Brieven 1888-1961
(1997)–Alexander Cohen– Auteursrechtelijk beschermd
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Aan Kaya Batutaant.London n.w., 20 septembre 1895. 127 Ossulston Street, Euston Road.
Ma petite Kaya chérie,
Tu m'as encore joué un de tes petits tours: Dans ma dernière lettre je t'avais demandé de me télégraphier, si, pour une raison quelconque, tu ne venais pas aujourd'hui, vendredi. N'ayant rien reçu, je me suis rendu ce matin à la gare Victoria... pour le roi de Prusse, naturellement. Mais je n'ai pas été fâché contre toi, car, à vrai dire, je n'avais pas trop tendu l'arc de mon espérance. Je te connais trop bien maintenant pour me faire des illusions sur ton exactitude. Comme tu m'as peiné avec ta lettre d'avant-hier (que j'ai reçue vers neuf heures ½, du soir). T'attrister à un tel point... pour un mauvais rêve. Cela me fait penser à un beau dicton espagnolGa naar eindnoot1: ‘Toda la vida es sueno
Y los suenos sueno son.’
(Toute la vie est un rêve
Et les rêves un rêve sont)
Pas gai, le rêve, ou si rarement. Inutile donc d'en faire d'autres, plus douloureux encore. Mais mon coeur et ses interprètes: yeux et lèvres effaceront tes petites chagrins. Ci-clos encore 12.50 frs que je viens d'emprunter. Maintenant, ne tarde plus et viens. Je t'aurais envoyé eet argent plus tôt... si seulement je l'avais eu. J'écris celle-ci chez Bernard qui n'est de retour que depuis hier soir et qu'aussitôt je suis allé ‘taper’ afin de te faire venir à Londres plus vite. Je voulais te dire de partir demain (samedi) soir. Mais c'est impossible, ou presque, d'arriver à temps à la gare Victoria, un dimanche. Il n'y a pas de trains avant 9 ou dix heures, et d'omnibus pas davantage. Je ne saurais donc pas comment me trouver la, à 7.50 h. du matin (8 heures) pour l'arrivée du train de Newhaven. Donc, quoique cela me fasse attendre un jour encore, pars plutót dimanche soir pour être ici lundi matin. Mais cette fois-ci, je te prie de me prévenir, télégraphiquement de ton arrivée. Ne télégraphie pas plus tard que 3 ou quatre heures de l'après-midi de Paris, pour que ta dépêche me parvienne à temps. Pense que c'est diman- | |
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che! Et tu sais ce que cela veut dire en ce vertueux pays. Et ne te fais plus de mauvais sang: ni pour les 44 cotelettes ni pour les morues, ni pour la robe de ta mère. Qu'elle aille au diable! La robe... bien entendu. Laisse ton estimable beau-père ton beau-père, et sa valise sa valise. Et viens!!! - Une fois prés de moi, tu me diras tout ce que tu as sur ton petit coeur. Si je crois que tu m'aimes? Quelle question! Veux-tu que je te dise? Tu es une petite b-ê-t-e, héte! N'est-ce pas que c'est vrai? You silly little thing. I am very, very cross with you, and if you say such things again, I shall not longer be your Sandertje. What's the matter with you now? Don't you know, and perfectly well, too, that I love you more than anything and anybody in the world. More than myself even, much more, and that I would gladly die with you when ever you like, at any time! But for you, I should have done with myself long ago. For your saké alone I bear life's crushing burden. And you ask me to believe in your love. You naughty, naughty girl! How shall I punish you? - Viens vite maintenant! J'ai hate de regarder dans l'insondable profondeur de tes yeux. J'ai besoin de baisers, petite mère...
Ton Sandre. Amitiés à Félix. Bernard et femme saluent, tout comme Helen et Olive. (N'oublie pas de me télégraphier).
Chérie: Je n'ai pas pu me procurer fr. 12.50 en bons de poste et pas de timbres français non plus. Peut-être Félix voudra-t-il te les prendre. Sans cela tu pourras sans doute les vendre: coin rue Richelieu et boulevard, en face de la rue Drouot. Il y a là un changeur qui vend des timbres anglais. Mille baisers de ton S. |
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