Cela m'a fait bien du plaisir, mercredi à 5 heures, de te voir assise devant la fenêtre. Je revenais de la dernière séance de la Réunion. M. Mounier dans son discours de clôture (long de plusieurs kilomètres) a fait une allusion pleine de bonne grâce et de bienveillance à mon impertinent assaut contre sa sincérité. Les quelques paroles qu'il m'a dites lui ont concilié l'estime de tout le monde et la mienne en même temps. Les députés, j'en suis sûr, ont emporté de ma personne l'impression la plus désagréable. Ils ont bien raison. Plus que jamais je suis convaincu de mon peu d'aptitude à faire partie d'un collège ecclésiastique quelconque. Heureusement ç'a été la dernière fois que j'ai scandalisé le sanhédrin Wallon; cela n'arrivera plus; mon absence même le rendra impossible.
Pas de nouvelles de Londres. Si j'échoue de ce côté-là, ce sera une raison de plus de prendre ma démission, Qu'en penserais-tu si je demandais la place de suffragant à Leyde? Luti ne restera pas éternellement candidat, et cela m'irait assez bien de prêcher dans une ville académique une vingtaine de fois par an. Le traitement est de f 800.
Trois fois, hier, à 3½, à 6 et 7½ heures, j'ai passé devant ta porte, regardant en haut, mais sans t'apercevoir. C'était fort naturel, et pourtant j'en ai été affligé...
Adieu, ma bien chère enfant. Je n'ose presque plus regarder ton portrait. C'est trop ressemblant; cela me fait tomber dans d'interminables rêveries. Cependant je vais essayer pour la dernière fois si je puis supporter ton regard. Je te renvoie avec ceci, purement pour la frime, le manuscrit des critiques destinées au Gids et dont j'ai reçu ce matin les épreuves. - A dimanche soir,
Vendredi après-midi.
Ton tout affectionné.
[1857]