La première lecture de L'oiseau Bleu
Je crois bien que j'ai été le premier à lire, et à entendre lire, cette merveilleuse féerie de l'Oiseau Bleu.
C'était, - que d'années déjà! - aux Quatre Chemins, entre Cannes et Grasse, dans le ‘mas’ dont Maeterlinck avait fait à cette époque sa résidence d'hiver.
Nous avions été par la montagne tout le jour; nous avions déjeuné dans une de ces délicieuses auberges de campagne, que les touristes devaient ignorer longtemps encore, un de ces endroits de générosité et d'abondance qui ont fait appeler la France le pays du bon Dieu. Nous revenions heureux et un peu las et, comme plus personne n'avait envie de bouger, Maeterlinck me proposa:
- Eh bien, veux-tu, pour finir la soirée, que je te lise quelques passages de l'Oiseau Bleu, si ça ne t'embête (sic) pas trop? On conçoit mon enthousiaste désir! Nous étions trois: Madame Georgette Leblanc, mon ami et moi, assis sous une espèce de véranda, auprès d'une lampe, dans la douceur de la nuit étoilée et le parfum nocturne des fleurs invisibles.
- Tu sais, c'est une scie; si ça t'embête... to n'as qu'à faire un signe, nous irons fumer une pipe au jardin, répéta mon ami en prenant ses cahiers. Mais Georgette dit d'un ton décidé:
- C'est une merveille. C'est la chose la plus belle qu'il ait écrite. Tu verras...
Nous nous installâmes et Maeterlinck se mit à lire. Il a la voix sourde, parfois, dirait-on, lointaine. Il fallait écouter et suivre avec attention; mais, précisément, ce côté un peu vague de sa diction, concordait admirablement avec cette merveilleuse chose de féerie et de rêve qu'il évoquait devant nous. On entrait avec une douceur imperceptible dans le domaine de l'enchantement, du surnaturel, de l'inconnu et du mystère. Cela se fondait dans l'ambiance extérieure, dans le scintille-