parlant de ceux qui travaillèrent à la paix, on y dit: ‘La baine invétérée contre ce pauvre Peuple estoit si grande, ils estoient si accoustumés d'ayder à ceux qui opprimoient vos Privilèges, servir à la tyrannie leur estoit tellement passé en nature que, comme sangliers escumants de rage, ils viennent eux-mesmes se lancer dedans l'espieu du coeur sanguinaire de D. Jean:’ Dumont, V. 1. 399a.
Faut-il néanmoins, sans approuver ces expressions un peu violentes, admettre que les Etats-Généraux avoient méconnu les droits du Prince et des siens?
Sans doute ils venoient de le traiter peu convenablement. Ils députent vers lui, ils demandent son avis; ils concluent, avant qu'il ait pu le donner. Les Ambassadeurs, envoyés par Rodolphe II, avoient étouffé la discussion (p. 619 et 632, in f.). Ils savoient que les vues du Prince ne s'accordoient pas avecleur but pacifique; et le désir de prévenir son arrivée (Lettre 694), de ne pas même attendre ses conseils, est un hommage à son ascendant prodigieux sur les esprits, - Mais y avoit-il, dans cette façon d'agir précipitée, violation d'un engagement formel? Le traité de Gand obligeoit-il les 17 Provinces à ne rien conclure, sinon de commun accord? - Le Prince avoit déjà insisté sur cette obligation: p. 527, n.o 4. Plus tard il se plaint que les autres Provinces ont ‘accordé avec D. Juan contre mon advis, de ceux de Holl. et Zél., contre leur serment donné à la Pacification de Gand:’ Dumont, V. 1. 399a. Cependant il est malaisé d'admettre qu'à Gand les 15 Provinces s'étoient engagées à ne pas reconnoitre, pas même d'après les bases de la Pacification, le Gouverneur envoyé par le Roi, aussi longtemps qu'il plairoit à leurs nouveaux Alliés d'interposer un veto.
Le Prince s'élève contre l'art. 11 de l'Edit Perpétuel, article
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Ga naar margenoot+relatif au maintien de la Religion Cath. Romaine. Toutefois il semble qu'ayant signé l'Union de Bruxelles, nonobstant une clause pareille, on pouvoit signer l'Edit sous les mêmes réserves: et cela avec d'autant plus de sécurité qu'on y voyoit en première ligne l'adhésion au Traité de Gand. - Les Protestants avoient beaucoup obtenu par ce Traité. ‘Catholicae religionis exercitium per Holl. et Zel usque ad pleniorem omnium Ordinum definitionem, penitus exulabit atque excludetur; et qui per alias Provincias ab Ecclesiâ defecerunt, ...usque ad idem tempus, absque ullo alicujus animadversionis periculo, id quod in Religione sentiunt, tuto et palam apud quosvis profiteri poterunt.’ Burm. Anal. I. 127.
Le Prince s'écrie: ‘Ils ont fait promettre, ce diront-ils, à D. Jean de faire retirer les Espaignolz; comme si tout nostre Accord et Alliance gisoit en ce seul point: mais devant que conclure, devoient-ils pas me remettre en mon Gouvernement, en mes Biens, me restituer mon Filz!’ Dumont, l.l. Observons toutefois que le départ des Espagnols étoit en effet le point capital; que D. Juan s'étoit engagé à restituer au Prince ses biens et à lui faire rendre son fils; que des obstacles insurmontables s'opposoient à une exécution immédiate; et que les dispositions du Prince étoient encore assez douteuses pour qu'on hésitât à augmenter ses forces et à se dessaisir d'un ôtage aussi précieux.
Quoiqu'il en soit, le Prince avoit, outre ces griefs, d'autres motifs et des motifs plus réels pour désapprouver l'Edit. Il ne vouloit guères la paix, pas plus pour le reste des Pays-Bas que pour la Hollande et la Zélande en particulier.
Il se défioit de D. Juan. ‘Une entière ruyne,’ dit-il, ‘menasse non seulement nous aultres, mais aussi tous les Pays-Bas en général:’ p. 556. ‘Je ne puys me persuader... que l'Espagnol vouldra ainsi quieter les Pays-Bas:’ p. 570. Ecrivant à son frère: ‘D. Jéhan ne tend qu'à les tromper à la fin,... n'estant son intention aulcunement d'entretenir la Pacification et moins encoir de faire sortir les Espangnolz:’ p. 611.
En outre il se défioit des grands Seigneurs. Les événements de 1566 et 1567 ne témoignoient guère en faveur du désintéressement
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Ga naar margenoot+et de la fermeté de la Noblesse. Si le Duc d'Albe eût voulu, de la plupart de ses victimes, il eût fait ses courtisans. Le Prince appréhendoit que D. Juan pourroit de même, à l'aide de faveurs particulières, mettre les droits communs en oubli.
Ses paroles à M. de Sweveghem et de Meetkercken, à ce sujet, méritent d'être méditées. ‘La pluspart de ceulx de pardeçà sont de telle humeur, condition, et nature que incontinent ilz oublient les maulx par eulx souffertz et se mectent à leurs aises; voire fait à craindre que les principaulx d'iceulx et qui sont en autheGa naar voetnoot1, crédit, et gouvernement, seront les premiers qui se laisseront dire et cerceront à complaire à son Alt., suppéditerGa naar voetnoot2 les Estatz et bons subjectz, et rompre leurs privilèges, droictz, et franchises, partye par ambition, avarice et vouloir complaire, partye par crainte et dissimulation, comme l'on a veu du temps de Madame de Parme, Duc d'Alve et Grand-Commandeur; voires l'on voit desja que aulcuns se commencent insinuer en la grâce de Messire Jéhan, avant qu'il soit admis au Gouvernement. Que doibt-on donc espérer et non craindre d'eulx, quant il y sera accepté?’ Rés. d. Et.-G. II. p. 448.
Spécialement il prévoyoit que la perspective de propager et d'établir dans les Pays-Bas la Réforme alloit s'évanouir. Le Gouverneur s'opposeroit à de tels projets, de concert avec le Clergé, les Nobles, et les Magistrats.
Pour la Hollande et la Zélande le péril étoit plus grand, plus certain, plus immédiat. L'accord conclu, on alloit les serrer de près; la marche pour D. Juan étoit tracée. Il s'étoit expliqué avec franchise et fort nettement à cet égard. Il comptoit que les 15 Provinces feroient dans l'Assemblée Générale tout devoir possible ‘om de R.C. Religie in haer geheel te stellen binnen H. en Z., in der voegen dat onse H. Vader de Paus en syne Maj. daervan voldaen zyn. En ofso geviele dat sulx door geen middelen kon geschieden, so dat het weder nodig ware door kracht te moeten dwingen, dat de Staten van den 15 Provincien hen sullen beloven en verbinden hen daertoe te laten gebruiken:’ Bor, 772.b
On comprend dès lors que le Prince avoit garde de vouloir un
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Ga naar margenoot+cours de choses aussi régulier. Il n'avoit rien omis pour entraver les négociation et prévenir la paix. On trouve un aveu fort naïf de cette politique dans la Lettre 698, où les Srs de Hautain et de Mansard, après avoir parlé des inclinations guerrières de quelques Seigneurs, ajoutent: ‘Nous ne pouvons avoir sinon opinion de bon succès, et quand bien il ne succédera de ce costé, il y a fort bon espoir qu'il polra succéder d'ung aultre; car les Espagnols disent ouvertement qu'ilz ne sortiront point:’ p. 620. |
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voetnoot(2)
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Fréderick. Second fils du Comte, né en 1559; il passa, à l'exemple de son père, an service du Roi d'Espagne.
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voetnoot(1)
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à présent. On accepta ses services, ou ceux de son frère, plus tard. Suivant v. Reydt en 1581 ‘werdt door den yver en neersticheydt des van Hoghen-Saxen soo goede ordeningh ghesteld dat de Steden des Over-quartiere van Gelderlandt noch vier jaren behouden bleven:’ p. 29b.
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voetnoot(2)
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guérison. Il paroît être question d'une tumeur. Le Comte en souffrit encore longtemps après. Dans l'automne de 1577 on le pansoit soir et matin (voyez la Lettre de la Princesse d'Orange du 7 oct.).
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