Brieven. Deel 1. 1847-1876
(1890)–Cd. Busken Huet– Auteursrecht onbekendAan dezelfde, te Chaumont (Haute-Marne).Dimanche, dix heures. - Je viens de chez Made S. où j'ai pris le thé au jardin. Nous avons parlé de nos voyageusesGa naar voetnoot1, nous disant qu'elles avaient choisi une belle chaleur pour faire le trajet de Bruxelles à Paris. As-tu souffert pendant le voyage? Les douaniers t'ont-ils laissée tranquille? Ont-ils pris inspection de mon portrait? en ont-ils souri? J'ai appris la petite bêtise que tu as faite en prenant pour toi-même un billet pour Anvers, et pour tes bagages un billet pour Rotterdam. Si tu continues sur ce pied tu auras à nous raconter, à ton retour, de charmantes scènes. Mais quoi? à tout péché miséricorde; je te donne dès à présent l'absolution. J'ai prêché ce matin avec peu de plaisir. La chaleur était excessive et l'auditoire très peu nombreux: deux éteignoirs pour un. Cependant, dans les passages où j'ai pensé à toi, j'ai eu un peu de verve. Ayant à parler de l'avenir, ‘l'avenir, ai-je dit, appartient à Dieu; nous ignorons ce que l'avenir nous apportera: si ce sera le soulagement ou la prolongation de nos maux; l'avenir | |
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est un mur contre lequel notre volonté se brise, pourquoi ne pas franchir ou tourner ce mur? à cause du Devoir, sans lui le bonheur serait au plus audacieux; il ne s'agirait que d'oser et de passer outre; mais nous savons d'avance que nos plus grands succès, s'il fallait les acheter au prix du devoir, nous causeraient seulement de nouveaux regrets et un nouveau dégoût.’ Ne trouves tu pas que cela ressemble comme deux gouttes d'eau à l'état dans lequel nous sommes? Après le sermon il y a eu consistoire. J'ai eu tort d'être inquiet; je n'aurais pas même eu besoin d'être curieux. Il ne s'est rien passé de désagréable. Ce ne paraît pas être V..., mais plutôt M... qui a eu l'idée de cette convocation mystérieuse. Du moins V... comme l'aîné des membres actuels du Consistoire a simplement exprimé le désir qu'il fût couché dans les Actes que lui et les autres avaient pris connaissance de mes Vragen en Antwoorden et cela ‘avec un grand intérêt.’ La clef de l'affaire, c'est que les anciens ne veulent pas qu'on puisse dire d'eux, gardiens de la saine doctrine, qu'ils ont laissé passer un pareil phénomène. Cet après-midi, vers trois heures, j'ai eu la visite de ton frère Pierre qui le matin à l'église, avait appris du jeune G. son voisin, qu'on tramait un petit complot contre moi, ce dont il venait m'avertir. J'étais heureux de pouvoir le rassurer; mais en même temps cette petite marque d'affection de sa part me faisait beaucoup de plaisir. Madame X m'a fait inviter à aller prendre le thé, ce soir, avec elle, son mari et B. à Velserent. J'ai refusé, ne me souciant en aucune manière de me montrer en public, attaché avec mon ami B. au char de triomphe | |
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de Mad. X. Il n'est pas bon de trop encourager la vanité des gens, car tu ne sais peut-être pas que cette excellente personne aime assez à faire parade de l'amitié que nous témoignons pour elle, B. et moi. Je suis curieux de voir la mine qu'elle fera quand je lui dirai un de ces jours le motif de mon refus. J'ai lu, hier et cet après-midi, quelques chapitres des Mariages de Paris.Ga naar voetnoot1 Ce sont de folles intrigues et les récits sont généralement peu profonds. Mais le style est charmant et m'a princièrement amusé. Seulement, je ne comprends pas que le père de ton élève puisse avoir placé lui-même un pareil livre entre les mains de sa fille. Enfin, il faut que tout le monde apprenne à user du monde comme n'en usant point. Demain, je continue cette lettre. De la nomination de la HayeGa naar voetnoot2, point de nouvelles.
Lundi soir, dix heures. - Ce que c'est que les distractions du dimanche! Ne voilà-t-il pas que j'ai complètement oublié, sur hier, de te raconter comment j'ai passé ma matinée de samedi? Eh bien donc, je me suis levé à sept heures; à dix heures et demie j'avais fini, ou à peu près, les deux premières pages de mon sermon. Me confiant alors en mon étoile, je suis sorti et me suis rendu au boulevard, dans l'espoir de te voir quand tu passerais dans le train. Mais quelques précautions que j'aie prises (je me suis posté près de la barrière dans le voisinage du joli petit pont qui joint le singel | |
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au boulevard, tu sais?) je n'ai pu découvrir ta figure; les voitures passaient trop vite, et tout était loin quand je regardais encore. Mon étoile m'avait trompé; et pourtant je ne me repentais pas d'avoir au moins essayé d'attraper un dernier regard de ma petite Agar. Quand reviendras-tu? Abraham t'attend. Le temps, aujourd'hui a presque totalement changé. Nous avons eu cette nuit une grosse pluie et l'air est assez vif maintenant. Cet après-midi j'ai fait quatre ou cinq visites, en partie infructueuses, n'importe. Après j'ai été à Bloemendaal. On m'avait invité à diner chez Mad. B. Comme toujours DientjeGa naar voetnoot1 a été très-aimable avec moi. Nous n'avons pas beaucoup causé, il y avait trop de monde. Cependant nous avons pu faire, à nous deux, un petit tour dans le jardin; la conversation, comme d'ordinaire, n'a guère roulé que sur des sujets religieux. J'aimerais bien que tu la connusses; elle partage complètement nos idées. Rarement j'ai rencontré une pareille indépendance d'esprit, réunie à tant de bonté et de bienveillance. Je désire que tu trouves cette lettre en arrivant à Chaumont. C'est pourquoi je m'arrête ici. Demain matin la lettre sera mise à la poste, et je commencerai une autre, que tu ne recevras, o ma paresseuse, que lorsque j'aurai eu de tes nouvelles. Je déteste les correspondances qui menaceraient de dégénérer en monologues, le dialogue m'a toujours paru d'un charme particulier. Dès à présent je m'enveloppe donc dans un grand et profond silence. | |
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Grand et profond est le silence que continue de garder le consistoire de la Haye. En revanche, j'ai trouvé tantôt sur ma table, en rentrant, une lettre de mon frère aîné. Il a l'obligeance de m'envoyer depuis Soerabaya une lettre de change du montant de f 500. Cinq cents florins! cela va me remettre à flot pour un bon bout de temps. Malheureusement il y a tant de choses à payer et à amortir, intérêts et capital, qu'avant le 13 Juillet à ce que je présume, mes cinq cents florins auront fait la route de toute chair. Adieu, ma chère enfant. Bien des choses à Sophie S. Tu peux m'embrasser en effigie, ayant mon portrait chez toi; moi je ne peux t'embrasser qu'en ideé, et jamais je ne m'en consolerai. Ton bien affectionné. [1857] |
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