s'écrie Virgile, qui nous a transmis dans le quatrième livre des Géorgiques, consacré aux abeilles, les erreurs charmantes des anciens, qui observaient la nature d'un oeil encore tout ébloui de la présence de dieux imaginaires.
Pourquoi renoncent-elles au sommeil, aux délices du miel, à l'amour, aux loisirs adorables que connaït, par exemple, leur frère ailé, le papillon? Ne pourraient-elles pas vivre comme lui? Ce n'est pas la faim qui les presse. Deux ou trois fleurs suffisent à les nourrir et elles en visitent deux ou trois cents par heure pour accumuler un trésor dont elles ne goûteront pas la douceur. A quoi bon se donner tant de mal, d'où vient tant d'assurance? Il est donc bien certain que la génération pour laquelle vous mourez mérite ce sacrifice, qu'elle sera plus belle et plus heureuse, qu'elle fera quelque chose que vous n'ayez pas fait? Nous voyons votre but, il est aussi clair que le nôtre: vous voulez vivre en votre descendance aussi longtemps que la terre ellemême; mais quel est donc le but de ce grand but et la mission de cette existence éternellement renouvelée?
Mais n'est-ce pas plutôt nous qui nous tourmentons dans l'hésitation et l'erreur, qui sommes des rêveurs puérils et qui vous posons des questions inutiles? Vous seriez, d'évolutions en évolutions, devenues toutes-puissantes et bien heureuses, vous seriez arrivées aux dernières hauteurs d'où vous domineriez les lois de la nature, vous seriez enfin des déesses immortelles, que nous vous interrogerions encore et vous demanderions ce que vous espérez, où vous voulez aller, où vous comptez vous arrêter et vous déclarer sans désir. Nous sommes ainsi faits que rien ne nous contente, que rien ne nous semble avoir son but en dedans de soi, que rien ne nous paraît exister simplement, sans arrière-pensée. Avons-nous pu jusqu'à ce jour imaginer un seul de nos dieux, depuis le plus grossier jusqu'au plus