Brieven. Deel 3. 1 april 1931-31 december 1932
(1978)–E. du Perron– Auteursrechtelijk beschermd1205. Aan F. Hellens: Gistoux, 12 juli 1932aant.Gistoux, mardi. Mon cher ami, Merci infiniment pour le vin, que ma mère a reçu samedi. Quant à moi, je pense pouvoir m'en aller d'ici, jeudi ou vendredi, et me retirer quelque part dans les Ardennes, ou peut-être à la mer, ou ailleurs. Je ne puis te dire avec quelle joie je refoutrai le camp. Ne m'en veux pas si je ne te vois à Brux.; je me trouve moralement dans un état déplorable; maintenant que les choses de la familie ont l'air d'être arrangées (et encore, avec Simone et ma mère qui n'ont pas cessé d'exister, c'est seulement à condition d'être loin d'elles), c'est la crise, ce sont les ‘affaires’. Dieu sait - non, saurait, s'il savait jamais quelque chose - à quel point je suis peu fait pour ce genre de distractions. Depuis ma rentrée ici, je n'ai vu qu'avocats, notaires, types d'assurance, d'hypothèques, de je ne sais quoi encore de parfaitement vomitif. Le seul plaisir que j'ai, c'est la compagnie de ma femme, qui vraiment a un caractère de 1er ordre. Aussi, je te propose ceci: je te téléphonerai jeudi soir (je ne sais pas encore à quelle heure, paree que ce jour-là je reconduirai Simone de Gistoux à Bruxelles, après qu'elle aura cherché ici tous ses ‘effets’, et je ne sais pas combien de temps il faudra pour cette opération); - je te téléphonerai done pour tâcher d'arranger une rencontre, soit chez toi, soit ailleurs. Mais puis-je te prier de nous revoir seuls, c.à.d. toi, Maroussia, ma femme et moi? C'est tellement plus agréable, surtout paree que ma femme et vous deux ne vous connaissez pas encore. Autrement dit: veux-tu me garder le jeudi soir? car vendredi matin je compte être dans un train quelconque. (Peut-être que tu pourrais nous donner des tuyaux). - Maintenant, si par hasard je me trouvais trop déprimé pour voir même des amis, je te téléphonerai encore, et veux-tu alors m'excuser de ne pas venir? Je compte sur ton amitié en t'assurant qu'il n'y a rien de changé entre nous, qu'il faudra plutôt me considérer comme un malade | |
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que comme un mauvais ami. Je te prierai de ne pas parler de ceci avec qui que ce soit; si je n'avais pas l'impression que je te dois une explication, je ne t'écrirais pas tout ceci. Je compte enfin sortir des emmerdements quand Simone vivra avec Gille - la chose commencera ce samedi, un jour àpres mon départ; mais entre nous: j'en doute. On trouvera toujours moyen de m'emmerder, et je ne peux pas tuer ces gens, au contraire: il faut les plaindre. Tant qu'il y aura de l'argent, on s'arrangera tant bien que mal; quand il n'y en aura plus on ne s'arrangera plus que très-mal, mais définitivement, par force majeure, ce qui est très-bien, peut-être. Pour le moment je passe les ‘vacances’ les plus ‘fausses’ qu'on puisse s'imaginer. Si je viens jeudi soir, ne parlons pas de tout ceci et tâchons de passer la soirée agréablement. Je regrette même de t'écrire tant sur ce sujet, mais puisque c'est écrit, pourquoi ne pas l'envoyer? même si cela ne t'amuse pas. Ce que tu me dis de MéralGa naar voetnoot1. m'attriste, mais je dois dire: sans m'étonner. D'où tient-il tout cet argent, qu'il dépense avec si peu d'originalité? L'affaire RothermereGa naar voetnoot2. a donc marché? Quant au fameux Loucarius,Ga naar voetnoot3. je veux bien parier qu'il restera surtout parlé. Tout ceci n'est pas pour débiner Méral, que je tiens toujours pour un type remarquable, mais enfin, j'ai depuis longtemps cessé d'avoir à son sujet certaines illusions. Il faut dire que je n'en ai guère sur moi-même, pour être tout à fait franc. Je ne demande que la paix. Une vie de rond-de-cuir, s'il le faut, mais seul avec ma femme, et sans emmerdements. Les vies tragiques sont très belles, mais à condition qu'elles soient mouvementées sur un autre plan, qu'on paye de sa personne autrement qu'en se laissant saper un peu tous les jours; je veux dire que perdre son sang sur quelque champ de bataille (même pour la patrie!) vaut mieux que de se soumettre au traitement des sang-sues, 3 fois par semaine. Je suis sûr que je sortirai de tout cela, mais je ne sais pas comment, et surtout quand. Pour le moment, cela aussi a l'air de dépendre beaucoup de la crise, comme te le dirait n'importe quel pied-plat. (Mais si je continuais, je ne ferais que recommencer!) Ainsi à jeudi, ou écris-moi ici si tu as disposé de cette soirée, ou | |
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si tu ne veux pas courir le risque de ne pas me voir, même alors. Mais j'espère bien que ça ira. Sinon, je t'enverrai bientôt une belle carte postale. Amitiés à Maroussia, la main de ton E. |
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