J'étais toute frémissante de joie, en l'entenlant énumérer ces merveilles... Enfin je pourrais savoir ce que c'est que d'être belle et d'aller à un bal, ne fût-ce que pour une fois. Mais une jolie robe qui me durerait deux ans...
Il me regardait curieusement, de ses beaux yeux noisette. Je n'hésitai pas.
- J'aime mieux une robe, elle me restera, et je serai plus convenable pour sortir avec toi...
- Eh bien, voilà cent vingt-cinq francs, faistoi élégante... Dans huit jours, c'est le Mardi Gras, nous irons manger un morceau et voir les masques.
Grand Dieu, quelle somme!
Le lendemain, je m'en fus rue Neuve m'acheter une robe toute faite, qu'on changea à ma taille. Elle était vert foncé, très étroite, à longue tunique, le corsage à basques avec une petite pèlerine, et garnie de boutonnières en taffetas. Elle coûtait quatre-vingts francs; il m'en restait quarante-cinq.
Je voulais une fois pour toutes en sortir: je n'avais donc rien dit chez nous de cet argent. Je gagnais du reste beaucoup depuis quelque temps; un amateur avait commencé une grande toile avec moi, il la grattait après chaque séance et recommençait le lendemain. J'étais dans la joie: ‘S'il continue ainsi, me disais-je, il n'y a pas de raison pour que cela cesse...’