En les reconduisant un bout, j'achetais une livre de lard pour les parents.
Je restais debout à les voir s'éloigner: ils se retournaient à chaque instant pour me dire bonjour de la main.
J'avais le coeur gros: leurs petits êtres mal habillés m'étaient encore si chers, que souvent je faisais quelques pas en avant pour les rejoindre, pour leur demander pardon de les avoir abandonnés... Alors je me demandais si je ne ferais pas bien de rentrer avec eux et de recommencer l'ancienne vie... n'était-ce pas mon devoir?...
Mais l'idée de sentir à nouveau l'haleine alcoolique de mon père et de voir ma mère ruser pour me soutirer le plus possible, me hérissait, et vite je rentrais, me sentant retrempée de les avoir vus et maniés, mais quand même avec la sensation d'avoir été privée pendant quelques heures d'une chose essentielle à ma vie...
Je m'enfouissais tout de suite dans mon fauteuil, et, comme gourmande, je me remettais à lire.