De patriottentijd. Deel 1: 1776-1784
(1897)–H.T. Colenbrander– Auteursrecht onbekendThulemeyer aan den Koning, 10 December 1782....Le Prince d'Orange, je l'avoue à regret, toujours très mal conseillé, a cherché à se prévaloir de l'attachement que les habitants des Provinces Unies ont témoigné souvent d'une manière très éclatante pour sa Maison. Quelques citoyens de la Haye ont projetté de presenter au Stadhouder une adresse pour le remercier des soins infatigables qu'il avoit consacrés pendant la Guerre présente à l'administration de la Republique et en particulier de la Marine Hollandoise. Cette pièce que les Magistrats ont rejettée comme tendant à exciter les habitants des différents Partis aux plus grands excès, a été suivie d'une autre conçue dans des termes beaucoup plus modérés et renfermant uniquement des expressions d'attachement pour la Maison d'Orange et des protestations de leur ferme dessein de maintenir leur liberté et la constitution présente du Gouvernement aux dépens de leur sang et de leur vie La fermentation qui est resultée de ces différentes contestations a été extrêmement augmentée par une populace répandue dans les rues de la Haye au nombre d'environ trois cents, ayant arboré la couleur distinctive du chef de la Republique. Quelques députés du parti opposé ont été allarmés par leurs cris et le tumulte, au point que les Etats d'Hollande convoqués hier matin extraordinairement ont pris cette affaire fortement à coeur. Le Prince d'Orange ayant paru en personne dans cette assemblée, et ayant proposé la suppression des libelles en établissant une liaison entre la publication de ces productions licentieuses et les mouvements récents du peuple, a été très mal traité. Les députés de Dort, de Harlem et d'Amsterdam ont taxé les mesures adoptées en dernier lieu de | |
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séditieuses, et l'un d'eux, le Pensionnaire Gijselaar, de Dort, a été assez audacieux pour dire au Prince en face que la couleur coupable d'orange, arborée par le peuple, étoit la marque caractéristique de la sédition. Il paroit que le Prince d'Orange a entièrement manqué son but et les demarches qu'il a faites pour se rendre populaire et agréable à la nation, ont été, je n'oserois le dissimuler, on ne peut pas plus mal combinées. Je placerai au nombre de ces démonstrations hasardées celle dont le Conseiller Pensionnaire m'a informé. Le Prince d'Orange assistant il y a quelques jours à un repas d'une partie de la milice Bourgeoise de la Haye, porta la santé du Duc Louis de Brunswic, qui fut repetée au bruit des fanfares. | |
Bérenger aan Vergennes, 6 December 1782....L'adresse de remerciments qui se trouve inséré dans la Gazette de la Haye d'aujourd'hui est une mesure maladroite du conseil ou des courtisans de M. le Stadhouder; on va depuis quelques jours solliciter de porte en porte la souscription des artisans et des pauvres ouvriers auxquels on donne pourboire et dont le suffrage est aussi insignifiant qu'il est ridicule de le demander. | |
Bérenger aan Vergennes, 10 December 1782.- Une des Compagnies de la Bourgeoisie de la Haye a donné le 5 de ce mois un repas de Corps auquel il est d'usage d'inviter M. le Stadhouder et auquel ce Prince assiste ou n'assiste pas selon que cela lui convient; ce n'est que vers la fin de celui-ci qu'il s'y est rendu avec quelques-uns de ses courtisans. Aux marques de popularité par lesquelles il a cherché de plaire aux convives, il a ajouté quelques largesses et il a été donné 8 Ducats de la part de M. le Prince Louis de Brunswic pour boire à sa santé. De là M. le Prince a passé à la vieille Cour où Mad. la Princesse tenoit cercle. Cependant les officiers de la Bourgeoisie ayant délibéré sur l'adresse, il n'y en a eu que trois, dépendants ou commensaux de M. le Stadhouder, qui ayent opiné pour la présenter; les autres s'en sont défendus, et quelques instances qu'on ait faites pour gagner le Colonel Slicher qui est de famille patricienne, il a persévéré dans son refus; alors les instigateurs du projet ont imaginé d'établir un Bureau de souscription au Vieux Doele, et comme ils n'ont pas été difficiles sur le choix, ils ont rassemblé un assez grand nombre de signatures; il a été aussi distribué des poix et d'autres comestibles avec des tourbes, aux nécessiteux.... Un avanturier françois qui fait icy le Maitre de Danse, homme sans éducation et qui sait à peine lire, s'est avisé de faire la plus pitoyable rapsodie dont il soit possible de se former l'idée; les Comédiens ayant refusé avec mépris de la jouer, M. le Stadhouder leur en a donné l'ordre, et s'étant amusé dans l'après-diné du 5 à faire réciter et chanter à cet imbecile Boufon sa pièce qui assurément n'auroit fait rire personne aux Halles ni sur le trettau de la foire, elle a été representée le lendemain sur le théâtre de la ville, en présence de toute la Cour, et d'un concours extraordinaire de spectateurs; c'étoit un Chef d'oeuvre de bêtises et un | |
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Potpourri de couplets décousus de matelots ivres sur M. de GrasseGa naar voetnoot1) et Rodney, sur les François et les Anglois. La farce paroissoit être finie et la toile baissée, lorsqu'une foule de polissons dispersés dans le parterre ont demandé à grands cris: Les batteries flottantesGa naar voetnoot2) qui ont été chantées et après cela: L'incendie de l'hôtel de FranceGa naar voetnoot3). Je doute, Monseigneur, que la plus vile populace de Londres ait jamais plus indécemment manqué au sens commun; le peu d'honnêtes gens qui en ont été témoins en étoient indignés et étoient d'avis que la police devroit mettre l'auteur et les acteurs au cachot. J'ai cru, Monseigneur, ne devoir me permettre aucune démarche pour en demander satisfaction, et qu'il y auroit peut-être plus d'inconvénient à relever cette insigne platitude qu'à la mépriser. Si vous pensez autrement, vous serez toujours à tems de me donner vos ordres que j'exécuterai ponctuellement. On a peu dissimulé que le plus coupable est M. le Stadhouder, et on soupçonne qu'il n'a pas jugé inutile de jetter du ridicule sur la France et d'exciter l'aversion contre ses amis en faisant précéder par cette farce celle qui devoit la suivre immédiatement et qui avoit été annoncée quelques heures auparavant. Quatre garçons de l'imprimerie de Gosse s'étoient rendus au marché avec des rubaus et des cocardes orange pour soulever les esprits en criant: vive Orange; Orange a le dessus. A l'issuë du spectacle ces mêmes gens, réunis aux ouvriers de la Fonderie et entraînant à leur suite ceux qu'ils rencontroient, ont parcouru au nombre d'environ 400, toutes les rues de la Haye avec des torches allumées dans leurs mains et des bouteilles dans l'autre; ils ne cessoient de répéter: vive Orange; Orange a le dessus. Ils se sont rendus à la Cour où ils ont tiré des fusées et des Boëtes; M. le Prince et Mad. la Princesse se sont montrés aux fenêtres; cette canaille a été ensuite chez le Grand-Bailli qui leur a donné quelqu' argent, et à deux heures du matin à la porte de M. le Grand-Pensionnaire.... Bien des personnes soupçonnent que ce tumulte avoit pour objet de se défaire de quelques membres de l'Etat et que ce coup est manqué: ils ont été avertis de se tenir sur leurs gardes et de ne point sortir; le Pensionnaire de Dort étoit d'avis de se joindre à ceux de quelques autres villes et d'aller avec les Conseillers et le Grand-Pensionnaire de Hollande demander à M. le Stadhouder pourquoi en sa qualité de commandant de la Haye il n'avoit pas prévenu cette émeute au lieu de paroitre l'encourager; M. van Berkel s'y est refusé parce qu'il a cru important de ne pas avoir une contenance intimidée; ‘ils n'oseront, a-t-il dit, insulter la Maison d'Amsterdam et quand ils le feroient, quand même ils m'assassineroient, cela n'avanceroit pas leurs affaires’. Les principaux chefs de cette faction, Monseigneur, sont M. Reigersman, trésorier de M. le Stadhouder; le Comte de Heyden son chambellan; Noordwijk, Bailli de la Haye; van Hees, secrétaire du | |
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Conseil d'Etat, et Mackleen, ministre de l'Eglise angloise. Les gens sensés pensent qu'ils ont rendu un mauvais service à leur maître, et que leur entreprise en augmentant l'animosité contre lui, fera sentir aux confédérés la nécessité de se précautionner contre un coup de main. Statenvergadering van 9 December. De Prins is er verschenen: Il a proposé une nouvelle résolution contre les libelles et a insisté sur la suppression immédiate des gazettes de Nordhollande et de Sudhollande. Le corps des Nobles a fort appuyé l'avis de cette résolution. Le Pensionnaire de Harlem a observé qu'on ne parloit pas de la Gazette de la Haye; celui de Dort après avoir longtemps gardé le silence, a resumé tout ce qui avoit été dit et a ensuite demandé à l'assemblée de porter son attention sur ce qui c'étoit passé le 6, de s'informer quel étoit l'objet des attroupemens du peuple, pourquoi des acclamations, des courses nocturnes avec des torches dans les ruës de la Haye et des feux d'artifice à l'hôtel de M. le Stadhouder. Ce Prince a dit que ce n'étoit qu'une réjouissance innocente et un témoignage d'affection; le Grand-Bailli a ajouté que c'étoit une plaisanterie. ‘Ce mot seul, lui a repliqué le Pensionnaire de Harlem, est une trahison.’ On a rappellé l'avanture d'un Officier qui a été entrainé par la foule et forcé de prendre une cocarde orange; M. le Stadhouder a demandé ‘si c'étoit donc un crime de la porter’, on lui a répondu qu'oui, et que c'étoit de cette manière que commençoient les révoltes, et que tout ce qui s'étoit passé en caractérisoit une; M. le Prince a dit qu'il en falloit d'autres preuves; ‘faudra-t-il donc, lui a-t-on vivement répondu, que pour la constater, le peuple renouvelle la scène tragique des de Witt?’ Pour mettre fin à ces altercations, le Pensionnaire de Dort a proposé d'ordonner à la Cour de Hollande et au Comité de Raaden, de faire les recherches et les perquisitions nécessaires contre les auteurs de cette émeute; la résolution à cet égard a été prise sans résomption à la pluralité de 16 voix contre 3 qui sont celles de la Brille, d'Enkhuysen et du Corps des Nobles. Cette résolution, Monseigneur, a été un coup de foudre pour M. le Prince Stadhouder qui est resté confus et interdit; le Grand-Bailli a été traité avec indignation et mépris. | |
Vergennes aan Bérenger, 19 December 1782.- Le Roy n'a vu, Monsieur, dans ce qui s'est passé à la comédie de la Haye qu'une platte impertinence dont la honte ne peut retomber que sur ceux qui l'ont inspirée ou encouragée. Quant au mouvement populaire excité en faveur du Prince Stadhouder, il étoit difficile de rien faire de plus maladroit et plus dangereux dans les circonstances présentes. L'intention de S.M. est que vous ne preniez aucune part à cet évenement et aux suites qu'il pourra avoir. | |
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cependant après s'être un peu remis, il s'est empressé de balbutier quelques mots sur ce qui s'est passé à la Haye pendant mon absence et de me prier d'être persuadé qu'il avoit entièrement ignoré que les scènes dussent avoir lieu. Je lui ai répondu que le Roi les avoit regardées avec trop de mépris pour en daigner rechercher les auteurs. | |
Vauguyon aan Vergennes, 7 Februari 1783.De Prins heeft niet verhinderd dat de platte klucht van 6 December in druk verschenen is en aan hem opgedragenGa naar voetnoot1). | |
Vauguyon aan Vergennes, 14 Februari 1783.Van Bleiswijk is den Prins gaan spreken over die farce van Hadoux: het scheen wel dat dezen na 6 December 's Prinsen ongenoegen niet betuigd was, daar hij zijn product nu nog aan den Prins had durven opdragen! M. le Prince a été fort troublé de cette observation, et a compris enfin que cette nouvelle indécence qui ne manqueroit pas de lui être attribuée, offriroit un contraste absurde avec les protestations dont il a chargé son chambellanGa naar voetnoot2); il m'a assuré qu'il n'avoit eu aucune part à ce qui s'étoit passé, et qu'il feroit défendre à l'imbécile auteur de cette brochure de paroître jamais devant lui; je lui ai répondu que je ne pouvois m'empêcher de lui répéter que le Roi avoit cru devoir traiter avec le dernier mépris les auteurs de pareilles inepties; il est possible, Monsieur, qu'en effet il n'ait pas provoqué l'impression de toutes ces sottises, mais il me semble qu'il demeure constant qu'il n'en avoit pas marqué le moindre ressentiment qui auroit certainement suffi pour les empêcher de se reproduire. |
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