De patriottentijd. Deel 1: 1776-1784
(1897)–H.T. Colenbrander– Auteursrecht onbekendBijlage V.
| |
Aan den Prins. - Breslau 12 Janvier 1779.- Monsieur mon Cousin et Neveu. Je viens de recevoir la lettre que V.A. m'a écrite le 2 de ce mois, et je n'ai pu appendre qu'avec peine la situation critique où se trouve la République des Provinces Unies. Le tableau qu'Elle a bien voulu me tracer me fournit une nouvelle preuve de Sa confiance, à laquelle je ne puis qu'être très sensible. Je voudrois pouvoir y répondre par les conseils qu'Elle me demande. Mon amitié et le tendre intérêt que je prens à tout ce qui La regarde m'y engageroient certainement, si ces mêmes sentiments ne me faisoient craindre de Lui fournir des idées qui pourroient n'être pas suivies de tout le succès que je desirerois. Il n'y a que les vrais intérêts de la République qui puissent La guider dans une position aussi délicate; personne ne les connoit mieux que V.A., et le meilleur conseil que je puisse vous donner est celui de puiser dans les constitutions de la République même le parti qu'il Lui convient de prendre pour se tirer de l'embarras dans lequel Elle se trouve. Je souhaite du fond de mon coeur qu'il puisse tourner à la prosperité de l'Etat et à la gloire de V.A. La part que j'y prendrai sera telle qu'Elle peut l'attendre de l'amitié sincère et inviolable avec laquelle je suis.... etc. | |
[pagina 381]
| |
Votre lettre je vous l'avoue ma chere enfant m'a fort embarassé, et je ne sais pas trop en vérité que vous répondre. Si cependant vous voulez qu'entre nous je vous dise ce que j'en pense, c'est que vous en avez trop fait pour les Anglois. Vous leur permettez de piller vos vaisseaux selon leur bon plaisir. Les François ont cru qu'ils pouvoient prendre sur vous le même ton d'autorité que s'arrogent les Anglois, et vous en sentez maintenant les Inconvénients. Si vous voulez savoir absolument ce que j'en pense, c'est qu'il faut plus respecter votre République que vos voisins, et ne montrer de prédilection ni pour les Anglois ni pour les François, ne point se rendre l'esclave, mais demeurer l'ami de l'une et de l'autre de ces puissances, et de vous faire respecter sur mer par votre flotte. Prenez tout ceci comme à peu près seroit l'avis d'un député de Gröningue. Je suis sûr que le Stadthouder qui connoit mieux que moi les intérêts de la République, saura prendre le parti le plus convenable. Il ne me reste qu'à souhaiter qu'il réussisse selon ses souhaits, et de vous assurer de la plus sincère tendresse avec laquelle je suis.... etc. | |
Aan de Prinses. - Breslau, 7 Mars 1779.- Je vous avoue qu'on a trouvé trop de condescendance, même une sorte de prédilection de L.H.P. envers l'Angleterre. Cela a fait croire aux François que vous joindriez votre flotte à celle de leur ennemi, et pour vous empêcher de vous livrer entièrement à Sa Majesté Britannique, ils vous ont fait une déclaration un peu forte. Les Autrichiens out trempés dans cette affaire. Ils voudroient volontiers que la France entreprit une guerre de terre firme, mais ils n'y réussiront pas. Pourquoi donc est-ce que je vous ai conseillé de vous en tenir à une exacte neutralité? pourquoi suis-je du sentiment que vous devez éviter toute rupture maintenant? parce que je crois, si vous mettez la France de mauvaise humeur, que nous voyons renouveller des evenements semblables à ceux de l'année 1672; parce que vous n'avez ni une flotte assez formidable, ni de Troupes de terre en assez grand nombre pour résister à une grande puissance, enfin parce que vous avez ni alliés ni de secours à espérer. Tenez, si j'étois député de Leyde ou de Rotterdam, je ne tiendrois pas un différent langage.... | |
Aan de Prinses. - Breslau ce 14 Mars 1779.- Ma chère Nièce. Je vous annonce aujourd'hui ma chère enfant que l'on est en pleine négociation pour la paix. La suspension d'armes a même été publiée: ainsi toutes les probabilités sont pour la paix. J'espère que les petits nuages qui out donné de l'inquiétude à la République se disperseront également, et qu'en convoyant et garantissant votre flotte marchande contre le despotisme de ceux qui veulent s'ériger en Tyrans de l'Empire de Neptune, vous pouvez tranquilement couler vos jours, soit à la Haye, soit à Loo, soit à Sousdick, ou en quel lieu vous le voudrez. Je suis ici à barbouiller du papier, à mettre du noir sur le blanc, cela n'a point de fin. Aussi dans cette soi-disante guerre que nous avons fait, y a-t-il une depense bien plus considérable en encre qu'en poudre, et plus de plumes d'usées, | |
[pagina 382]
| |
que de fusils, d'épées et de canons. Je vous prie de me pardonner que je ne vous en dis pas d'avantage. La multitude d'affaires différentes absorbe mes moments. C'est en vous embrassant.... etc. | |
Aan de Prinses. - Breslau 22 Mars 1779.- Je suis de l'avis que vous n'avez rien à craindre pour vos possessions, mais qu'il ne s'agit que d'assurer votre Marine marchande par des convois qui empechent les Anglois de vous traiter comme des Esclaves, et qui en adoucissant les François laissent jouïr vos marchands des immunités que ce commerce leur a valu. Si la France vous en vouloit sérieusement j'ose vous dire qu'il seroit trop tard de faire une augmentation dans les Troupes, et que si même les Etats y consentiroient, il vous seroit maintenant impossible d'assembler ce nombre d'hommesGa naar voetnoot1) parceque tout le monde est en guerre, et que tant de Troupes allemandes sont en Amérique. Ne prenez pas mauvais que je n'entre pas plus avant en matière. Je suis dans le fond d'une négociation épineuse qui exige toute mon attention. Je suis.... etc. | |
Aan de Prinses. - Breslau 14 Avril 1779.- Quant à ce qui regarde vos affaires d'Hollande, j'ose vous dire que je ne prévois aucun danger ni pour la République ni pour ses possessions, mais beaucoup de hazards pour votre flotte marchande, si vous ne la garantissez pas par de bonnes escortes, et puisque vous voulez que je vous parlerai avec toute la franchise d'un vieil oncle, j'y ajouterai que dans tout Gouvernement Républicain qui se trouve dans des circonstances où la Hollande est maintenant, il convient au Stadthouder, pour menager son autorité, d'user plutôt d'adresse que d'autorité. L'on cole les voiles durant la tempête, on ne risque pas de les voir dechirées par l'impetuosité de Borée et des aquilons, pour s'en servir lorsque la bourasque est passée et que les vents deviennent plus favorables à la navigation. L'intérêt est l'âme d'une République marchande. Vos grandes villes commerçantes ne veulent pas perdre les avantages considérables qu'ils tirent de leur négoce, et comme leurs vaisseaux transportent plus dans les ports de France que dans ceux des Anglois, ils ne veulent pas que le Caprice et le despotisme Anglois les dépouille de leur commerce, sur lequel les Anglois n'ont aucun droit. Un Stadthouder doit donc les protéger, et ne pas plier sous l'arrogante fierté d'un ambassadeur de ces Insulaires, qui prétendent à la Haye même donner des ordres à la République, de se laisser dépouiller par des pirates de la Manche; et quant à ce qui s'est passé de la part de l'Ambassadeur de France, vous pouvez compter qu'il en a agi ainsi dans la supposition que le Stadthouder et votre gouvernement étoient entièrement assujettis et domptés par le frein que les Anglois vous avoient imposés; il faut les détromper sur cet article, et les François ne vous traverseront plus. Voilà ma chere enfant tout ce que je puis vous dire sur ce sujet. Vous pouvez | |
[pagina 383]
| |
compter que votre Grefier passe pour une âme damnée dévouée à l'Angleterre. Mais je ne me mele pas de tout cela, je n'écris qu'à vous et pour vous. Adieu ma chere enfant, je suis.... etc. | |
Aan de Prinses. - Berlin 31 May 1779.- Les François croyent que votre Grefier est un aveugle partisan de l'Angleterre et qu'il entraine le Stadthouder, c'est ce qui les irrite, et vous devez les détromper de ce préjugé, pour empêcher que cette puissance ne soulève la ville d'Amsterdam et ne se serve de ses partisans pour restreindre en des bornes étroites le pouvoir et l'influence du Stadthouder. Car voilà le seul risque que vous avez à courir dans toute cette affaire. Il faut donc mettre non seulement toute l'adresse possible dans votre conduite, mais en même temps user de la plus grande modération pour ne pas gâter vos affaires par votre propre faute, et pour cet effet favoriser les François dans des bagatelles, comme de bien approvisionner votre ile de St. Eustache, pour leur rendre de là les comestibles dont ils peuvent avoir besoin en Amérique, ne point heurter de front la ville d'Amsterdam, et de louvoyer tandis que le vent est contraire à l'autorité du Stadthouder, pour regagner dans des tems plus favorables, ce que votre complaisance vous a fait perdre dans ceux-ci. Vous savez ma chère enfant que je n'ai d'autre intérêt que le vôtre dans toute cette affaire. Je vous articule donc mes pensées tout uniment parce que je crois que le parti que je vous propose, est le plus seur pour vous. Cela n'empêchera pas que vous n'ayez encore quelque boutade à essuyer soit de la part de la France soit de l'Angleterre, auxquelles il ne faut opposer que le flegme hollandois, et la patience. A présent examinons les suites de tout ceci. Quelque tournure qu'ait la fin de cette guerre, il en résultera toujours que l'Angleterre sera épuisée pour longues années et hors d'etat de se meler des affaires du Continent; ainsi quelques services que vous pourriez leur rendre maintenant, ce seroit toujours à pure perte pour la Hollande, parce que l'Angleterre ne sera pas en état de vous les rendre, et qu'elle sera toujours la rivale de votre marine et de votre commerce. En revanche si vous menagez la France, vous y gagnez les avantages dont votre commerce a jouï avec cette nation, et vous conservez la République dans son assiette présente, sans que vous ayez à craindre que les intrigues françoises sappent et minent les prérogatives du Stadthouderat que les Anglois ne vous feront pas recuperer, si la France vous les fait perdre. Ces différentes considérations ma chère enfant méritent d'être mûrement réfléchies, et je crois qu'elles seront peut être approuvées de tous ceux qui ont garantis leurs esprits des préjugés et des préventions. Je n'en ai point, j'examine votre situation avec sang froid et selon les notions qui m'en sont parvenuës. Je n'ai à toutes ces affaires aucun intérêt que le vôtre, celui du Stadthouder et de sa famille, ainsi je vous dis franchement ce que je pense et ce que je crois d'intéressant à votre Conservation, à votre bien et à votre gloire. Je ne me mêle point des affaires d'autrui, les miennes me donnent assez d'occupation, et je vous écris ceci comme je vous parlerois dans votre Conseil si j'étois deputé d'une | |
[pagina 384]
| |
de vos provinces Pour peu que cela vous ennuye, vous n'avez ma chère Enfant qu'à déchirer ma lettre et la jetter au feu.... Federic. |
|