Brieven. Deel 4. 2 januari 1933-30 april 1934
(1978)–E. du Perron– Auteursrechtelijk beschermd1922. Aan V. Larbaud: Parijs, 8 januari 1934aant.Paris, 8 janvier '34 Monsieur, Merci de m'avoir envoyé le Gouverneur.Ga naar voetnoot1. Je connaissais cet article, pour l'avoir lu dans la NRF. Ce petit jeu est en effet surtout une occasion de parler préférences. Si je devais emporter à Port-Noël cinq auteurs, mon choix serait fait: Shakespeare (voui), Stendhal, Nietzsche, Multatuli (c'est un auteur hollandais que l'Europe ignore et tant pis pour l'Europe), Edgar Poe ou Gide. Ou les deux, ce qui ferait 6 auteurs. Maintenant, s'il me fallait nommer les 3 livres que je mets personnellement (souligné) au-dessus de tous les autres, les voici: Henri Brulard, Barnabooth, le Petit Ami de Paul Léautaud. Ce ne sont plus des ‘auteurs’ comme vous dites, ce sont des ‘parents’. | |
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Mais il y a une chose qu'on oublie dans l'histoire de l'île déserte, de Kerguelen etc; c.à.d.: quel caractère aura l'île, le désert, le Port-Noël? Peut-être que si on le savait d'avance, on laisserait ses préférences pour n'emporter que l'adéquat, et que moi, par exemple, je me mettrais à lire deux poètes que je déteste assez: Whitman et Claudel. ‘Dans la vie’ j'ai besoin de Brulard, devant le désert ce serait peut-être moins stérile de se remplir avec les sonorités de Claudel et de croire avec lui - de s'imaginer plutôt - qu'on est plus fort que tout quand on s'est mis du côté de ‘Dieu’. Il me reste à vous retourner les meilleurs voeux de nouvel-an. L'année passée a été pour moi tout simplement désastreuse: mort de ma mère et ruïne financière complète. On m'avait fait croire que j'aurais environ 2000 000 de francs, et je dois m'estimer tout heureux si j'en tire 40 000 ou moins encore. Depuis un an je me débrouille, et très mal, pour vivre. Il y a aussi ce temps si ‘fort’ et si politique, qui est fait pour nous enlever tout les goûts que nous avions. Comment relire Barnabooth dans ma situation actuelle? Je l'aime encore, mais je le laisse fermé; dans quelque temps j'en aurai peut-être peur. Vous, j'aimerais toujours sincèrement vous rencontrer. Vous m'aviez promis de me faire signe si vous veniez à Paris; je ne sais pas si vous êtes venu, mais de toute façon j'ai pensé que vous ne teniez pas du tout à me voir, ce qui du reste ne serait que normal. Si le Gouverneur m'a fait plaisir, c'était surtout parce que ça pouvait être une preuve du contraire. Je vous quitte à présent en vous donnant ma nouvelle adresse, mais elle n'est bonne probablement que jusqu'au 1er février: 19 rue de l'Yvette, Paris 16e. Bien à vous, EduPerron |
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