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Thiéri van Elnaer
Si j'avais l'art que maint a,
Si mon esprit était si sage
Que je connusse mélodie et paroles,
Des bonnes actions qui ne meurent jamais,
Quel que soit l'homme qui y tende;
Une bonne action vit après nous dans la mort;
C'est pourquoi je ne le laisserais pas volontiers,
Si je pouvais en trouver la matière.
Je veux toutefois l'entreprendre,
Tâtonner, comme fait l'aveugle.
Que Dieu me donne le don de parler!
Je veux narrer d'un Chevalier
Pour Dieu et pour les chastes femmes;
Qui fut vu armé la première fois,
Comme les chevaliers le reconnaissent,
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Devant Limbeeck, avec son seigneur,
Le comte Alof [Adolf] de Berg,
Qui était prémuni contre le mal.
De là il se rendit à Vollenhove,
Où maint Frison fut triste.
Car ils y perdirenl la bataille.
Là on vit donner de grandes blessures,
A lui et à d'autres bons guerriers
Qui avaient l'esprit porté vers les armes.
On le vit depuis en Prusse
Où maint preux chevalier fut couché,
Qui pour Dieu et pour l'honneur
Savait menacer et combattre fort.
Après cela il revint au pays;
Il combattit vaillamment à Rechlinchausen,
Avec le comte Adolf de la Marck,
Un gentilhomme libre et fort;
On le vit devant Heckeren
Dans un grand et rude assaut,
Où les ennemis furent dans la détresse
Et restèrent morts dans leurs chậteaux.
Devant Coesfeld, en Westphalie,
Le héros combattit et sa main
Brandit vaillamment son glaive
Et avec grand honneur frappa ses ennemis.
Après, il quitta le pays,
Marcha en avant, qu'on le reconnut,
Pour l'amour de Dieu et de l'honneur.
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A ses frais et de son bien,
Au tombeau de Dieu, notre Seigneur.
A la Vierge Sainte Catherine.
De là, il revint au pays.
Il y apprit une grande affaire.
A Tournai, dans la bataille,
Le héros combattit de toutes ses forces,
Où ceux de Liège perdirent la campagne.
Devant Saint-Trond il fut créé chevalier.
Là son courage fut trempé.
Il se rendit ensuite en Prusse,
Il combattit bravement en Lithuanie
Sous la bannière de Notre-Dame.
Là, il y eut une grande déconfiture;
Maint payen y resta mort;
Les chrétiens furent en grande détresse
Dans le combat qui eut lieu
Le jour de Notre-Dame [la chandeleur].
Ils souffrirent de la faim et de la soif;
En outre, la gelée les y accabla si fort,
En grand nombre aux mains et aux pieds:
Froid et guerriers de pays étrangers.
Ensuite le héros se rendit
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Là on vit le preux guerrier
Devant le chậteau de Pekezaert,
Je l'entends dire par de braves chevaliers,
Qu'il resta dans un état digne de compassion
Et pour mort pendant deux lieures,
Il fut porté hors de l'assaut;
J'entendis dire cela par de braves chevaliers,
Depuis il prit congé du roi.
Dieu prépara une autre expédition
Par les seigneurs de la Livonie,
Qui ont souvent guerroyé avec honneur,
Et dans le pays de Rusen et en Livonie,
Là on put admirer le héros.
On le vit, depuis, en Prusse,
Où eut lieu une grande expédition.
Dans le pays de Lithuanie
On ravagea et brûla fort;
Maints payens y versèrent leur sang,
Par les braves Chevaliers de Dieu.
Avec des guerriers de pays étrangers,
Lesquels se consolèrent de ce qu'il se rendit
En Zélande devant la Veer,
Il fit une vaillante défense
Il fut, de la journée, l'angoisse
Des ennemis pour sa gloire,
Il s'avanca devant ses ennemis
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Qui se tient devant les chiens
Le combat avait lieu devant la Brielle,
Avec de grands efforts et dangers,
Pour le service d'une chaste femme,
Pour la vaillance et par affection,
Qui était native de Hollande,
Là surgirent de grands chagrins,
Un navire fut lancé sur l'autre,
On y souffrit de grands dommages;
On le vit devant Liproede,
Dans une expédition qui fut rude;
Les ennemis furent battus
Et on en rapporta des richesses.
Il vint depuis en Prusse;
II apprit du Grand-Maître
Une grande expédition en Lithuanie;
Là on put admirer le héros;
Plus qu'on ne pourrait le dire.
Le temps devint [favorable]
Bientôt I'on dut revenir.
Après cela il vint en Brabant,
Où on lui reconnut beaucoup d'honneur.
Lorsque l'armée flamande était campée devant Bruxelles;
De grands évènements y eurent lieu.
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La veille de la bataille,
On vit le héros avec toute son ardeur,
Avec un noble courage non épargné,
L'aventure venait de Dieu
Qu'on fit le héros prisonnier.
Son bras y combattit vaillamment.
A cause de sa promesse et pour l'honneur,
Il se rendit depuis à une cour,
On dit que ceci lui couta la vie;
Il gagna la maladie sur mer
Depuis il ne prit plus les armes,
Et passa de vie à trépas.
Ce qui fut grand dommage pour ses amis.
[Les dix vers suivants sont illisibles. Ils doivent contenir la description des armoiries.]
Alors on doit vivre selon l'honneur,
.... comme ceux qui virent
Il a souvent fait le bien.
Son heaume avait les émaux de l'écu
Un mantelet de rubis rouge
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Sur lequel était placé comme ornement précieux
Une aîle de douze pièces réunies
Avec un écu de rubis au milieu,
Sous lequel il a souvent souffert,
Dans lequel il y avait un croissant de marguerites.
La bravoure lui fit faire souvent
Plus que son corps ne pouvait endurer;
L'honneur lui semblait chose trop douce:
Van Elnaer seigneur Thiéri.
Que Dieu l'annoblisse quant a l'ậme,
Si jamais il s'est oublié.
Que Dieu lui accorde, sans manquer,
La joie éternelle, sans fin.
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Note héraldique
Quel est ce Chevalier dont le nom et les armes sont repetées dans l'Armorial, sans brisure, sans le croissant, sous le nom de van Neller, - comme précédemment van Nuest pour van Oeuft, - et que les injures du temps ont ici à ce point défiguré que nous n'en voyons que les armes, sans que le poème soit tout à fait visible à nos yeux? C'est un vieux-Flandres transporté dans la Gueldre - un vieux chevalier de 1'OrdreTeutonique qui prit part à toutes les expéditions contre les payens de la Lithuanie, et fut un des défenseurs de l'impératrice d'Allemagne, Elisabeth de Haynaut, veuve de l'empe- reur Louis de Bavière: ce qui assigne à ce poème, comme date, 1356 environ.
Les dix lignes qui manquent absolument et dont l'encre a disparu, sans qu'il nous ait été permis de la faire revivre, donnaient en partie la description des armoiries: C'est un gironné de douze pièces d'or et d'azur, chargé en coeur d'un petit écu de gueules au croissant d'argent. Dans cette langue poétique qui semble refléter les richesses de 1'Orient, de l'lnde et de la Perse, où le poète a semé de saphirs, de perles, de rubis et d'émeraudes, les diverses pièces de son écu, Gelre nous montre son heaume couvert d'un mantelet fait de rubis rouges, parce que la couleur du rubis représente le gueules; sur cette coiffe, sur ce mantelet de rubis découpé s'élève une aîle, un vol divisé en douze pièces d'or et d'azur qui sont les signes de force, de richesse et de loyauté: et dans l'écu du
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milieu ‘pour lequel il a tant souffert’, dans eet écu fait de rubis, se trouve une lune de perles ou de margerits d'une blanclieur éclatante, pour la brisure de ses armoiries.
Quand nous décrirons les planches XC et XCIV de l'Armorial, nous vous reparlerons de Van Neller.
Nous avons trouvé, pour le nom de ce chevalier, trois orthographes diverses: van Eller, van Neller et van Elnaer. La pronunciation est la même, ce qui prouve une fois de plus que beauconp de mots, et surtout beaucoup de noms étaient alors écrits comme on les parlait. La philologie comme l'histoire en doit tenir compte.
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Remarques
Ligne 29, noch, on doit lire: nach.
Ligne 72, hand, on doit lire: hande.
Ligne 73, conde, on doit lire: coude.
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