cidents nous tirent de la voie glorieuse que nous voudrions suivre.
Il faisait presque nuit. Je m'étais éloigné de la ville, comme d'une prison, pour marcher librement, le long du fleuve. Les ténèbres couvraient la campagne, sur laquelle se dressaient les ailes arrêtées des moulins à vent. L'immensité semblait morte. Les signes de sa vie ne se montraient que dans les étoiles et sur les eaux courantes où elles étaient réfléchies. La terre était devenue informe. On eût pu prendre les bornes plantées au rivage pour des tours, les cailloux pour des rochers, et les masures pour de vastes édifices. Je m'affligeais de la vue courte et confuse de mes yeux, mais qu'elle était perçante près de celle de mon intelligence! Que serai-je dans une minute? L'humanité existera-t-elle encore? L'homme n'aperçoit rien au delà du présent, qui n'a pas même la durée d'une seconde. Il conjecture, il redoute, il espère, et à l'aventure il va et vient, un bandeau de nuit sur les yeux. Il se croit libre, et un bras d'ombre le tient et le mène. Un jour, Pétrarque, s'étant arrêté à Cologne, vit la rive gauche du Rhin couverte d'une troupe charmante de femmes. Couronnées de fleurs et les manches relevées, elles plongeaient leurs bras blancs dans les eaux courantes en murmurant des prières. Elles croyaient livrer aux flots rapides tous les maux qui auraient pu les atteindre pendant l'année. Ah! que ne pouvons-nous aussi nous pencher sur le grand fleuve avec la douce espérance d'y laisser glisser le fardeau de nos pressentiments! Il s'en irait sans bruit, le nuage de nos larmes, se perdre à la mer convulsive.
Je prends plaisir à m'égarer par les rues tortueuses de la ville; j'y fais des trouvailles connues de tous, mais nouvelles pour moi: maisons naïves, édifices bizarres, vieux