Brieven 1888-1961
(1997)–Alexander Cohen– Auteursrechtelijk beschermd
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Aan Kaya Batutaant.Djocdjacarta, 8 mars '05 (chez Waldkötter, où j'habite)
Kaya chérie,
Il y à 3 jours, a Sourabaya- où je débarquais, de retour de Lombok,- j'ai reçu ta lettre de Port-Saïd, datée: 28 janvier, avec tes deux petits dessins. - Tout comme j'avais eu ton télégramme au moment de m'embarquer pour Bali, j'ai eu ta lettre des mon retour a Java - Deux agréables émotions. - Ta lettre de Port-Saïd m'a fait grande joie et je compte bien trouver a Garout, pour où je pars demain ou après, une ou deux lettres de toi datées de Paris. - Entre Padang et Port-Saïd tu ne m'as donc pas écrit, que je n'aie reçu rien d'autre de toi Quant à moi j'ai mené, depuis ton départ, une existence très mouvementée. Peu ou pas d'arrêts: Batavia, Garout, Gombong, Djocdja, Solo, Sourabaya, Passourouan, Tosari, Bromo, Passourouan, Banyouwanghi, Djembrana, Banyouwanghi, Boelèleng (excursions à l'intérieur de Bali), Lombok (excursions), Sourabaya, Djocdja, Semarang... Demain ou vendredi départ pour Garout où je me propose de rester jusqu'au 16 ou 17 mars pour le 22 mars, a Batavia, m'embarquer a destination de Marseille. Si tout va bien, je serai à Paris le 18 avril. Des mon arrivée a Marseille je te télégraphierai chez ta mère. Dis-lui que si elle reçoit une dépêche le 17 ou le 18 avril, elle te fasse prévenir tout de suite. Hier, j'ai eu une petite émotion - rien de tragique. Un peu solennel, plutôt. J'étais allé a Semarang pour voir a m'entendre avec le directeur d'un journal pour la fourniture de correspondances parisiennes. (Rien de fait, je crains. Aurai sous peu une réponse définitive.)Ga naar eindnoot1 Il me restait une bonne heure avant le départ du train pour Djocdja et j'en profitai pour me faire conduire à la forteresse hors la ville où j'ai passé 2 1/2 années de mon existence.Ga naar eindnoot2 Rien de changé à l'aspect extérieur de l'endroit: enduit d'un noir lugubre, - du noir mat, - murs d'une épaisseur énorme, les cavités profondes des fenêtres passées à la chaux, le fossé rempli d'herbes, portes lourdes, barres de fer à toutes les fenêtres... J'y suis entré sous le prétexte de vouloir visiter le magasin d'habillement de la garnison. Tu penses si je m'en foutais de leur magasin d'habillements militaires. (La forteresse a cessé, depuis q.q. années, d'être un lieu de | |
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détention et on l'utilise comme magasin). Le bonhomme qui m'a ‘conduit’, un capitaine d'habillement, n'était la que depuis deux ans et connaissait a peine la maison. Moi, dans mon désir de tout revoir - et aussi un peu dans mon émotion - je le devangais tout le temps, lui demandant si a tel endroit il n'y avait pas eu, naguère, telle chose, telle installation. Mes questions l'abrutissaient positivement et je suis sur de survivre dans sa mémoire de capitaine d'habillement, comme un monsieur doué d'une profonde connaissance de l'art des fortifications militaires. J'ai beaucoup regretté de n'avoir pas mon appareil photographique avec moi. J'aurai tant voulu avoir un ‘kiekje’ de eet enfer, de ce ci-devant enfer. Mais ils m'auraient pris pour unjaponais. (Lesjaponais sont leur cauchemar).Ga naar eindnoot3 J'ai tout revu: les sous-sols où, jadis, étaient les cachots; le porche où quotidiennement se distribuaient les punitions; la cour intérieure où, tous les matins a six heures, se réunissait le troupeau des prisonniers avant d'aller au travail; les chambrées où, agrémenté de l'inséparable boulet de fer, je passai mes heures de loisir et de sommeil; le marais où les autres -moi j'ai toujours refusé- coupaient de l'herbe pour le cheval du commandant; l'emplacement devant la cuisine - la cuisine a disparu - où je fendais du bois, le boulet au pied, le haut du corps nu - et où j'étais content de fendre du bois, indiciblement content, par horreur de l'atelier de couture que j'exécrais. Impossible de monter sur le toit d'où, de juin 1884 a décembre 1886, tous les soirs, je regardais la mer-la liberté. Pas une seule fois je n'y ai manqué - lorsque je n'étais pas au cachot - beau temps, pluie, tempête, déluge, avec le boulet, sans, - les autres n'y allaient pas munis du boulet. Et pour la iooiièmc fois j'ai regretté, chérie, de ne pas t'avoir la, a côté de moi, bien que ce ne fut pas joli joli. - En arrivant ici, a Djocdja, j'ai trouvé à la gare Waldkötter - que j'avais prévenu par dépêche. -11 m'a invité a habiter chez eux - sa femme est de retour - durant mon court séjour a Djocdja. J'en suis bien content, car W. est très sympathique, sa femme est agréable et moi je ne suis pas obligé d'habiter à l'hotel où, depuis le départ de Mme Schafflein et ses enfants, iln'y a plus rien d'attrayant. J'ai pris beaucoup de photos a Bali et a Lombok, et, parmi, de très belles. Je te montrerai ga à Paris. Pour cette fois, contente-toi de la photographie ci-close: cela se passé a Narmada (Lombok) dans l'ancien séjour du ci-devant radja (prince). Chérie, je compte bien trouver un nid en arrivant à Paris.Ga naar eindnoot4 Car il me faudra me mettre au travail sans retard. Je ne rapporte pas beaucoup | |
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d'argent, comme bien tu penses, et mes travaux pour le gouvernement devront donc être terminés au plus vite.Ga naar eindnoot5 Mais il est certain que tu auras trouvé q.q. chose et même q.q. chose de joli comme logement. Je termine ma lettre, sans quoi elle ne partirait plus aujourd'hui. A bientôt, chérie, q.q. six semaines encore. Amitiés à tout le monde et tous les baisers de mon coeur pour toi.
Ton Sandro.
J'ai reçu à Ampenan (Lombok) une lettre des Bastié, datée de juillet 1904. Une autre des Kuku, et une de Lasvignes. Bien des choses à ta mère qui, semble-t-il (à en croire la lettre de Kees), à pris au sérieux l'affaire du tigre. Amusant. |
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