Jean Desbordes, J'adore
M. Cocteau est très intelligent, on l'a dit assez souvent; en tous cas, il donne souvent, à s'y tromper, l'illusion de l'intelligence. C'est pour cela sans doute qu'il s'est débarrassé, assez jeune, de son maître M. Rostand père, pour se laisser, en attendant, influencer plutôt par M. Gide; qu'il a trouvé (toujours à temps et de façon à se persuader qu'il était lui aussi, une espèce de précurseur) Apollinaire, le cubisme, Picasso, les ballets russes, Eric Satie, Sophocle, Roméo et Juliette, etc. Depuis quelque temps, fort sans doute de la réputation acquise, il s'est permis de revenir à sa nature et de s'adonner aux calembours. Il en a même fait un recueil de poésies, qui se vend sous le titre d'Opéra. Mais c'est loin d'être tout, car M. Cocteau, chez qui tout est poésie, sait au besoin créer des poètes. Il faut lire sa préface à J'adore pour apprendre comment il a créé M. Jean Desbordes sans presqu'y songer. Déjà quand il a publié son Jean l'Oiseleur on pouvait se douter que M. Cocteau possédait ce don en y lisant: J'ai voulu faire du blanc plus blanc que neige