Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome V 1574-1577
(1838)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij* Lettre CDXCVI.
| |
[pagina 9]
| |
Ga naar margenoot+beaucoup de matelots et de soldats, peu de temps avant le départ fixé, empêcha de mettre ce plan à exécution. Monsieur mon frère, les dernières que j'ay receu de vous sont esté du second jour du mois passé. Et me suis quelque peu trouvé en peyne pour n'avoir eu depuis aucune aultre, bien qu'à mon regret me sont venues nou- | |
[pagina 10]
| |
Ga naar margenoot+velles qu'aucuns, venants par deçà de vostre part, sont tombez ès mains des ennemis, leurs lettres avec tout ce qu'ilz portoyent prins et découvert: je tiens que vous en aurez plus seures nouvelles, dont à la première occasion je désire bien estre adverty, et mesmes du contenu de leur despesche. De ma part, depuis celle que je vous escripviz le vije jour du dit mois passé, vous ai encoires, par une aultre du xxiije jour d'icelluy mois, faict entendre l'estat et disposition de noz affaires jusques alors, et comme l'ennemy s'estoit de rechief jecté en ces cartiers de Zuythollande, où il nous presse de tous costez bien fort; mais, grâces à Dieu, jusques icy il ne s'est peu emparer d'aucunes places d'importance, et j'espère qu'aulx plus importantes est tellement pourveu qu'il ne s'en pourra si aisément prévaloir. Et serions en moindre peyne, si le malheur n'eust permis qu'il a environné la ville de Leiden à l'improviste et au temps qu'elle estoit sans garnison. Ettoutesfois ceulx de dedans sont cependant de bien bon couraige, comme encoires ce jourd'huy ilz m'ont escript, et sont délibérez et résoluz de bien se deffendre, si avant que l'ennemy les vueille attacquer. Il le fault remectre à ce bon Dieu et les assister par tous moiens possibles, oires que leur propre faulteGa naar voetnoot(1) les ait mis au poinct où ilz se treuvent. L'ennemy marche aussi avec quelques aultres forces du costé de la Langhestrate où se doibvent aussi joindre les Espaignolz mutinez qui sont sortiz d'Anvers, en tel équippaige | |
[pagina 11]
| |
Ga naar margenoot+d'accoustremens (comme l'on me dict) que c'est chose merveilleuse à veoir; mais ne puis encoires au vray entendre quel est le desseing. J'ay de rechieff faict convocquer les Estatz du Pays en ceste ville pour sur tout prendre une bonne et ferme résolution, laquelle prinse je vous manderay le tout par homme exprès. Cependant serviroit de beaucoup si l'on pouvoit par delà tenir quelques gens prestz pour les avoir tant plustost à la main, quand on en auroit besoing. Or encoires que le Seigneur Dieu nous visite par deçà, si est-ce que par Sa miséricorde il Luy a pleu de rechieff prospérer noz affaires en Zeelande, ou elles ont prins avecq Son ayde si heureulx succès, que dimanche, jour de la penthecouste, la victoire est demeurée aux nostres, estant le combat advenu assez prez d'Anvers, voire quasi à la portée du canon, où nostre admiral de Zeelande, le Sieur de Boisot, a si bien faict, qu'il a prins et conquiz unze des mellieures navires de noz ennemis qui sont arrivées à Flissinghen avec tout leur équippaige, artillerie et munitions, sans huyct aultres navires ennemies, qui sont esté bruslées, partie par les nostres, partie par les ennemis mesmes. Le dit Sieur de Boisot m'a icy envoyé prisonnier l'admiral des ennemis, qui est un gentilhomme de Zeelande, appellé HemstedeGa naar voetnoot(1); il avoit sur sa navire environ vingt pièches d'artillerie de fonte, et sont esté tous les aultres bateaux furniz à l'advenant, tellement qu'avons en ceste victoire gaigné quelques cinquante pièches de fonte. Et, selon le dire de tous et la confession mesmes du dit Hemstede, restent à l'ennemy bien peu de batteaulx en Anvers pour nous faire la guerre | |
[pagina 12]
| |
Ga naar margenoot+cy-après. Nous avons matière de louer le Seigneur des armées d'ung si grand bien. De la flotte d'Espaigne l'on nous parle encoires, point toutesfois de telle chaleur que l'on a faict cy-devant. La perte des navires d'Anvers leur viendra mal à propos. L'on nous parle aussi de deux diverses victoires que les nostres auroyent eu en Waterlandt, dont j'attens toute certitude par lettres du Gouver neur Snoey, ou des Estatz d'icelluy quartier, lesquelles ayant receu, vous en feray plus ample advertence. - Escripvant ceste me sont d'aultre costez venues nouvelles de la mort du Roy de France advenue le jour de la pentheccuste, et que tout aussitost le Duc de Guise a prins la poste vers Pouloingne pour induire le Roy de Pouloingne de retourner en France, et accepter la Couronne. Les changemens et succès que cecy nous amènera se découvriront avec le temps. Le Conte de Montgommery a esté prins en ung chasteau où il estoit assiégé, et a esté mené à Caen. J'estime que de cecy et de toutes aultrez particularitez vous serez plus amplement informé par la voye de Straesbourch. Et seroit maintenant temps que les Princes d'Allemaigne fissent tout debvoir possible pour faire donner la Couronne au Duc d'Alençon. D'aultre part, ne sçaichant si aucun de ceulx qui sont esté prins venantz de vostre part, ayent eu chez eulx le cyffre que dernièrement m'aviez envoyé, je vous prie me faire entendre ce qui en est... Rotterdam, ce vije juing. Depuis ceste escripte, l'on m'a icy envoyé de Zeelande ung Anglois prisonnier, lequel entre aultres confesse d'avoir esté apposté du nouveau Gouverneur pour me tuer. Et avoit aussi, par charge du dit Gouverneur, entreprins de vous tuer à Couloigne, passé dix ou douze jours, | |
[pagina 13]
| |
Ga naar margenoot+Et toutesfois il dict le tout avoir esté faict par consentement et avec intelligence de la Royne d'Angleterre, pour tant mieux descouvrir les desseings des ennemis... VostreGa naar voetnoot1 bien bon frère à vous faire service,
Guillaume de Nassau.
A Monsieur le Conte Jéhan de Nassau, mon bien bon frère. Charles IX étoit mort à la fin de mai: selon du Thou, ‘Princeps praeclarà indole et magnis virtutibus praeditus, nisi quatenus eas pravâ educatione et matris indulgentiâ corrupit... Regnum Parisiensi praecipue tumultu infame; quamvis id potius alienâ quam suà culpâ accidit, necessitate homini feroci... rei exequendae artificiose injecta.’ Hist. II. p. 989, et sq. - Cathérine de Médicis écrivit, le 31 mai, du bois de Vincennes, au Roi de Pologne: ‘Monsieur mon fils, je vous envoys yer en grant diligense Chemeraulx pour vous aporter une piteuse nouvelle pour moi, pour avoir veu tent mourir de mes enfans, et prie à Dieu qu'il m'envoy la mort avent que je an voy plus, car je cuydeGa naar voetnoot2 désespérer de voyr un tel spectacle, et l'amitié qu'il m'a montrée allaGa naar voetnoot3 fin, ne pouvant me laisser et me priant que vous envoyseGa naar voetnoot4 en toute diligense quérir et en ce pendent que fusiés arrivé, me pri[ant] que je prinse l'aministration du royaume et le [volouet] et que je fisse faire bonne joustice des prisonierGa naar voetnoot(1) qu'il savoit estre cause de tout le mal du royaume, qu'il l'avoit coneu que ces frères avont regné en lui, qui lui fesons penser qu'il me seroient houbéissans et à vous, mès que fussés yci, et après me dit adieu et me prie de l'embrasser, qui me cuyde faire crever. Jeamais homme ne mourust avecques plus d'entendement, parlant à ses frères, à Monsieur le Cardinal de Bourbon, au Chancelier et Segretayres, au Capitaine des gardes | |
[pagina 14]
| |
Ga naar margenoot+tant d'Archers que de Suisses, leur comendant à tous de me haubéirGa naar voetnoot1 comme à lui mesme, jeusques à vostre ariveye, et qu'il s'asseurait que le voliésGa naar voetnoot2 ynsiGa naar voetnoot3, les prians de vous bien servir et vous aystre fidel, recommandant à tous le royaume et sa conservation, tousjour disant vostre bonté et que l'avés tousjours tant aymé et haubéi, et ne lui avés jamès donné poinne, mès fayct de grans services; au reste yl est mort ayent receu Dieu le matin, ce portant bien et sur les quatre heures yl mourut, le milieur Crétien qui fust jeamès, ayant resçu tous les sacremens et la dernière parole qu'il dist, ce fust: Et ma mère! Cela n'a peu estre sans un estrême doleur pour moi, et ne trouve autre consolation que de vous voyr bientost ysi et panser que Dieu vous haulteGa naar voetnoot4 de là [où] desirés estre hors avecques de plus d'honneur et de grandeur [queson èreGa naar voetnoot5] peu panser et mesme que ne la grandeur ni l'ayse que aurés de vous revoyr aveques nous de la façon, ne vous laissera pour sela que ne resentez que avez perdu un bon frère et un grant apuy, et que le monde aytGa naar voetnoot6 assez grant, et vous et lui ensemble assés puissans pour vous foyreGa naar voetnoot7 grent et content sans set désastre; mais puisqu'il plaist à Dieu que je soye de lui ayprovéeGa naar voetnoot8 et de telle façon visitayzGa naar voetnoot9 si souvent, je Le loue et Le prie me donner pasiense et sette consolation de vous voir ysi bientost comme vostreroiaume han naGa naar voetnoot10 besoin et en bonne santé; car [si] et vous venésGa naar voetnoot11 ha perdre, je me fayrez entérer avec vous toute en vie; car ie ne pourrés aussi bien porter ce mal, qui me fait vous prier de bien regarder le chemin que tiendrés, et si paserés par [cheu] l'Ampereur, et de là en Italie, que je panse aystre le plus seur; car par l'Alemagne je ne panse poynt qu'il face seur pour vous, aytant Roi de France, car [y sontGa naar voetnoot12] trop de querèles à démeller avec vous, mais je suis d'avis que alié par l'aultre et que envoyez quelque gentilhomme pour visiter les Prinses et leur faire vostre excuse que la haste que avez eu de venir, vous ha faict prendre l'aultre chemin, néantmoins les remercier du bon traitement que vous avez reçeu à vostre passage, et les pries qu'i vous veuillent estre amis comme vousleur volés estre; et que cella que vous [avezGa naar voetnoot13] monstré au pas- | |
[pagina 15]
| |
Ga naar margenoot+sage que avez fayct, qu'ils le veuillent continuer et confirmer par plus seure promesse; et advisez s'il seroit bon d'envoier Monsieur de Belliévre, et qu'il peust faire quelque chose avec eux qui vous peust apporter du repos en vostre royaume, et que à vostre arrivée il vous vint rapporter ce qu'il auroit; vous y penserés. Quant à vostre partement de Pologne, ne le retardé en nule façon et prenés garde qu'il ne veuille vous retenir jusques à ce qu'ils ayent donné ordre à leur faysteGa naar voetnoot1 et ne le fêtesGa naar voetnoot2 pas; car nous avons besoin de vous ysi, avecques cela je meurs d'ennuy de vous ne voir, car rien ne me peut faire consoler et n'oublier ce que j'ay perdu que vostre présence; car vous sçavez combien je vous aime, et quant je panse que ne bougéres jamais plus d'avecques nous, cela me fait prendre tout en patiense. Si vous pouviez laisser quelqu'un où vous estes, qui peultGa naar voetnoot3 conduire que ce Roiaume de Pologne vous demeurat ou à vostre frère, je le désirerois bien fort, que leurdire [que] vostre frère, ou le second enfant que vous aurés vous leur envoirés, et en cet pendant qu'ils se gouvernent entre eux, y lésant tousjour un François pour asister à tout ce qu'il feroient, et croi qu'il en seroint bien ayse, car il seroint Rois eulx-mesmes jusques à ce [qui y leussentGa naar voetnoot4] celui quey envoyrés, et cela est beau, pour pauvre qu'ils soient, de aystre Roi de deux grans Roiaumes, l'un bien riche et l'autre de grande estandue et de noblesse: voylà ce que je pense, affin de ne rien perdre. Quant à ce, si vous voyez la grâce que Dieu vous fet, reconneusezGa naar voetnoot5 le bien, et vous prie que l'espériense et la necessité et travail que avez eu vous serv[e] à vous y gouverner si sagement et si prudemment que [se] puisce remettre en son entier, et l'honneur de Dieu premièrement: et ne vous lesser aller aux pasions de vos serviteurs, car vous n'estes plus Monsieur, qu'i faille dire, je gagneré, c'est par affin d'estre plus fort: vous aytes le Roi de tous, faut quiGa naar voetnoot6 vous fasent le plus fort, car tous faut qu'ils vous servent, et les faut tous aymer, et nul ayrGa naar voetnoot7 que ceux qui vous treyrontGa naar voetnoot8, mès les querelles particulières les appointer, et ne se pasionner et que vos serviteurs ne vous fasent plus perdreGa naar voetnoot9, aymés les et leur faytes du bien, mès leur parti- | |
[pagina 16]
| |
Ga naar margenoot+alités ne soient point les vostres, pour l'honeur de Dieu; aussi je vous prie ne donnés rien que ne soyez icy, car vous sçaurez ceux qui vous auront bien servy ou non. Je les vous nomeré et monstreré à vostre venue, et vous garderé tout ce que vaquera de bénéfices; d'auficesGa naar voetnoot1 nous les mettrons à la taxe, car il n'i a pas un escu pour faire ce qui vous ayt nécessaire pour conserver vostre royaume, et vous prie n'en donner point, car yl y an naGa naar voetnoot2 de si avarisieux qu'ils ne sont jamais coulsGa naar voetnoot3 et contents ensemble, et aussi ils ne les auront point, car puisque le feu Roi vostre frère m'a donné la charge de vous conserver le Roiaume, je croi que vous ne le désavoué pas: [ne] omettré peine, si je puis, de vous le remettre tout entier et en repos, affin que n'ayez que à faire ce que conestrés pour vostre grandeur et vous donner un peu de plesir après tant d'annuis et de poinne; et vous prie vous délibérer de ne donner tous les Estats à un seul, comme l'on a faict jusques isi, car cela a mal contenté beaucoup de personnes, et l'espériense qu'avez aquise par vostre voyage vheulxGa naar voetnoot4 que je m'asseure qu'il n'i eu jamais un plus sage Roi: c'est que je prie à Dieu en faire la grâse, et ne me voldrés mal, à l'apétit de ceux qui ne scauréGa naar voetnoot5 vivre que sur leur fumier, car j'espère que vostre élection et alayeGa naar voetnoot6 en Pologne ne vous aura point apporté du mal ni de diminution de l'honneur et grandeur et de réputation, et le mal n'aura esté que à moi qui, depuis vostre partement, [ai] eu annui sur annui; aussi je pense que vostre retour m'aportera joye et contentement sur contentement, et que n'auré plus de mal ni de fascherie, et je prie à Dieu qu'insiGa naar voetnoot7 soit et que je vous puisseGa naar voetnoot8 en bonne santé et bientost. Vostre bonne et affectionnée mère, s'il i a jamais au monde. Catherine’ (†Ga naar voetnoot9 MS. P.D. 500, p. 71). | |
[pagina 17]
| |
Ga naar margenoot+voit aussi qu'elle ne donnoit pas toujours des mauvais conseils. - Le départ précipité du Roi de Pologne n'a rien d'étonnant. Les Polonois songeoient sérieusement à le retenir: mécontents qu'il avoit pris le titre de Roi de France sans les consulter, ils vouloient qu'il gouvernât son nouveau royaume par ses ministres; heureux, à leur avis, de pouvoir exercer ses talents militaires contre les Tartares et les Turcs: Languet, Ep. secr. I. 1. 21. L'état des esprits en France pouvoit rendre le moindre délai dangereux; et le Duc d'Alençon avoit de nombreux partisans et fauteurs, dans le pays et à l'étranger (p. 12). |
|