Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome IV 1572-1574
(1837)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij† No CCCLXXXIXa.
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Ga naar margenoot+atque inique agere, ac immoderato rigore animum exsatiare.’ J.B. de Tassis, I. 163. Combien toutesfois que l'on verra ci-après tout au long plus amplement, clérement et véritablement mes légitimes et justes raisons, pourquoy je ne pouvoy selon ma commission, ne devoir, selon l'art militaire, attendre plus outre à Malines la furie de l'ennemy. Premièrement, je viendray à ce qui m'a meu à rempoigner les armes, qui a esté l'affection et grand désir que j'avoy pour faire service à Monseigneur le Prince d'Orange et à la juste cause, ensamble l'asseurance que j'avoy du Roy de France, datée du 22e de février l'an 1571. Puis donques que la France à sa promesse faillit et le bon Admiral Coligny avec les siens, outre tout espoir, à Paris furent meurdriz, Mons, en Hainaut, après grands faits d'armes, se rendit. Monsr le Prince pour rompre son camp, la rivière de Meuse desjà passé. Que jugerez vous donques, gens d'entendement practic à la guerre, de la grande ville de Malines, en soy rien moins que forte, ne tenable (comme au plein discours assez particulierement dépeint), assise au milieu du Pays et puissante villes des ennemiz, et de moy (de qui l'on parle confusément, sans pouvoir savoir particulièrement qui, ne pourquoy), qui ne suis subject ni vassall du Roy d'Espaigne, combien qu'en estoy commis Gouverneur (sans toutesfois l'avoir sollicité et moins traffiqué ou practiqué), y estant planté et abandonné d'un chascun, aiant pour le service de la cause libéralement et | |
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Ga naar margenoot+volontairement despendu le mien, sans nullement avoir recerché mon prouffict particulier: [puisseGa naar voetnoot1] donques recéler pour mon honneur, sans toutesfois vouloir blesser celuy d'autruy, d'autant qu'ils en peuvent respondre et s'en justifier, des gentilshommes de la ville et du Pays; à qui toutesfois le faict général touchoit beaucoup de plus prez que non point à moy, qui estoient retirez et tâchoient à tout heure de s'en aller. De quelle sorte déchiffrerayGa naar voetnoot2-je la cavallerie qui estoient demeuré sous ma charge de commandement, qui avoient, desjà quelques jours avant l'ennemy arrivé, conclu et en ma présence arresté s'en vouloir aller et suivre la route du camp, qui estoit desjà passé la Meuse, et me laisser là seul, sans aussi vouloir attendre responce de Monsr le Prince, vers lequelavoy vistement despeché? Ce peut-il aussi dire chose plus véritable, que des quatre compaignies d'infanterie (telles qu'elles estoient, et qu'y avoy amené) ils diminuoient à toute heure de nombre, obéyssance et bonne volonté, et ce à cause du mauvais traitement et injures qu'ils recevoient journellement des bourgeois, et du payement que ne leur pouvoy donner, d'autant que je n'en recevoy point. N'est-il point notoire que j'avoy autant d'ennemiz par dedans la ville que dehors, et qu'il n'y avoit ni tost ni tard apparence, ni espoir de secours quelconque? Que conteray-je des vivres, munitions de guerre, fourrages et argent, puis qu'il n'y en avoit point, lesquels n'estoient point recouvrables pendant que Monsieur le Prince estoit avec ses forces en estre, moins donques après son partement. Que diray-je que je n'ay jamais esté assisté ni d'argent, ni d'advis, ni de | |
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Ga naar margenoot+conseil, ni d'ayde, de Messrs les Magistrats, sinon de paroles vaines; me tairay-je donques de ce malheureux peuple ennemy de vérité et équité, qui à toutes heures nous menassoient de coupper la gorge, me brusler en ma maison, me r'oster les clefs des portes, relascher mes prisonniers, défendre de point haulser les eaues, mesme contraint le bourgmaistre les escouler estant haulsée, ni couper leurs arbres aux fruits qui estoient serrant les portes, et telle chose semblable plus que trop. Peuvent ils nier aussi qu'il y en a eu dix commis capitaines ou chefs pour maschiner la révolte entre le peuple, pour empoigner avec les ecclésiastiques et gents de longue robbe les armes, pour ceste nuict ou le matin que je sorty, me livrer à l'ennemy, et coupper la gorge au reste: et sy fussions demeuré deux heures sans estre sur pied et en armes, ils n'eussent pensé faillir à leur dessein, à quoy l'ennemy de dehors escoutoit diligemment, et n'eussent failly les assister et y tenir la main. Quelle opinion doit avoir aussi tout homme de jugement de ce qu'ils coupèrent sur le soir les cordages par lesquelles on haulsoit et avalloit les traillis, et que le pont que tenions seul franc pour aller et venir, et n'estoit encore saisy de l'ennemy, estoit par eux rompu et desfaict, sinon que pour tant mieux pouvoir exécuter leur trahyson, et nous prendre au piége et mettre en effect semblable massacre ou matines Parisiennes, que celuy de France. Quelle aide, fidélité et charité devions nous, estrangers, donques espérer ni attendre de ce peuple barbare et insensé, puis qu'entre eux mesmes (qui sont parents, alliez, voisins, compère, commère, concitoyens, et en général amateurs et défenseurs des prestres et leur cérimonies), quand l'ennemy, | |
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Ga naar margenoot+par eux invité, est entré à la ville, ils se trahisoient et accusoient l'un l'autre, faisant donner estrapades de cordes aux femmes et hommes que l'on rognoit, et ce pour descouvrir leurs mouchesGa naar voetnoot1 et avoir part au butin, mesmes jusques avoir accusé ce qui estoit caché aux cloistres et temples. Combien du contraire ont ils montré à vouloir fournir la petite somme que Monsr le Prince leur demanda luy préter; y-a-il aussi âme de tout ce peuple qui puisse dire avec vérité qu'i m'a fourny un seul patart, combien j'estoy en nécessité pour faire la paye aux soldats? Quoy voyant donques tout ce que dessus, que pouvoy-je plus honorablement faire, que de me retirer avec mon petit troupeau (tel qu'il estoit) vers Monsr le Prince? estant sorty la ville à enseignes desployées à la veue de l'ennemy, duquelle avec plusieurs esquermusse avoy attendu ses aprosches et fort bien entendu ce dessain, factions, et intelligence qu'il avoit avec les bourgeois; et passé tout ce grand et long chemin, depuis Malines jusques à Ruremunde, à la poursuite et environné d'un costé et d'autre des ennemiz, sans toutesfois avoir souffert dommage notable, sinon d'aucun fouillards qui se pouvoient escarter et s'amuser au pillage, ou possible aucuns qui se cachoient pour abandonner leur enseigne et s'enfuyr; peutestre aussi que aucuns recreuz et las de si longue trace on esté rattains et surprins. Duquel sortir ou partement Monseigneur Dieu me sera tesmoin, et ceux qui m'ont toujours assisté et accompaigné durant environ le mois que j'y ay esté, soit capitaine de la cavallerie ou des gens de pied, soit reiter ou soldat, soit gentilhomme, magistrats ou bourgeois, soit domestic, familier ou estranger, | |
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Ga naar margenoot+que j'ay toujours opiné, donné advis, ouy opiniatré pour y demourer, et tenir bon, jusques à nous laisser couper la gorge plustost que s'en aller ou quicter la place; jusques à ce toutesfois, que à la fin chascun de qualité me persuadèrent du contraire, me remontrant les dangers apparents pour les factions qui se démesloient, comme particulièrement ci-dessus déduit; estant aussi requis du Magistrat et partie des bourgeois qui se tenoient neutres, et n'estoient encore démasquez, de vouloir faire du mesme; et pour tant mieux me pouvoir mener et fléchir à leur requeste, ils me prièrent vouloir souffrir que l'Evesque d'Arras puisse venir sur la maison de la ville et l'escouter parler, ce que leur accorday, où le dict Evesque feit un discours publiquement touchant quelque appoinctement et miséricorde que la ville pourroit avoir, si la gendarmerie en estoit sortie, et au contraire de la perdition et massacre qui en adviendroit, la prenant par force; de sorte que tous estoient persuadez que, par nostre partement et intercession des Evesques et autres prisonniers, ils viendroient à quelque appointement ou miséricorde, sauf de cors et de biens. Voylà donques les raisons cidessus en brief alléguez, qui m'ont meu, pressé et contraint à me résoudre d'en sortir, et point autre chose quelconque, et m'encheminer la part, de la sorte que dit est; d'autant aussi que moy seul, ainsi abandonné, ne pouvoie garder la ville, ne faire chose qui pouvoit profiter à la cause, ni d'avantage au service de Monsr le Prince. Or, pour rien oublier, que pourray je respondre sur ce que l'on bruict faussement et à grand tort de moy, et à l'endroit de Monsr le Prince, sinon que je luy ay esté toute ma vie si entier et fidèle serviteur, que Son Excce ne | |
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Ga naar margenoot+m'en sauroit autre chose demander ni coulper que tout honneur et fidélité, et que je n'ay espargné cors ni biens pour le fidélement et réalement servir en tout et par tout où il luy a pleu me commander, et quand j'eu voulu estre meschant et malheureux (que à Dieu ne plaise que je soye le premier de ma race), y-a-il homme qui pourroit nier que Monsr le Prince ne soit entré à Malines sur ma simple lettre et parolle, accompaigné de tels Princes, Contes, Seigneurs et petit train que l'on scait, où toutes fois le peuple et soldats commencoient desjà ouvertement à se altérer, d'autant que l'on n'avoit riens sceu effectuer à Mons, et que le bruit couroit qu'elle s'en alloit perdre et que le camp s'en alloit rompre; que avoit-il à faire à Ruremunde et Wachtendonck, où je tenoy huit compaignies de mes soldats qui se mutinoient de bonne sorte pour leur payement, voyant que le camp se rompoit, la mutinerie, pillerie et désordre qui y estoit, et que Monsr le Prince s'en alloit la route de Hollande. Mais ja à Dieu ne plaise qu'en ceste maison de Mérode se trouve tels méchants et malheureux, qui voudroient entreprendre ni penser chose si lasche et méchante, ne s'oublier à se souiller à faire un tel acte si énorme et vilain que cestuy, ne de tout moins semblable. Voylà le sommaire de ma deffence, et celuy qui désire de savoir le tout, pourra lire le discours entier, mais celuy qui voudra le contreroller ou dire du contraire, qu'il entend premièrement la conclusion, sur laquelle je m'arreste. Puis donques que les faits ci-dessus posez, et au plein discours plus amplement déduits, du moins la plus part et les principaux sont notoires, et à ceste cause selon droit n'on besoing d'autre ultérieure preuve, dont par consé- | |
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Ga naar margenoot+quent les raisons qui en dépendent en sont nécessairement légitimes à ma descharge; néantmoins se trouve quelqu'uns si effronté et si braves à leur façon et de si travers et malings esprits, quils n'ont point de honte de vouloir imputer ou interpréter mes actions au gouvernement de ceste ville de Malines, comme si j'eusse grièvement, criminellement et de propos délibéré, failly au devoir de ma charge, jusques à dire (ainsi que m'a esté rapporté, mais confusément) que j'ay eu particulière intelligence, jours et nuits, beu, mangé et conversé avecques les Evesques et autres prisonniers qui y estoient detenuz et resté des ecclésiastiques; aussy que j'ay receu et retenu la paye des soldatz et autre grande somme de deniers venant de ceux de la ville; que j'ay voulu aussi tacitement sortir quelques jours devant l'arrivée de l'ennemy pour quicter et abandonner la place; que je dois avoir esté cause du désordre, partement et séparation de camp de Monsr le Prince; que doy avoir receu lettres de mon dit Seigneur Prince pour la communiquer aux bourgeois, afin qu'un chascun misse ordre à son fait pour sauver leurs biens, d'autant que luy ne les pouvoit secourir ni assister, et qu'il estoit contraint rompre son camp et séparer ses forces: et telles autres calomnies, quelconques elles puissent estre, [butes], ou par eux controuvées, ou au rapport d'iceux soustenu ou par autres soustenues, mesmes par aucuns par aventure, qui cerchoient le pillage, leur profit particulier, ou vengeance que ne leur abandonnoye. Je dys avecques bonne conscience, et respon, [pour] le faire court, soient iceux ou capitaines, ou soldats, ou bourgeois Malinois, ou autres de quelconque degré ou qualité ils soient, que toutes et | |
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Ga naar margenoot+quantes fois eux et aussi tous autres ont tenu, dit, tien nent, disent, tiendront, et diront tels propos de moy, ou autres telles semblables parolles, par lesquelles ils s'avanceroient, sadvancent, ou se sont advancez attenter contre mon honneur, en ont menty, mentent et mentiront, et cruellement, calumnieusement, faussement, laschement et meschamment, prest pour deffendre en ceci la verité et mon honneur, à leur maintenir ceste mienne responce soit par devant juges (pourveu que qualifiez idioines et non suspects) ou soit par autre voye légitime, là où, conforme aux circonstances du faict et à ma qualité, il sera respectivement par les loix et usances de la guerre requis et nécessaire. Soit aussi pour remplir (jusques à rendre) la gorge d'un chascun qui voudra dire qu'aye eu jamais mauvaise délibération à l'endroit de Monsr le Prince, devant Son Ex propre ou son armée, la part où ils seront. Ce que, me confiant en ce bon Dieu sur mon innocence, sincérité et juste cause, je publie tout en général que spécial, et à cest effect aussi à chacun d'eux notifie par cest escrit afin de leur clorre, ainsi que la doivent clorre en ceci, ou faire ouvrir la bouche pour doresnavant en parler à la vérité, ou bientost se monstrer, si du contraire en ont envie aucune. Pseaume 38Ga naar voetnoot(1). Touts contre moy se bendent et me rendent Pour le bien l'iniquité, et est de leur haine la source Pour ce que suivoy équité. Sr Dieu ne m'abandonne! La confiance du Prince et les services subséquents de B. de Mérode confirmèrent cette réponse faite avec chaleur à d'odieuses imputations. |
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