Gedichten
(1861)–Pieter Joost de Borchgrave– Auteursrechtvrij
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V.
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Muse, je t'aperçois muette, gémissante:
Pourquoi ce front chagrin, cette main défaillante?
Je t'implore, réponds. - ‘o regrèts superflus!
Hélas! Borchgrave est mort! notre Barde n'est plus!’
L'Urne fatale en main, d'une voix expirante,
Elle veut me parler: mais, sa tète penchante
Retombe sur son sein, sans haleine et sans voix;
Trois fois elle s'essaie, et sa langue trois fois
Dans sa bouche muette, esclave, embarassée,
Veut murmurer ce Nom, et s'arrête glacée.
Puis, de loin me montrant de sa débile main
Son insonore Lyre, appendue à son sein,
Et d'un morne regard: - ‘o Toi, jeune interprête,
Chante, Apollon l'ordonne, Oui, chante son Poëte!
Redis à l'Univers ses Poëmes touchants,
Dans ce jour solennel fais retentir tes Chants.’
J'obéis: jeune encor, plein d'un noble délire,
Aux bords de la Mandel il essaya sa Lyre.
Mais chaste, mais pieux, jamais sa noble voix
N'outragea la Vertu, ne méconnut ses droits.
De ses vers gracieux bannissant la licence,
Jamais il n'alarma la timide innocence;
Exempt d'ambition, ami franc, tendre époux,
Facile, secourable, et bienveillant et doux,
Heureux, et dédaignant et la haine et l'envie,
Il cultiva les Arts, seul charme de sa vie.
Modeste, il méprisa de frivoles grandeurs,
De tous les malheureux soulagea les douleurs;
Et, toujours généreux, apaisa les alarmes
De ceux qui dans son sein versaient de douces larmes.
Thalie, un jour, sourit au Chantre harmonieux;
Aussitôt il parla le langage des Dieux.
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L'amour du Sol natal enflamma son génie,
Et sa Harpe vibra pour sa chère Patrie.
Le Belge, sous un Prince à jamais regretté,
A reconquis enfin l'antique Liberté.
Charles meurtGa naar voetnoot(1): dans un Chant pathétique et sublime
Le Poëte pleura ce Héros magnanime.
O sainte LibertéGa naar voetnoot(2)! premier bien des mortels,
Il redit tes bienfaits, te dressa des autels.
Sur un Roi malheureuxGa naar voetnoot(3), dans des vers pleins de charmes,
Sa Muse en deuil versa de sympathiques larmes.
Mais, il devait chanter le renom des Aieux,
Rendre un tardif hommage à leurs mânes pieux.
o Belgique! par lui, tu ressaisis ta gloire,
Et ton Nom vénéré resplendit dans l'HistoireGa naar voetnoot(4).
Plein d'ardeur il trouva de ravissants accords,
Pour chanter ce TroyenGa naar voetnoot(5), qui parut sur nos bords,
Et qui, le glaive en main, par un pouvoir magique,
Le premier te donna ton vrai Nom: o Belgique!
Dans de nombreux combats aux Muses consacrés,
Tournois, par les Beaux-arts noblement inspirés,
Tu sus, rival heureux des Cygnes d'Ausonie,
Dans tes vers imiter leur grâce et leur génie.
Ypre, Alost, Deynze, Gand, Thielt, Ostende, Roulers,
En couronnant le Chantre, applaudirent tes vers.
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Et, quand la Mort cruelle, en fermant ta paupière,
Au Ciel eut ramené ton âme libre et fière,
Pour honorer ton Art, plus d'un Poëte en pleurs,
Se courba sur ta Tombe, et la joncha de Fleurs.
D'Horace, de Schiller, l'émule et l'interprête,
Tu fus penseur profond, et sublime Poëte.
L'envie en vain voudrait ternir le vert Laurier
Que le Barde partage avec le fier guerrier:
De la postérité recueillant les hommages,
Du Temps tu braveras les impuissants outrages.
De la Belgique, un jour, les fils reconnaissants
A leurs derniers neveux rediront tes accents;
Déjà brille ta place au temple de Mémoire:
- Ton Nom est immortel, - éternelle est ta Gloire!...
Léopold chevr. de Wolff.
.... Offert le 16 juillet 1820. |
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