Keetje
(1919)–Neel Doff– Auteursrecht onbekend
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père et de l'incurie de ma mère, mon caractère s'était beaucoup adouci, et, Eitel et moi, nous vivions très paisiblement ensemble. Il se plaignait bien de temps en temps de mon insoumission, quand je ne l'avais pas consulté pour acheter de mon propre argent une voilette ou une paire de gants. Il en était choqué et me trouvait indisciplinée, mais je voyais très clairement que, s'il n'insistait pas davantage, c'est qu'il se disait qu'en somme je ne lui étais rien. Quant à moi, un peu plus d'abandon de sa part, et je lui aurais été toute acquise, mais voilà... Heureusement, nous avions tous les deux un grand stock de jeunesse à dépenser. Cela se manifestait chez moi par un vif besoin de câliner: je grimpais sur ses genoux, et l'embrassais et l'ébouriffais jusqu'à ce que j'en fusse saoule. Lui fermait les yeux comme un matou, et, par la fente allongée de ses paupières, son regard m'observait, curieux. Cependant je n'étais pas dupe de moi-même et, après, je me demandais ce que j'aurais fait de plus si j'avais eu confiance, si j'avais osé me laisser aller à tout dire et à penser tout haut, devant lui, comme je faisais devant Naatje. Ceci, je ne le pouvais, mais mes élans étaient irrésistibles. Je sentais toujours chez lui, au milieu de mes | |
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abandons et de mes griseries les plus complètes, une réserve, une arrière-pensée de ne pas se laisser prendre. J'inspirais cependant une confiance illimitée, jamais il n'a cru que j'aurais p[u] le tromper, mais il voulait être libre au moment voulu: alors, il ne fallait pas trop se compromettre... |
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