Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome II 1566
(1835)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij
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No CCXXXVIa.
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Ga naar margenoot+te Louis de Nassau; même îl semble que les minutes sont écrites par lui. Toutefois, d'après l'instruction susdite, confirmée par le témoignage de Hopper et de Bor, le Mémoire fut envoyé comme Avis du Prince. - Nous avons ajouté les variantes, qui ne sont pas sans intérêt. Ayant par plusieurs fois considéré de par moy l'estat de ce pays, ne puis délaisser à le déplorer pour lesGa naar voetnoot1 grandes et évidentes apparences qui se monstrentGa naar voetnoot2, tendans tous à la ruine perpétuelle d'icelluy, et tout cecy à cause de la grande diversité des opinions, qu'il y a tant au faict de la religion, que auGa naar voetnoot3 politicque, et de l'autre cousté pour le peu de gens qu'ilGa naar voetnoot4 y a qui font démonstration de prendre les affaires généralles à coeur pour y trouver quelque bon remède, et tel comme il convient pour le temps présent, le délaissant les ungs pour ne se guèresGa naar voetnoot5 soucier des affaires, les autres à cause qu'ils cherchent plus leur particulier que le bien commun de la patrie, et les derniersGa naar voetnoot6 pour estre trop timides, n'osansGa naar voetnoot7 dire ouvertement leur opinion pour la creinte qu'ils ont de perdre la bonne grâce du maistre. Et oires que j'ay différéGa naar voetnoot8 jusques à maintenant de mectre mon advis en avant, pour n'estre point tenu trop présumptueulx, que en ung affaire de telle importance je vouldrois estre plus saige et prétendreGa naar voetnoot9 plus avant que mon aage et expérienceGa naar voetnoot(1) ne comporte; néantmoings, voiant les affai- | |||||||||||
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Ga naar margenoot+res aux extrêmes perplexités, ayme mieulx estre tenu pour tel, que non pas d'acquérir la tache de ces trois points susdit; ne mectant ces moyens que à correction de ceulx qui en auront meilleur jugementGa naar voetnoot1, ausquels plaira les amender. Considérant principalement estre le debvoir d'ung chacun, soit vieux ou jeusne, d'ayder et assister en une nécessité si grande, la patrie de tout son pouvoir, n'ay vouluGa naar voetnoot2 ny pour bon, ny pour mauvais gré passer par silence, chose que me semble convenir en saine conscience pour le service et réputation du maître et le bien du pays; puis aussi que l'obligation d'ung vray serviteur le comande en tout tempsGa naar voetnoot3, oires que pour le commencement ne soit prins de bonne part. AinsiGa naar voetnoot4, pour commencer, me semble qu'il fault premièrement avoir ung certain but, à quoy l'on veulle tendre, affin que ayant fiché ce but (lequel doibt estre juste et équitable) on se mecteGa naar voetnoot5 hors du dangier de pouvoir errer, n'estant choseGa naar voetnoot6 plus juste au monde et équitable que de procurerGa naar voetnoot7 l'honneur de Dieu, le bien et prospérité de la patrie, le service et obéyssance du maître et le respect du peuple, à l'endroict de la justice et du magistrat. Pourtant ay bien voulu mectre ce petit discours en avant, priant ung chacun se vouloir asseurer que ne le dis pour aultre chose que pour les rai- | |||||||||||
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Ga naar margenoot+sons susdit et pour la grande affection que je porte à ce pays, méritant plus que nul autre toute louange pour les fidèles, longues et loyaulx services par luy faictes à ses Princes et Seigneurs naturels. Et ne fault doncques trouver estrange, ny pour cela prendre les armes, que plusieurs inhabitans du pays de par-deçà sont venus àGa naar voetnoot1 tomber à autre opinion et se déclairer ouvertement, voire contre la volonté de tous magistrats, puisque ce n'est chose nouvelle, ains que les histoires nous monstrent que depuis le commencement du monde telles et semblables diversités ont regné dessoubs plusieursGa naar voetnoot2 monarches et principal soubs les Princes qui possèdent tant des royaulmes et divers pays et estats comme faict Sa Maté, comme aussi nous rendent les exemples modernesGa naar voetnoot3 bon tesmoignaige, et aultant moinsGa naar voetnoot4 en ce pays icy, lequel est tellement enclavé aux aultres qui ont désjà changé de religion, que, oires que tous inhabitans ne eussiont cognaissance d'autre pour l'heure de maintenant, que de l'anchienne catholicque, il ne pourroit guerre durer sans aucun changement, puisqu'on peult nullement défendre la hantise et fréquentation des estrangiers, laquelle est tant nécessaire, si on veult que le pays soit florissant et maintenu en son entier; mesmement aussyGa naar voetnoot5 qu'on a souffert tout le temps des guerres dernières, tant au camp, que aux garnisons, les prédications en publicque, dont l'on peult facilement penser quel pied qu'il a donné aux subjects de par-deçà, et d'avoirGa naar voetnoot6 veu qu'on les a autrefois permis au respect de la nécessité, considérant quant et quant le peu de | |||||||||||
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Ga naar margenoot+devoir que les gens d'église et autres ayans charge des àmes, ont faict jusques à maintenant et font encores journellement, y accédans plusieurs autres occasions, trop longues à réciter icy. Mais debvons plustost penser, que avons fort bien mérités le chastoiGa naar voetnoot1 présent, et rendre grâces à Dieu qu'il nous a admonesté jusques à maintenant avecques telle doulceur, nous menaçant ung plus grand coup cy-après siGa naar voetnoot2 ne rendons paine, puisqu'il nous donne le temps et les moiens de secourir ce povre pays, avecques telles remèdes qu'on pourroit trouver estre tant pour la conscience, que pour le debvoir et maintienement de la policie exécutables, sans le traîner plus longuement; regardans en arrière de nous et nous mirant aux calamités des voisins et tous aultresGa naar voetnoot3 qui ont eu changement de religion, commeGa naar voetnoot4 qu'ils ont souffert la plus grande désolationGa naar voetnoot5 au commencement et qu'ils ont tousjours remédié aux misères par contraincte et sur la fin, quand les choses estoient à l'extrémité et à l'abandon, après que la grande plageGa naar voetnoot6 estoit desjà passée, et penser qu'il nous fauldroit nécessairement venir en ces mesmes termes, en cas que n'y pourvoions de bon heure, et serons alors peult estre forcés pourGa naar voetnoot7 les grandes misères et calamités, et contraincts permestre chose avecq très grand intérest et préjudice des pays et diminution de l'authorité et réputation du maître. Puis doncques qu'il est plus que notoire et que ung chacun auquel Dieu a donné l'entendement, cognoit que trop qu'il fault accourrir au remèdeGa naar voetnoot8, que nous et les | |||||||||||
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Ga naar margenoot+EstatsGa naar voetnoot1 debvroient tant particulièrement que en général commencer mectre main à l'oeuvre et tâcher en premier lieu de suplier sa Maté vouloir parGa naar voetnoot2 provision continuer ce que son Alze a permise, voyant qu'il a tant prouffité àGa naar voetnoot3 poser les armes au commun peuple et faire cesser aucunement les troubles, lesquelles fussiont désjà du tout assopies, s'il ne fust par la doubte qui est que sa Maté vouldra révocquer le tout, et que l'on est après de le point plus longuement souffrir, etGa naar voetnoot4 cela pour les grandes apparences des levées de gens de guerre, tant à cheval que à pied, qu'on faict icy et allieurs; car de vouloir maintenant mectre quelque aultre moyen en avant là où que les affections sont encores tellement eschauffés et altérés et qu'il fauldroit exécuter avecques force, ce que pourroit causer uneGa naar voetnoot5 nouvelleet plus grande altération, ne treuve queGa naar voetnoot6 pourrions tirer aucun prouffit, ains que debvrions plustost trouver moyen de maintenir le pays en repos et tranquillité, tant et si longuement que le bon plaisir de sa Maté fust de se trouver en ce pays et donner ordre au principal, affin que n'estant troublé, ny empesché d'aucunes émotions, ny aussy de la doubteGa naar voetnoot7 d'icelles, on puisse tant plus librement vacquer de traicter matières si haultes et de telle importance de la manière qu'il appartient. Et pour éviter le dangier, pensant donner ordre et re- | |||||||||||
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Ga naar margenoot+medier d'ung coustel, perdrions plus de l'aultre et ainsy nous consumerions de peu à pen qu'il n'y auroit après nul moyen de secours, ny de remède; car il fauldroit à mon advis plus que an et jour devant qu'on aura décidée la cause principale et prins une resolution arrestée, si l'on ne veult négotier avecq le soing requis. Pour venir doncques au principal, ne trouve la situation de ce pays estre telle, ny le temps présent le vouloir permectre, que nous puissions faire ung monde à part, ains qu'il nous fauldra vivre avecq les vivans, et ce pays plus que nul aultre en toute la Chrestienté, nous accommodantGa naar voetnoot1 nos voisins aultant que faire se pourra. Et comme il nous est plus duisable d'estre joincts avecques l'Empire, que non pas avecques aucun aultre pays, mesmemement estant le Roy comprins aux sessions et contributions du dit Empire, me semble que nous nous debvrions tenir conformes aux institutions d'icelluy, aultant que faire se pourroit avecq saine conscience et réputation de sa Maté (oires que sa Maté n'a que faire d'user de loy ou advis d'aultruy, sinon de faire des ordonnances en son pays telles comme bon luy semblera), ceGa naar voetnoot2 que ne seroit aucunement diminué l'authorité du maitre, ainsGa naar voetnoot3 servirait grandement à l'augmentation d'icelle et bien de notre pays, si sa Maté Impériale futGa naar voetnoot4 servy de y intercéder et que par son intercession on pourroit venir à ung perdon général de toutes choses passées, oultre ceGa naar voetnoot5 que sa Maté lmple, comme celluy qui a bonne cognoissance des humeurs de tous les Princes et estats de l'Empire, pourroit mectre tels moyens en avant, qui | |||||||||||
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Ga naar margenoot+pour l'advenir pourroient servir à une entière pacification, point seullement de ce pays, ains de tout l'Empire; de quoy pourrions recevoir ung prouffit inestimable; car, si les moyens peuvent aucunement estre dressées avecq leur advis, ne fais doubte qu'on pourroit aysément entrer avecque toute l'Empire en une confédération et ligue perpétuelle contre tous ceulx qui vouldriont envahir ce pays, et cela à cause qu'il les importe pour les grands prouffits qu'ils tirent de la fréquentation et hantise de ce pays, estant enGa naar voetnoot1 repos', et pour estre hors de la doubte et diffidence des practiques de ces grandes levees. Ga naar voetnoot2 De l'autre coustel semble qu'il y a aucuns moyens par lesquels on pourrast remectre les affaires au repos et pacification générale, desquels en mectray quelques ungs en avant, et pourrast on choisir le plus propre et celluy qu'on estimera pouvoir servir de remède.
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Et quand au premier point, touchant les forces, ne trouve qu'on en puisse tirer aucun prouffit, tant pour le peu de durée que tel gouvernementa, que pour les grands dangiers et inconvéniens qui en peuvent soudre, car on ne peult user de la voye de forces, qu'on ne se serve des soldats et gens estrangiers, lesquels ne portent aucune affection au pays, ains viennent tant seullement pour les grandes soldées et prouffits particuliers, et tireront grandes sommes des déniers hors, foulderont le pouvie homme, molesteront aussi tost les bons et innocens que les coulpables, sans respect quelconque; seront cause que les marchans, tant estrangier que ceulx du pays, se retireront quand et leur richesses, comme on a bien veu qu'ils ont aultrefois voulu faire pour moindres occasions, comme pour l'erection de l'inquisition, des nouveaux évêchéesGa naar voetnoot1 et semblables nouvellités; empêcheront qu'on ne pourra si bien résister au Turcq quiGa naar voetnoot2 a desjà prins ung si grand piet sur les frontières, pour la grande, défidence que les voisins, Princes et estats de l'Empire, pourroient concevoir, et ne gaignerast on aultre chose que de faire | |||||||||||
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Ga naar margenoot+cesser quelque temps ces presches publicques, mais quand aux conventicules, ne pourra guère servir, puisqu'on a veu le peu qu'on a prouffité pardeçàGa naar voetnoot1 par l'extrême force et rigoureuse exécution; enfin ne serviront d'aultre chose, queGa naar voetnoot2 d'appaiser et contenter l'ire du Roy et pour satisfaire aux appétits et envies d'aucuns particuliers, lesquels, estant mari du bien et prospérité du pays, ne tâchent que de se venger et d'avoir charge pour faire leur main aux despens d'aultruy, ne se soucyans que le pays soyt ruyné à jamais, et qu'ils seront cause de la crierie et lamentation de tant de mille de violement des femmes et des filles et de la pouvreté de ceulx qui resteront, lesquels sans faulte demanderont vengeance à Dieu. Quand au deuxiesme, oires qu'il semble raisonable, pour estre le subject obligé de porter paciement toutes les ordonnances et commandemens du maître, si est ce toutefois que l'on peult facilement considérer qu'il fâcheroit merveilleusement plusieurs de abandonner tout leur bien, et aymeront mieulx de souffrir la mort que de laisserGa naar voetnoot3 leur religion et patrie, desorte que retomberions au mesme inconvénient que dessus, qu'il fauldra prendre les armes. Oultre ce que serons par là quicte d'une grande multitude des inhabitans et voire des principaulx, desquels dépend la manifacture, sans laquelle le pays viendroit à néant, pour estre le marché de toute la Chrestienté, lequel ne se pouroit maintenir, si ce n'est par la multitude du peuple, aultrement la place du marché demeurerast bien, mais personne n'y viendra, de façon que le | |||||||||||
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Ga naar margenoot+peuple qui restera ne se pourra maintenir, n'estant au pays tel croissant pour le nourrir. Le troisième seroit encores plus raisonable; mais se sera le vray moyen, voyant que les choses sont venus desjà si avantGa naar voetnoot(1) entre les inhabitans du pays de toute sorte de gens, de nourrir pardeçà toutes les sectes et hérésies du monde, mectre la reste en ung atheïsme, qui ne peult causer que désobeissance sans aucun respect, puisqu'onGa naar voetnoot1 scait que ceulx qui sentent mal de la religion catholicque ne vouldriont jamais avoir affaire en nos églises, et moureront tous ces gens comme bestes brutes; ainsi tomberons, au lieu d'avoir mis le remède, an plus grand malGa naar voetnoot(2). Quand à permectre quelque exercice de la religion, scait fort bien que Sa Maté n'y viendra jamais volontiers, et qu'elle aymera mieulx perdre une grande partie de ces pays, que de faire chose que pourroit tendre au préjudice de la religion anchienne, mesmement que au- | |||||||||||
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Ga naar margenoot+cuns grands potentats seront de la mesme opinion, et tout son Conseil, tant d'Espaigne, que de pardeçà, ne seront jamais de cest advis, les ungs pour leur particulier, les aultres pour point cognoistre les humeurs des inhabitans de pardeçà, ny la situation du pays: mais voyant le pouvre pays tant malade et prest pour se perdre, me semble qu il fault regarder en arrière de soy et veoir de quelle recepte que nos voisins, estant attaincts du mesme mal, en ont usé; car encores qu'il ont essayé tous les moyens du monde pour éviter quelque exercice d'aultre religion, ont esté contraints à la fin avecques force, puisqu'il n'y avoit remède de chasser ces opinions hors des entendemens de ces gens, de permectre quelque chose, et le tout pour éviter plus grand mal, voire l'entière ruine de tous les gouverneurs et policies, et considérer principalement quels voisins que nous avons, et que Sa Maté, estant Prince tant puissant, ne peult jamais estre asseurée d'une paix certaine avecques eulx, etGa naar voetnoot1 que advenant une guerre, nos ennemis se pourriont servir des bannis, lesquels ayans cognoissance des secrets du pays, les pourront rendre grand service et cela avecques tant plus grande affection, pour l'espoir qu'ils auriont de retourner à leur bien; d'aultre part, que serions bien mal asseurés de ceulx qui demeureront dans le pays avecques contrainte, sachans la grande peste que c'est quand il y a un traistre dans une ville ou camp et les dangiers qu'on passe pour le mal qu'il peult faire. Je laisse doncques penser en quel hazard qu'on seroit, venant une guerre, de plusieurs inconvéniens, car aurions l'ennemys devant, derrière, voire parmy nous, et ast on | |||||||||||
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Ga naar margenoot+de tous temps expérimenté, que chose contrainte cerche tousjours temps et lieu pour s'en desvelopper et principalement au faict de conscience. A raison de quoy et pour éviter tous ces maulx et in-convéniens, ne scaurois estre d'aultre opinion, sinon de mectre en avant à Sa Maté dès maintenant, de vouloir adviser sur le 4e et 5eGa naar voetnoot1 article et prendre ung de ceulx là, avecque telle limitation queGa naar voetnoot2 Sa Maté pourroyt faire adjoindre; car y ayant pensé, discourru au long le tout et pesé l'ung et l'aultre, ne scaurois en vérité trouver aultre moyen que ung des ditGa naar voetnoot3 poincts pour faire une fois fin de tous ces misères et remectre les choses à quelque repos, s'approchant le plus près queGa naar voetnoot4 faire se pourroit, à l'Empire, bien entendu qu'on ne toucheroit nullement aux biens, personnes ou églises Catholicques, sinon les laisser en leur entier, sans y faire aucun changement, et semble qu'on gaignera beaucoup plus par ces moyens, que non pas par les forces ou rigeur, oiresGa naar voetnoot5 qu'on pourroit alléguer, que personneGa naar voetnoot6 ne scauroit mectre à Sa Maté tels moyens en avant sans blesser saGa naar voetnoot7 conscience, ny Sa Maté moings les souffrirGa naar voetnoot8 sans faire directement contre la siene; si fault il toutesfois penser qu'il ne compleGa naar voetnoot9 aucunement de laisser perdre et ruyner ung tel pays, et que ce seroit la plus grande charge de conscience du mondeGa naar voetnoot(1), tant pour Sa Maté, dessoubs l'obéissance de qui Dieu l'a constitué, que | |||||||||||
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Ga naar margenoot+pour ceulx qui sont obligés de remonstrer à Sa Maté ce que convient pour la conservation d'icelluy pays, d'en avoir aultre soing et le laisser au péril de se perdre; car c'est chose asseurée que, si le pays est une fois perdu, que la religion anchienne sera en grand hazard, sans espoir aussi de la recouvrir si tost, et seraGa naar voetnoot1, à mon jugement, moindre charge de conscience d'accorder quelque exercice de religion limité, comme dict est, que non pas de venir à ces extrémités et remèdes mal asseurées et par là estre cause d'une si grande effusion de sang, tant d'ung cousté que de l'autre, et de plusieurs aultres maulx innumérables. Et ne debvroit on faire grande difficulté, à mon advis, en ce temps tourbulent, de souffrir aucunément quelque exercise d'aultre religion que la nostre, moyennant qu'il peult servir de remède, puisqu'il est certain que nulle secte, ny opinion sinistre peult estre de durée, ayant mesmement l'exemple de la secte d'Arius et aultres erreurs devant les yeulx: lesquelles, oires qu'elles estiont condamnés et rejectées pous méchantes, si ne furent elles pas toutes fois contraintes par force, pour éviter plus grand inconvénient; ains pour n'estre de Dieu, après avoir bien durées, ont esté supprimées à la fin et abolies par la diligence, soing, debvoir et bonne doctrine des gens scavans et experts aux escriptures sainctes, sans aultre force et avecques très grande corrobération de la vraye religion chrestienne. Voyant doncques que une grande partie de nostre peuple si est adonné à autres opinions, que sa Maté n'entend vouloir endurer pardeçà, et qu'ils les prennent telle- | |||||||||||
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Ga naar margenoot+ment au ceur, qu'ils iront plustost au bout du monde, voire hazarderont leur propre vie, que de se laisser contraindre à faire chose qu'ils estimeront estre contraire à leur dit opinions, fauldroit mieulx d'user plustost des mesmes remèdes, comme on a faict en ce temps là, et mectre tel ordre, affin qu'on puisse remectre les devoyés avec le temps enGa naar voetnoot1 droict chemin, comme ne faict doubte que aysément se pourra faire, moyennant que ceulx qui en ont la charge, veullent rendre tel debvoir comme ils sont obligés, et acquerra Sa Maté par là une louange et réputation non pareille et accroistra la bonne renommée qu'elle a eu toute sa vie d'estre Prince béning, gaignera le ceur de ses subjects, mectra ses estats à repos, et sera sans faulte plus respectée et obéye qu'elle ne fust oncques, et là où Sa Maté en vouldroit user aultrement, serons nous aultres (pour l'avoir ouvertement remonstré, tout ainsi que le trouvons en saine conscience, et faict nostre debvoir) déchargés devant Dieu et devant le mondeGa naar voetnoot2. Ce quisuit est la double continuation (voyez la remarque p. 441.) du Manuscrit C. - La première se trouve en marge. Car, estant le pays perdu, la religion seroit bien perdue et sans espoir de le jamais recouvrir, et que seroit moindre charge de conscience d'accorder quelque exercice de la religion limité, et que Sa Maté serast cause de plus grands perdition des âmes, tant d'ung cousté que d'aultre, en usant des forces, que non pas en permettant quelque chose, comme dict est, et ne peult faillir que les sectes et sinistres opinions se perderont d'eulx mesmes, com- | |||||||||||
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Ga naar margenoot+me on a veu du temps des Arius, qui a duré et autres plusieurs, lequelles estant par la diligence et debvoir et bone doctrine des gens d'église et scavans descouvertes et congnues et par ces moiens remis au droit chemin. Parquoyfauldra plustost user des mesmes voies, et gaignerast Sa Maté une réputation perpétuelle devant touts autres Potentats, d'avoyr remédié touts ces maulx par douceur et avoir par là effectué plus que les autres n'ont sceu faire avecques leurs forces, qui servirast pour augmenter la bonne renommée que Sa Maté ast eu de longtemps d'estre Prince béning.
Mais puisque nostre religion est tant ancienne et de si longtemps approuvée et observée, ne fault estre mari d'estre assalli d'aultres opinions, ains estre bien aise de avoir acquis l'opportunité de pouvoir monstrer devant tout le monde la nostre estre la mieulx fondée, et que pourrions confondre les adversaires avecques toute doulceur, sans vouloir défendre notre querele à coups de pointsGa naar voetnoot1 et avecques armes, comme font les Turcqs EthniquesGa naar voetnoot2 et touts ceulx qui se sentent en leur cause mal fondée. De admirer aussi l'exemple de l'Empereur Constantin, appellé le Grand, desoubs lequel se leva la secte Ariane, laquelle s'advenca de telle façon qu'il y eust des Monarches, Princes, Evesques et aultres gens principaulx, et dura trois cens ans; toutesfois, pour n'estre de Dieu, cessa d'elle mesme sans aulcunes forces. Ainsi voiant que nostre peuple ast conceu des divers opinions en la teste, lesquels ne se peuvent arracher, sinon par milieures et à longuesse de temps, pourrions user des mesmes remè- | |||||||||||
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Ga naar margenoot+des, et aiant remis nostre peuple à repos et après estre asseuré d'une obéissence quant au faict pollitique, les laissants avecques leurs opinions et aulcung exercice limité, on les pourroit rammener au droit chemin avecques le debvoir, soing et diligance que ceulx qui ont charge des âmes et qui ont la doctrine et exemples des escritures sainctes: car, siGa naar voetnoot(1) leur opinions sont mauvaises et faulses, se fonderont comme la naige au soleil, avecques leur très grande honte et ingnominie et contre l'honneur et corroboration de la nostre. Voici encore quelques pages écrites par le Comte Louis; sans date et sous le titre suivant: ‘Mémoire d'aulcungs articles qui semblent avoir esté occasion de la diffidence et soupson que Son Alt. peult avoir conçue de ses subjects de pardeçà. Et les subjects à l'encontre de sa Maté. - Item les raisons du désordre de ce temps à présent en ses pais. - Tiercement et pour le dernier le remède pour redresser les deux poincts icy devant.’ C'est le commencement d'un Discours du même genre que celui que nous venons de donner. Premièrement il est notoire quelle grande affection et amour les princes naturels de ces pays ont tousjours portés à leurs subjects et vassaulx, et avecques quels beaulx et grands privilèges et honneste liberté ils ont doué les dicts pais, qui n'ast pas seulement esté occasion de augmenter les pais en toute grandeur et opulence, mais rendre les subjects esclaves d'une affection, amour et fidélité vers leur Princes, dont est procédé, oires que lesdits Princes n'estiont de tout à équaler aulx forces de leurs voisins et grans ennemis qu'ils ont eu, qu'ils ont toutesfois maintenus contre touts et défendus leurs subjects de | |||||||||||
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Ga naar margenoot+toutes invasions, sens que leurs ennemis ont jamais sceu avoir grand avantage sur eulx et le tout pour le seul amour et fidélité de leurs subjects. Et pour ne faire longue recite du passé, l'on peult facilement voire quel devoir qu'ilz ont faicts à l'Empereur Charles de très haulte mémoire aulx dernières guerres de pardeçà, tant que par le mesme jugement de sa ditte Maté et la ReineGa naar voetnoot(1) fust estimé une chose mal possible que ses estatz d'icy se pourriont plus maintenir contre les forces d'ung Roy de France, tant pour la grande perte qu'ils firent au commencement des navires surprinses, que de la grande inondation de l'eaux, aussi pour les grandes domages soufferts d'ungGa naar voetnoot1 cousté tant des enemis come pour le passage, foules et mangeries de nous genz de guerre, mesmes et aussi pour la perte de tant de pioniers et chevaulx de l'artillerie et munition. En oultre pour les grandes et excessives aides lesquelz ils aviont librement accordés à sa dite Maté, semblablement tant des prets et obligations particulières. Que fust cause que jugent sa ditte Maté n'estre possible de se pouvoyr plus longement maintenir, et qu'ilz aviont plus faict que ne poiointGa naar voetnoot2 porter, se délibéra de s'en aller en Espaigne et laisser icy le Roy son filz, leur recommendant son filz et les requirent de vouloir ensuivre la mesme affection à l'androit de luy, et les remerciant avecques larmes de tant de devoirs qu'ilz aviont usé envers luy. Enchergant réciproquement à son fils de les aimer et entièrement se confier en eulx, les gouvernant en toute doulceur. Ainsi que tels bons et loiaulx vassaulx méritoint. | |||||||||||
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Ga naar margenoot+Ce que Sa Maté promict et ne suivast seulement le commandement et admonition de son père, ains efforça, comme Prince doulce et de son naturel béningGa naar voetnoot(1), de les gouverner et maintenir avecques une confidence tant amiable, de sorte qu'il fist incontinent ung Conseil d'estat desoubs l'obéissance de Monsr le Duc de Savoy, là où il ordonna la plus grande part des Gouverneurs et chevalliers de son ordre, ce qui anima tellement touts les subjects de pardeçà, que proposant Sa Maté la nécessité en laquelle il se trouvoit, les requirant de luy vouloir assister de mesme affection comme ils aviont faicts aux predécesseurs, et voiants aveques quel amours et sollicitude que Sa Maté, sens espargner sa propre persone, embrassoit les affaires pour défendre les pais des invasions des ennemis, et la fiance qu'il avoit aulx singneurs et estats, remettant entre leurs mains d'aviser les moiens tels comme ils trouveroint estre requist; les donna ung tel courage, qu'ils s'efforciont de faire une chose tant difficile et quasi impossible legiere et bien possible, et par commung assamblée des estats accordarent telle somme dont Sa Maté eust tant de victoires et une réputation à jamais. En quoy les singeurs et gentishomes firent tel devoir tant de leur bien que de leur corps, come il est notoire. Et ne monstra pas seulement sa ditte Maté ceste [con- | |||||||||||
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Ga naar margenoot+stinuigtéGa naar voetnoot1] bénévolence à ses subjects, mais aussi a touts estrangiers dont il poioit bien vanter que c'estoit le Prince le plus voulu, craingt et redoubté. Que fust aussi cause que Sa Maté parvient tant plus facilement à une pais tant favorable, scachants les ennemis que se conduisant Sa Maté en ceste confidence envers ses subjects et en la grande doulceur et familiarité avecques les estrangiers, ils le teniont pour invincible. Mais si on l'oseroit dire que Dieu, envieulx de tant de bien que ces pais aviont d'avoir recouvert ung tel Prince, ou pour nous chastier de nous grands péchés, resuscita quelques envieulx de nostre félicité et de l'amour et affection que Sa Maté nous portoit, mesmes par le debvoir de ses subjects de pardeçà il avoit recouvert une renommée immortelle, non seulement en ces pais, mais par tout le monde; lesquels commençarent luy imprimer que le bon ordre qu'il avoit donné au gouvernement des affaires de pardeçà, estoit entièrement contre son auctorité. En oultre luy metantz plusieurs inventions en avant pour recouvrir deniers, jamais veu ne usité pardeçà. Item, voiants que le pais estant si denué et dépourveu, tant de l'argent que des moiens, luy persuadoint qu'il les pourroit mettre en tel règle comme il luy plairoit. Et qu'il falloit mieulx n'avoir aulcung pais que d'en posséder aveques si grandes libertés, à cause qu'il se falloit rapporter tousjours à la discrétion de ses estats, en temps de nécessité. Item, de mettre estrangiers aulx fortresses et cela pour tant mieulx tenir en subjection ceulx qui vouldriont contredire à l'ordre de leurs envieulx. | |||||||||||
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Ga naar margenoot+Aussi qu'il n'estoit pas séant à ung tel Prince d'avoir ung tel Conseil de tant de Gouverneurs et chevalliers de l'ordre, ains qu'il luy appartenoit de commender absolutement sans avoir Conseil [farnie] en ne prenant advis sinon de ceulx qui lui plairoint. De là luy firent entièrement desgouster l'assemblée des estats-généraulx, allégants que c'estoit de le mettre en tutelle et luy oster touts moiens de pouvoir commander pardeçà. Semblablement de mestre discorde et envie entre les Singeurs, en faisant bone chière à aulcungs, pour, intromestre ceste envie et par cela oster toute unanimité et accord; et en cas que Sa Maté ne fisse cela, qu'elle poioit bien faire son conte qu'elle ne jouiroit pas longuement de ses pais. Ce que venant en congnoissance des subjects, par ce que plusieurs ministres teniont ouvertement tels et semblables propos, pensants desjà avoir mis toutes les choses en ces termes ci-dessus, pour avoir faict venir une Princesse parente de Sa Maté, qu'ils scaviont qu'elle seroit respectée, comme la raison le veult, et que sur son auctorité les envieulx estants unis, ceulx qui estiont mis au principal gouvernement, eussiont peu introduire les choses selon le desseing qu'ils aviont imprimés à Sa Maté. Et sur ceste vaine espérance firent partir le Roy sens donner nul ordre que ce fust, qui eusse toutesfois esté fort nécessaire et bien requis, scachant que par longues guerres il ne amènent quant et eulx sinon grand dessordre en toutes républicques, soint sie bien ordonnés qu'ils pourriont. Mesmement demeurants les gens de guerre sens estre paiés, les villes mal basties et munies, nul argent et moins de crédict, touts estats et villes chargéz et du tout en arrière, et beaucop des gens mal contentz de | |||||||||||
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Ga naar margenoot+leur bien gasté, perdu, et entièrement ruiné tant des amis que des enemis; avecque le temps promettants de bien faire exécuter leurs mis en avant. Ainsi pour le premier firent tant que Sa Maté se resolvast de laisser icy les Espangnols sur prétext de soulager le pais de l'entretenement des guarnisons ordinaires, ce qui causa incontinent une grande soupson au pais, comme si Sa Maté n'avoit aulcune fiance à ses subjects, d'aultre part qu'ils craindiont qu'ils pourroint estre traictés en la subjection d'Italie, ou tomber en aultre servitude, comme eulx mesmes le disiont bien ouvertement, par où les estats, craindantz ces inconvéniens, furent esmeus de faire requeste à Sa Maté pour en estre quicts, ce que les envieulx prindront incontinent à leur avantage, mettant en la teste de Sa Maté qu'icelle s'apperçoit asteure par expérience ce que eulx aviont préveus et discourru à icelle par ci devant, que les estats contrediriont à tout propos au desir et volunté de Sa Maté. Et que pourtant il fauldroit chercher tous moiens pour les brider sens leur laisser tant de liberté, et sur toutes choses rompre ceste généralité. Et come ilz veioint que cela ne se poioit practiquer avecques le consentement des estats, donnirent..Ga naar voetnoot1 |
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