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Marie.
1.
En Zélande, un homme, naguère,
Possédait un enfant charmant,
Une jeune fille bien chère,
Que chacun aimait tendrement.
Pour ce trésor, comme on le pense,
Le père était tout plein d'amour;
Car cette enfant, par sa naissance,
Que de fois il serrait Marie,
Avec un sentiment profond,
Et, l'oeil en pleurs, l'âme attendrie,
De baisers inondait son front!
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‘Ma fille, tu n'as plus de mère!’
Lui disait-il, avec douleur.
‘- Si! répondait-elle, mon père;
Dans les cieux, auprès du Seigneur!’
‘Là, m'avez-vous dit, est ma mère!.....
Mais pourquoi s'éloigner de nous?
Pourquoi nous quitter sur la terre?
Elle m'aimait done moins que vous!....’
Muet et cachant ses alarmes,
Le père embrassait son enfant,
Tandis que d'abondantes larmes
Couvraient son visage brûlant.
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2.
En peu de temps grandit Marie:
Elle était l'honneur du pays;
Tous les pères l'auraient choisie
Pour la compagne de leur fils.
Qu'elle était belle cette fille!
Quel accord d'attraits ingénus!
Qu'elle était affable et gentille!
Que d'esprit! et que de vertus!
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Sa douceur nous peignait la lune
Qui, sortant des flots azurés,
Vient, le soir, sur la blanche dune,
Refléter ses feux tempérés.
Ses beaux yeux bruns, plus doux encore,
Etaient tendres et langoureux;
Son souris rappelait l'aurore
Qui le matin ouvre les cieux!
Au sein d'une jeunesse aimable,
Mêlait-elle ses pas joyeux;
Son nom, imprimé sur le sable,
De tout côté frappait ses yeux.
Point de jeune homme qui, près d'elle,
Ne fut ravi de ses attraits,
Qui ne la tint pour la plus belle,
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3.
Sur la côte de la Zélande,
Se trouve, non loin des brisans,
Un poisson, dont la chair friande
Flatte le goût dès habitans.
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Quand Zéphyr, sur l'humide plaine,
Se joue avec les flots mouvans,
Et raffraîchit, de son haleine,
Le laboureur au sein des champs;
Alors, la folâtre jeunesse,
La bêche et la charrue en main,
Dans le sable, avec allégresse,
Enfonce le tranchant airain.
Sur sa trace, le plus habile
S'apprête à saisir le poisson,
Et bien souvent un doigt agile
Plonge trop tard dans le sillon.
Dans l'entre-temps, on saute, on danse,
A travers les flots écumeux,
Tandis que l'onde, qui s'élance,
Asperge la bouche et les yeux.
Un jeune homme enlève une belle,
Et la porte au milieu des eaux;
Elle crie et fait la rebelle:
C'est en vain! elle est dans les flots!
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4.
L'air était pur et sans nuage.
Une élite de jeunes gens,
Joyeuse, marchait vers la plage,
Aux accords de refrains bruyans.
A la fête assistait Marie.
Auprès d'elle chaque garçon,
Orgueilleux, et l'âme ravie,
Oubliait charrue et poisson.
L'un d'eux, qui savait mieux lui plaire,
A son côté restait toujours;
Elle, naïve et sans mystère,
Ecoutait ses tendres discours.
Il prend sa douce main qu'il presse,
Vole un baiser rapidement,
Et joue avec la brune tresse
Qui flotte sur son cou charmant.
Libre du bras qui l'a saisie:
‘Méchant, dit-elle; va-t-en! cours
Tourmenter d'autres que Marie;
Car tu me tourmentes toujours.’
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‘Va plus loin avec ta folie;
Laisse-moi, te dis-je, en repos.’
- ‘Un baiser! un seul, je t'en prie;
Ou je te porte dans les flots.’
Elle se rit de la menace,
Et s'éloigne, en pressant le pas.
Lui, vole, en riant, sur sa trace,
Et l'entoure de ses deux bras.
Alors la jeunesse s'écrie:
‘Marie à la mer! à la mer!’
Et, du sol enlevant Marie,
Tous deux gagnent le flot amer!
Heureux du fardeau qu'il embrasse,
Et qu'il porte plein de vigueur,
Son bras plus fortement l'enlace,
En la serrant contre son coeur.
L'aimable fille en vain supplie.
Il s'avance tant que les eaux
Etouffant la voix de Marie,
A peine entend-il quelques mots!
Enfin, son imprudent courage
S'était aventuré si fort,
Qu'avec effroi, sur le rivage,
On lui criait: ‘gagnez le bord!’
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Il revient!..... mais, comme immobile,
Etreignant cet objet chéri:
‘Au secours!... Marie!....’ Il vacille;
Et Marie, à son tour, jette un cri:
‘Au secours! grand Dieu!..... je m'abîme!’
La vague s'ouvre en tournoyant;
Et la jeune et tendre victime,
Avec lui s'enfonce en criant!
Elle s'enfonce!.... Hélas! sa tête,
Vers la côte où chacun pâlit,
Se tourne encore, mais muette,
Et dans les ondes s'engloutit!
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5.
La stupeur règne sur la plage.
Pas un seul mot! pas un soupir!
Mais les pleurs s'ouvrent un passage,
Et comme un torrent vont jaillir.
‘Marie est morte! est-il possible?
Marie a péri dans la mer!’
Et partout la dune sensible
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Le bruit de la triste aventure
Dans la ville fut répandu,
Et jusqu'à l'âme la plus dure,
Tout le monde en fut abattu.
La foule, marchant en silence,
Souvent se tournait vers la mer;
Les pleurs coulaient en abondance;
Nul son de voix ne frappait l'air.
La lune se leva brillante,
Et, de son éclat, vint blanchir
La tombe glacée et mouvante
Qui reçut leur dernier soupir.
Le vent troubla l'onde azurée;
Les vagues heurtèrent le bord;
Et bientôt toute la contrée
Frèmit au récit de leur mort!
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