| |
| |
| |
X
Le roman d'une imperatrice: le Poema Tartaro
Si nous avons parlé à plusieurs reprises du Poema Tartaro et de Gli Animali parlanti comme des deux grands poèmes de Casti, cela n'implique pas une parenté soit sur le plan idéal, soit dans la forme littéraire, entre ces deux ouvrages. Il y a, certes, dans les deux poèmes des parties ou des éléments importants comparables, disons même parallèles, trahissant leur naissance d'un même esprit; et il est facile d'en donner des exemples. D'une manière générale, l'un et l'autre témoigne d'une mentalité volontairement satirique, d'une satire qui se dirige contre la laideur morale de la vie politique prise dans son ensemble, contre les abus des classes sociales dirigeantes, la corruption de la noblesse, la tyrannie et le despotisme. C'est cette mentalité qui, bien avant la parution des Animali parlanti, fit écrire le diplomate-voyageur marquis Cesare Lucchesini, dans une page de son journal (1793) reproduit dans Rassegna Nazionale XXX, 1886, p. 463, au sujet de notre abbé:
‘Pour ce qui est des qualités morales de cet homme, je me contenterai d'indiquer combien il est l'ennemi de tout ordre de Gouvernement, et des Monarques principalement...’
Dans les deux poèmes encore, il y a le voile transparent d'un récit fantastique qui doit servir à cacher la réalité vue et vécue. Et, pour entrer dès maintenant dans quelques détails: l'étrange bal des animaux pendant le dîner à la cour, du chant XV des Animali parlanti, est comme la copie de la sauterie semi-barbare du ch. IV du Poema Tartaro que nous avons déjà rencontrée dans Cublai. L'institution obligatoire du passeport (A.p. XV) nous rappellera les usages vexatoires contre les étrangers en ‘Mogollie’, soit en Russie, du P.T. V. Le manifeste du terrible Renard au moment de déclancher la guerre fratricide, dans A.p. XVIII, ne diffère pas tellement de celui promulgué par Turrachina (Catherine II) à la veille de la guerre contre le Geppano, soit l'Empire Ottoman, dans P.T. VI. Dans A.p. XXIII, comme dans P.T. XII, les deux souveraines ont des visions effarantes qui suscitent en elles du repentir et du remords. La vanité des ordres nobiliaires, mise au pilori dans le ch. X des A.p., est-elle autre chose que l'extension de la raillerie du ch. V du P.T. au sujet de l'ordre du Zodiaque institué par Turrachina? Même le bos- | |
| |
quet des amours des A.p. XII aura une frappante ressemblance avec la tonnelle sentimentale de la Sémiramis mongole du P.T. VIII!
Tout cela, encore, ne prouve pourtant qu'une seule chose: l'homme, le poète qui entre 1779 et - mettons - 1782 lance sa cruelle satire contre le moyen-âge ‘asiatique’ et contre la société dépravée du XVIIIe siècle russe, et tout spécialement contre la barbarie qui, sous la célèbre souveraine, cherchait à se camoufler à l'européenne, continuera, lorsqu'il se met un jour à chanter et à satiriser, dans une société animale antidiluvienne, tout le consortium humain et toutes les institutions humaines, à être au fond le même homme, le même poète. Que ce qu'il vit et vécut dans ses voyages ne fit que confirmer ce que, depuis ses premiers contacts avec le grand monde, il avait porté en lui d'incrédule, de sceptique, de profondément pessimiste aussi à l'égard des oeuvres humaines en matière de politique et de vie sociale - surtout lorsqu'elles se réclament des choses divines ou des principes sublimes.
Mais, pour le reste, combien sont différents ces deux poèmes, tant pour l'inspiration proprement dite, que pour leur structure poétique et leur efficacité artistique! Nous aurons encore à parler amplement des Animali parlanti; limitons-nous pour le moment, autant que possible, à traiter du Poema Tartaro.
Tour à tour, on l'a appelé un poème à clef, un pamphlet, une invective plus ou moins lâche contre une cour qui avait - disait-on - comblé l'auteur de bienfaits, une feinte rimée servant de prétexte à une autre narration libre... Ce que ceux qui l'ont qualifié de l'une ou de l'autre façon n'ont pas su, n'ont pas pu savoir faute de connaissance des documents écrits et de la genèse de l'ouvrage (nous nous en référons au chapitre IV de notre livre), c'est que le Poema Tartaro, de son origine, fut une improvisation, un ensemble de douze novelle selon le mot de Casti lui-même, tout comme les galanti, conçues comme des nouvelles détachées, tenues ensemble seulement par un fil conducteur assez mince, formé par les aventures de ce personnage de fantaisie qui, dans le poème, a nom Tommaso Scardassale. Douze novelle tartare, nées au hasard, et composées, remarquez bien, sur la même stance que les contemporaines ‘nouvelles galantes’, soit l'octave, tandis que les Animali parlanti seront en sixains!
Probablement Casti, à sa première grande composition - si on laisse à part les infortunés Tre Giulii - ne s'est pas suffisamment rendu compte du danger que devait comporter un tel procédé pour l'intérêt continu de l'ensemble, même si chacune des novelle destinées à devenir les douze chants interminables du poème contenait une foule de choses, sinon toutes poétiquement belles, du moins intéressantes, observées avec perspicacité, racontées avec humour. Et certes, il ne se rendait pas encore compte de certaines maximes
| |
| |
qu'il devait énoncer beaucoup plus tard et qui auraient trait, elles aussi, à la dignité du poète. En effet, dans sa propre préface aux Animali parlanti, insérée pour la première fois dans l'édition de Paris-Pise 1821 (par Rosini), il dira:
‘Il faut... faire scrupuleusement abstraction de toute application (de la critique satirique) à un Gouvernement spécial et, dans l'ensemble, de toute censure indirecte, dont l'intérêt ne peut être ni général ni longuement durable’.
Ugoni, qu'on ne peut soupçonner de manque de sympathie pour l'oeuvre de Casti, fait de cette phrase un point de départ pour nier au Poema Tartaro toute importance:
‘Ainsi étant condamnée explicitement, par l'auteur même, une matière personnelle, locale et temporaire, matière non d'un long poème mais tout au plus, à fin de satire, de peu de vers, nous dirons des vers, que facit indignatio versum, qualemcumque potest; du style, d'être vulgaire et négligé; des plaisanteries, d'être insipides’... etc.
Restons-en là, pour le jugement d'un critique assez bien disposé envers l'auteur, mais qui est encore tout imbu du préjugé de son temps, que le ‘laid moral’ est pour la comédie ou pour la satire pure, pour d'autres poèmes seulement dans la mesure où il ‘fait émerger le beau’.
Au fait, qu'est-ce donc que le Poema Tartaro?
Un poème à clef, si l'on veut; ce n'est pas dire grand'chose. Une feinte pour exhaler des racontars scabreux, certainement non. Une invective assurément, mais avec réserve. Si c'est une vendetta, une revanche de Casti, comme le prétend Sindona dans son livret, ctié, sur les Animali parlanti, alors les Animali parlanti, à leur tour, sont une vendetta. Le Poema Tartaro, contre une cour qui l'avait tourmenté et berné; les Animali parlanti, contre un ordre entier, politique et social, qui permet à l'arbitraire de quelques-uns, rois, ministres ou comités révolutionnaires, de fouler aux pieds tout droit humain. Le premier poème est pourtant, au moins en partie (c'est un grief auquel nous nous associons, et nous en avons fait une réserve dans le ‘Bilan provisoire’ de notre chap. VII!) la vendetta personnelle, privée du poète; le second en est une, plus ample, au nom de l'humanité offensée et bafouée, et exécutée avec des moyens tels qu'elle fût à la portée de tous. Autant dire que, sur le plan idéal, les Animali parlanti seront le complément en troisième dimension du Poema Tartaro, et en auront, pour ainsi dire, le cube des qualités satiriques. Ou bien: que le Tartaro souffre précisément du manque de cette validité universelle, qui peut faire des grands poèmes les monuments de la conscience des hommes. Quelques-uns ont remarqué que ‘presque personne ne le lit plus’. Du point de vue de l'art, peut-être pas sans quelque raison. En poésie, le moindre paraît souvent n'être rien.
| |
| |
Nous allons voir comment cet ouvrage, médiocre parmi l'oeuvre poétique de Casti, a d'autres mérites que ceux de la poésie ‘pure’.
Mais avant de procéder pour cela à l'analyse du poème même, cherchons un instant une réponse à la question tacitement posée plus haut: pourquoi cet élément de vendetta?
À Saint-Pétersbourg, Casti n'avait pas du tout été ‘comblé de bienfaits’, comme on l'a prétendu en se faisant l'écho des erreurs de Foscolo et de Carducci; croit-on que notre grand bavard épistolaire n'aurait pas dit mot des honneurs qu'on lui avait faits? Or, des deux années 1778-1779, pas une lettre sur la Russie: rien que ce poème. Non, bien au contraire, son séjour lui avait réservé d'amers déboires. Catherine II, férue d'occidentalisme et mal conseillée au sujet des artistes à attirer à sa cour, n'était que fort peu amie des poètes. Elle ne s'occupait aucunement de l'hôte mesquin et l'abandonnait tout à fait aux taquineries des courtisans qui - une fois la cour rentrée de Tsarskoïé-Sélo dans la capitale - cherchaient à être dans les petits papiers de la souveraine aux frais de l'étranger portant l'habit d'une religion détestée. Par ce seul fait, l'accusation d'ingratitude grossière lancée contre Casti, en échange d'un bon accueil (dont toute preuve manque absolument), tombe d'un bloc. Qu'on ne lise que le chap. 32 de la Chiave storico-critica de l'historien Bianchi-Giovini, faisant appendice à l'édition de 1842:
‘Catherine... quoiqu'elle maintînt auprès d'elle bien des maîtres de musique et des chanteurs réputés, n'aimait ni la musique ni la poésie, assistait fort rarement aux spectacles de théâtre, et haïssait les poètes, race mauvaise et maudite dont elle avait occasion de se plaindre’.
Ainsi seulement peut s' expliquer comment le poète, dans son poème, attaque Catherine, son peuple et sa cour, dans leur libertinage, leur rusticité, leurs délits, non pas par seule plaisanterie comme il en a l'air et comme le font croire un Carducci et un Tocci, mais avec l'amertume de celui qui s'est vu mortifier et railler par la mauvaise foi et par la force brutale. Et qui s'étonne que Catherine n'ait pas pensé à rendre plus agréable son séjour à un homme d'une renommée poétique certaine, quoique encore modeste, qui était le courtisan et le confident de son ami Joseph, doit, en retour, se poser une question. Qui était en réalité ce Casti? Pourvu de quels titres venait-il, ce voyageur non appelé et sans mission aucune? Quels étaient ses dons physiques, les premiers qu'appréciait la femme qui allait même chercher à avoir un enfant de Joseph? Nous ne le savons pas. Mais qu'on ne lui réservât aucune aménité - chose qui aurait certainement été attestée autre part - ressort bien clairement du dégoût générique qu'il témoigne dans son chant II, oct. 104: Tutto è fetor, tout est puanteur:
| |
| |
‘Tutto è fetor, schifezza e sucidume,
Stolidezza brutal, sembianza fiera:
E palesando ognor l'indole prava,
Torpe nei petti loro anima ignava...’
Ce qui est à mettre à côté de ce qu'un Alfieri, homme libre parmi tous, et lui assurément sans soupçon d'ingratitude sur ce point, poétisait vers le même temps, après son séjour dans la capitale russe:
‘Ogni esotico innesto a me dispiace
Ma il gallizzato Tartaro è un miscuglio
Che i Galli quasi ribramar mi face.
Mi basta il saggio di un tal guazzabuglio:
Non vo' veder più Mosca nè Astracano:
Ben si sa che v'è il bue, dov'odi il muglio!’
Avec cela, nous voici entrés en pleine matière de ce méchant Poema Tartaro, qui emprunte sa haute valeur documentaire et historique au fait que Casti, en l'écrivant, a arraché le masque à un règne et à une régnante, que tous ses contemporains d'occident élevaient jusqu'aux nues et dont, seuls, les historiens modernes ont su découvrir les tares profondes.
* * *
L'artifice servant à ‘voiler’ la satire d'un semblant d'allégorie est double: il se rapporte au temps et à l'espace; il est loin d'avoir la beauté d'imagination de celui employé plus tard dans les Animali parlanti. Pour le temps, l'action est censée se passer au XIIIe siècle, lors des luttes entre l'Empereur souabe et la Papauté. Pour le lieu, le poète feint de traiter du monde tartare d'Asie à l'apogée du Grand-Khanat, et un document ‘rapporté’ par Marco Polo doit en faire foi.
Ainsi donc, dans le chant I, un noble irlandais, Tommaso Scardassale - figure fictive -, fait prisonnier pendant la 5e Croisade et envoyé à Babylone, puis échappé de là en compagnie de la belle princesse Zelmira, tombe avec sa bien-aimée dans le camp des Tartares de Battù (comte Souan), petit-fils de Djenghis-Khan (Pierre le Grand). Battù gardera Tommaso près de lui, mais son lieutenant Mengo (nom fictif) obtient l'éplorée Zelmira. Dans le camp, le jeune homme rencontre Pian Carpino (le Père franciscain Giancarlo, nonce apostolique), venu pour convertir Battù. À la nouvelle de la mort d'Ottai (Pierre III), Battù, se croyant successeur au trône, emmène Tommaso à travers l'Asie (!) à la capitale, Caracora (St.-Pétersbourg).
Là - chant II - la veuve d'Ottai, la lascive Cattuna ou Turrachina (Catherine) a devancé, avec l'appui de ses ex-amants Totò-Toctabei (Potemkine) et Caslucco (Grég. Orloff), les prétentions de Battù en se proclamant impératrice. Lors des fêtes du couronnement,
| |
| |
Tommaso se lie d'amitié avec un jeune prince étranger, Siveno, qui est depuis un an à Caracora et qui lui explique les conditions immorales d'une cour où l'on ne dit pas, pour indiquer l'année, ‘tels étant consuls’ mais ‘tels étant amants’, et d'un empire dont les grands, tous hautement loués, sont en réalité ‘des barbares et des esclaves, des vendus ou des vénaux’. À Caracora, la cabale règne, des indignes commandent, les hommes méritants meurent de faim. ‘Toute l'Asie croit en la civilisation mogolla, qui est inexistante. Le peuple souffre, est traîné à la guerre par des ineptes soumis à leurs femmes, à la camarilla, à l'antichambre’. Caracora, c'est le simili-Rome, on y importe des spécialistes de toute espèce, des précepteurs et des enseignants qui, chacun, sont des aventuriers, des imposteurs.
Dans cette ville (ch. III), les deux amis, en se promenant, admirent les bâtisses colossales - c'est, explique Siveno, un colossal en stuc. Un illettré dirige l'académie, jamais un Mogollo ne sera un vrai érudit! Des conférences sont faites par des incapables que personne n'écoute. Tous les éloges d'auteurs sur ce pays ont été achetés. Les garanties légales y sont nulles, l'arbitraire sévit tout-puissant, les tortures du knout font crever femmes et simples inculpés. Tout n'est que vaine apparence: ‘Le grand, à Caracora, est admiré plus que l'utile et que le bon’. La religion elle-même est sale comme ses prêtres, mais: c'est une religion d'État. Aucune galanterie dans le commerce des sexes. Quant à l'industrie et au négoce, ils ne reposent que sur la corruption, même, on est incapable d'organiser le trafic fluvial. Mais ce qui domine tout, c'est la tyrannie des (ex-)favoris, surtout de cet affreux patapouf qu'est Totò-Potemkine: ‘O Caracora’, s'écrie Siveno, ‘opprobre des peuples, asile et nid de toute scélératesse!’
C'est précisément à Totò que Battù (ch. IV) cède Tommaso; Totò fait de lui l'homme de cour et, par l'intervention galante de la première dame, le fait entrer dans les dernières faveurs de l'impératrice, quitte à le savoir dorénavant lige à lui dans ses aspirations, inavouées, d'être un jour Grand Lama du dieu Fo. C'est là son système appliqué aux beaux jeunes hommes qu'il pousse dans les bras de la souveraine qui, elle, ne songe qu'amours et lui laisse le pouvoir effectif. Lors d'une réception, Tommaso est promu général, et voici le festin costumé, bal pastoral ‘comme de singes et de guenons’ (cfr. Cublai!), au cours duquel Siveno avertit l'ami de ne pas se laisser prendre aux pièges de l'apparente grandeur.
Le ch. V apporte à Tommaso, des mains de Turrachina, le nouvel ordre illustre du ‘Zodiaque’, ainsi que des terres et des domaines et le titre de taïc (grand propriétaire), ce qui donne lieu à un exposé sur l'origine des titres nobiliaires et de la hiérarchie des tribus ‘mongoles’, ayant à leur tête de détestables satrapes, perfides
| |
| |
et cruels. Le médecin de la cour vient offrir à Tommaso ses services pour empoisonner ses ennemis. C'est avec peine que Tommaso réussit à obtenir, pour Siveno, après 18 mois de chicanes officielles, le loisir de quitter le pays (voir plus bas)...
Puis (ch. VI) ce sera la guerre contre le Geppano (l'Empire Ottoman), préparée de longue main par Toto et Cattuna, et qui prend tout de suite les proportions d'une catastrophe à cause du trésor vide, de la flotte sans armes. Tandis qu'on prélève en hâte des taxes écrasantes, une rébellion éclate sous Turcano (comte Pougatcheff), bientôt étouffée dans le sang mais notable parce que, dans chaque ville, s'est montré une ‘Cinquième Colonne’! On décide alors un pèlerinage de Cattuna au sanctuaire de Fo. La faim et la peste dévastent le pays ‘mongol’; la flotte, appareillée, sombre misérablement dans une tempête près du Catai (Crimée); pour couvrir la honte vis-à-vis de l'étranger, Cattuna fait distribuer des primes aux commandants.
Mais elle fait aussi venir des savants et des thuriféraires d'occident à Caracora (ch. VII) - Pier delle Vigne (Voltaire) s'y rendit, après son séjour chez Azzodino (Frédéric II de Prusse); lui mort, elle acquiert sa bibliothèque, et chaque seigneur mongol, illettré, se pique de suivre l'illustre exemple. Pian Carpino fait enfin son entrée comme ambassadeur; c'est Tommaso qui assume les frais du brillant cortège du diplomate pontifical; mais bientôt, le Grand Lama ayant été assassiné, on inculpe les chrétiens (lisez: les catholiques romains). Pour apaiser les passions, Pian Carpino fait venir des ‘artistes’ étrangers, qui vendent de fausses oeuvres d'art à des prix fabuleux aux princes mongols. L'impératrice s'occupe maintenant de toute la politique mondiale, se mêle de tout: feignant la neutralité, elle intervient sournoisement dans la guerre entre la Cochinchine et le Tonkin(!); elle prétend arbitrer le conflit entre le pape et l'Empereur souabe (qu'on pense ici aux démêlés de Frédéric II de Prusse avec le clergé). Lorsque l'Empereur la somme de se tenir à l'écart, Pian Carpino réussit à gagner Cattuna à la cause papale et l'Empereur conclut une alliance avec les Mahométans (la Porte!): pour un peu, une guerre générale aurait éclaté...
Le ch. VIII nous montre le pèlerinage prétentieux et ridicule de Cattuna au sanctuaire isolé de Fo, dieu vénal d'une religion où tout s'achète - et au retour, ayant traduit, avec sa suite, une oeuvre arabe (!) en mongol, elle met au monde, dans une pauvre cabane, un fils ‘de père inconnu’. À sa rentrée dans Caracora, le clan régnant lui confère l'épithète de Divine Majesté...
Puis c'est (ch. IX) le défilé des princes amis, qui viennent visiter la cour mongole. Voici Renodino (prince Henri), frère de ce ‘boucher systématique’ Azzodino (Frédéric II) qui, autrefois, avait
| |
| |
inculqué à Ottai (Pierre III) la manie soldatesque et la rage de construire des forteresses, pour lesquelles les spécialistes, en Mongolie, font défaut! Voici Aitone (Gustave III de Suède), pédant ignorant, sans le sou, avide d'honneurs, ridiculisé ici comme peu après dans Re Teodoro. Voici Farreddino, nonce du sultan de Babylone, qui, au cours d'une dispute grotesque avec Pian Carpino sur la primauté de leurs chefs respectifs, en vient aux mains avec l'envoyé du pape, preuve ‘que les ministres de deux religions se comportent entre eux comme chien et chat’. - Et voici surtout (ch. X) le grand et noble Orenzebbe (Joseph II), dont le poète, sur ce point, entonne le panégyrique qu'on s'imagine, et à qui Cattuna réserve un accueil comme à nul autre. Avec lui, finie l'imitation frédéricienne! En vain, on essaie de lui montrer des choses magnifiques montées de toutes pièces pour l'occasion, il préfère voir tout librement et à son gré. Après maintes découvertes édifiantes de l'hôte concernant les conditions réelles de la cour, Cattuna conduit Orenzebbe dans son ‘Trianon recopié’, dans ses lieux de plaisance où le poète installe (déjà!) une ‘montagne russe’, dans sa tonnelle d'amour flanquée d'un musée de souvenirs scabreux. C'est le chant aussi où, les parois de la salle du palais s'écartant, Tommaso revoit un instant sa chère Zelmira dans toute sa triste splendeur actuelle.
Le ch. XI consacre, à cause d'un franc parler excessif, la chute de Tommaso: Totò le prend en haine, lui fait perdre la grâce de Cattuna; et c'est son bannissement dans la lointaine Ostrucche (Kamchatka) où il retrouve, dans le gouverneur du lieu, l'ancien favori de Pierre le Grand, Bozzone (Bergler) qui lui donne son amitié et un traitement de faveur, et qui lui raconte les beaux jours d'antan avec Memma, que nous avons faits revivre en parlant du Cublai. - Le chant final (XII) nous fait assister de loin aux péripéties dans Caracora, à une conspiration des Panin, Souvaroff, Orloff, Isenberg mongolisés, qui - dans l'esprit du poète - met un terme au règne de Cattuna. L'impératrice, confinée d'abord, est envoyée elle aussi dans l'Ostrucche, où Tommaso la sauve de la mort, tandis que Totò, arrivé un peu plus tard, est refoulé dans une île déserte pour y mourir de faim. Sur le trône de Mogollia monte le vaillant prince Mengo, dont l'épouse, Zelmira, obtient la grâce de faire rappeler Tommaso de son exil. Mais au moment où le héros du poème vient présenter ses hommages et sa reconnaissance à son ancienne amie, il rend l'âme dans les bras de la nouvelle impératrice.
* * *
Ayant retracé l'oeuvre, nous voici moins disposés encore à suivre Ugoni qui, en 1856, regrettait les six éditions que le Poema Tartaro avait connues jusque là. Nous ne partageons pas, répétons-le, la
| |
| |
pudibonderie poétique de l'époque, et le poème de Casti ne cesse pas, à nos yeux, d'être un grand poème pour un certain va-comme-je-te-pousse dans la conception générale, pour sa prolixité habituelle (‘moins subtil et plus bavard que Thersite’, dit Foscolo), pour des inégalités de style et quelques platitudes de langage. En partie, nous en avons indiqué les causes; pour le reste, nous préférons ne pas entrer dans la question de ‘poésie et non-poésie’. Somme toute, la conduite de l'ouvrage est régulière, la tournure du récit attrayante: il abonde d'épisodes charmants ou significatifs, et il est parsemé de réflexions judicieuses. Si la négligeance affectée par Casti, qui se montre ici parfois facile jusqu'à la vulgarité, est pour étonner quelqu'un, il est loisible aussi de supposer qu'il est facile pour avoir surmonté de très graves difficultés. L'art, en effet, ne lui était pas inconnu, ni les artifices qui servent à vaincre les pruderies de la Muse...
Mais admettons même que le Poema Tartaro ne soit pas un... Poème. Ce ne fut pas, soit dit en passant, l'avis de Byron qui, pour la partie la plus poétiquement captivante de son Don Juan, les bonnes fortunes de son héros à St.-Pétersbourg (ch. 7-8), fit de larges emprunts à Casti narrant les aventures de Scardassale dans le sérail de Caracora. Mais admettons toutefois; et alors? Et si c'était un roman, roman de faits, roman ‘historique’ avant la lettre; oui historique, précisément? Le roman d'une Impératrice! - Ce n'est pas une trouvaille; c'est le titre d'un livre russe, écrit en français, qu'Ernesto Masi, dans Nuova Antologia, 3e série, 1893, p. 593, signala aux lettrés italiens, et avec ce livre, l'éclatante confirmation que les historiens du temps commençaient alors à donner aux choses déplaisantes que ‘le petit abbé italien, nomade et diffamé’, avait écrites sur Catherine II et son entourage.
Les faits et gestes de Catherine avaient, au XVIIIe siècle, des encenseurs influents dans Voltaire (‘Sémiramis du Nord’!), Diderot, le baron Grimm, ses correspondants ou ses hôtes. Sa réputation profitait, si l'on peut dire, d'une conspiration involontaire d'adulation, puisque des adhérents fervents de l'absolutisme bureaucratique et monarchique s'y associaient aux propulseurs des ‘lumières’, flattés, eux, par l'importation de leurs idées en Russie. Or, ceux qui, dans la période révolutionnaire et plus tard, aux temps de la Sainte-Alliance, craignaient toute atteinte, même indirecte, portée aux autorités constituées, s'acharnaient partout, dès la première lecture que l'auteur avait donnée à Milan et en Toscane des chants détachés du Tartaro, contre le poème de Casti. Du reste, jusqu'en plein XIXe siècle, il y aura le mot flatteur de Sainte-Beuve sur Catherine: ‘grand caractère et grand homme’.
Ce ne fut que vers 1890 que tiraient à leur fin des études faites
| |
| |
par des écrivains disposant des ‘sources’, et qui avaient travaillé sur de nouveaux et très nombreux documents: un Aloys Brückner, un Constantin Waliszewski, bientôt suivis d'un Bilbasoff, d'un Stépanoff. Or, ce n'est pas sans quelque complaisance qu'on voit les jugements de critiques aussi avisés - les premiers surtout - au sujet de la ‘Dama dell'Impero vasto’ de Parini, qui, ricane Casti,
‘... grande il core, e grande avea ogni cosa’.
On se convainc alors que Casti fut en réalité le premier, voire l'unique en son temps, à comprendre et à montrer dans son entier l'hallucinante ambiguité politique de la Russie catherinienne. Et voilà qu'une biographe plus récente encore, l'anglaise Kath. Anthony (1926), ne dément pas non plus ces historiens. À soixante ans de distance du livre de Waliszewski, on se sent enclin à dire qu'il aurait été mieux, aussi pour suivre en pleine connaissance de cause l'évolution russe au XIXe siècle, et en tirer des leçons utiles pour des temps plus proches de nous, si non seulement les lettrés, mais les hommes d'Etat s'étaient occupés sérieusement de la satire rieuse de Casti.
Glanons un peu:
‘Udii sovente dir che Turrachina...’ (ch. II, oct. 90)
(‘J'ai souvent entendu dire que Turrachina (Catherine), dès son enfance, prit un goût fixe et résolu aux romans orientaux, et qu'ainsi, pleine de ces impressions, elle ne soupèse et ne combine toujours pas les idées, mais qu'elle forme de tout temps des projets gigantesques et colossaux et passe aux entreprises romanesques, afin que chaque pays lointain ait à en parler...’)
Avidité de gloire, légèreté féminine, désir démesuré de faire parler de soi en Europe, sont les mobiles auxquels ces entreprises, ces projets sont attribués, tant par Brückner (apologiste prudent) que par Waliszewski (qui prétend pourtant à une plus grande impartialité), et encore par Anthony, qui dit que Catherine était fière de ces grandioses improvisations, où elle se laissait guider par ‘les conjectures, les conjonctions, les circonstances’, et qui relève le mot employé par la souveraine elle-même: ‘Je suis une splendide commenceuse’ (ceci en français!)
Parlant (III, 33 s.) des célèbres codices cathariniani, imités prématurément sur le modèle français, le poète trouve des images cruelles. Plus loin (XI, 68 s.), il remontera au prédécesseur même de l'impératrice, à celui dont elle est toute dévouée à réaliser le programme grandiose - à Djenghis-Khan, soit Pierre le Grand, qui
‘... con violenti metodi presunse
Dell'ampia monarchia cangiar l'aspetto’,
| |
| |
par des méthodes violentes prétendit changer l'aspect de la vaste monarchie, et n'y réussit pas,
‘Chè in breve tempo alcun sperar non dèe
Dei popoli cangiar gli usi e le idee...’
parce qu'on ne doit espérer changer en peu de temps les coutumes et les idées des peuples. Mais dès ce 3e chant, Casti fait expliquer par Siveno:
‘Il existe ici une masse informe d'ordres et d'édits qu'il n'est jamais permis de lire ou de consulter, et souvent l'un abolit et casse l'autre, ou bien le contredit, tant ils sont épars et confus... Or, on veut maintenant codifier les décrets de Djenghis-Khan et faire le Code “Turrachiniano”. Ceux que tu vois là, recouverts de peaux hirsutes... ce sont les députés de Gog et de Magog, venus de contrées barbares et lointaines... les représentants des hordes: des doctes et des philosophes, crois-tu? Mais ils ne savent distinguer leur main droite de la main gauche! Des sages? Comment! ils n'ont jamais vécu que de vol et de rapine... barbares par nature et par coutume. - Ceux-là, qui doivent fixer les règles du droit, ne virent jamais la lumière de Thémis et d'Astrée; et pourtant résonne déjà tout à l'alentour le haut projet du volume immortel de la célèbre veuve d'Ottai (de Pierre III, donc Catherine), qu'elle a griffonné de sa propre main, et qui sera plus sacré que la Bible ou l'Alcoran!’
Non moins terribles, les strophes que Casti consacre à la fameuse Assemblée législative, tellement discutée en son temps, de Catherine, ainsi que les octaves relatives aux innombrables Instructions de la souveraine, dont l'Assemblée devait s'inspirer.
Dans le Poema Tartaro, Casti se montre un critique redoutable, un satirique impitoyable, mais à tout prendre, sincère. Il entre clairement dans ses intentions d'ôter, de sa manière cavalière et parfois grotesque (jeu intellectuel convenant plus à l'épique française du siècle qu'à la tradition italienne), à Catherine et à son règne le merveilleux, que la Renommée et la Distance leur avaient conféré. Nous avons toute raison de voir dans Siveno, et non pas dans Tommaso, le poète lui-même. Dans les discours de Siveno, en effet, il nous donne l'idée totale des observations faites durant son séjour. Nous voyons alors que ce ne fut pas non plus sans peine, que Casti réussit, au bout d'un an et demi, à sortir de St.-Pétersbourg et du pays! Qu'on lise, au ch. V, oct. 92 s.:
‘Ma facile è l'ingresso a Caracora,
Ed ardua e dura impresa è uscirne fuori...’
‘Facile est l'entrée à Caracora, pénible et dure l'entreprise d'en sortir. Pour me conformer à leurs usages extravagants et arbitraires, neuf fois durant j'annonçai mon départ dans les papiers officiels et dans les journaux: puis, il m'en fut accordé la permission par dix-huit ou vingt secré- | |
| |
taires... d'où j'ai dans ma poche le passeport trente fois signé. Mais auparavant, ils voulurent savoir ma patrie, mon nom, ce que j'avais pensé, fait et dit, si je croyais au Christ ou à Mahomet; ils observèrent ma stature, mes actes, ma conduite... entendirent savoir pourquoi je désirais partir, par quel chemin, où je comptais aller... puis ils fouillèrent tous mes effets, livres, notes, portefeuilles, habits, blanchisserie...’
Ce ne peut être de la fantaisie: c'est le ‘rideau de fer’, anno 1779.
Tout en se plaisant à gratter le vernis de l'idole énorme qu'on s'était formé de cette cour, il doit s'être rendu compte que l'irrespectueux, chez lui, donnait aisément dans le vulgaire. Casti connaissait ses défauts, il ne savait pas se freiner: video meliora proboque, deteriora sequor. Il aura honte, un jour, d'avoir écrit le vers le plus impudent du poème:
‘Costernata è la Corte epicurea,
E venne a Toctabei (Potemkine) la diarrea...’
et, en fait, lorsqu'il cherche quelquefois à se lever au-dessus de la fange, il sait trouver une noblesse enviable de langage, où l'on goûte même du miel lyrique; ainsi dans V, 29: ‘Santissima onestà...’,
‘Très-sainte honnêteté, pourquoi ne t'enflammes-tu pas de fureur noble et de zèle généreux? Descends donc... des sièges très purs des cieux sur la terre impie: cache l'exemple (des délices impudiques) aux regards chastes, et étends sur les actes infâmes un double voile, afin que ces rites, l'oeil ne les voie et la langue ne les révèle!’
Une belle veine de maximes philosophiques ne manque pas non plus dans cette oeuvre:
‘Commedia è il mondo, e l'uom dal caso pende’ (IV, 105),
‘le monde est une comédie, l'homme y dépend du hasard’, - avec, peut-être, la plus jolie formule qu'on ait trouvée pour la charlatanerie (ib. 67)
‘Toujours le Mongol emploie l'imposture et abuse de la crédulité des autres: pour cela, me semble vraie la théorie d'un tel auteur(!) qui dit que, dans tous les états, il faut que règne une certaine charlatanerie, la charlatanerie des lettrés, celle de ceux qui veulent vendre leur marchandise, la charlatanerie des prêtres et des frères, celle des chefs et des ministres, et parfois, il y a encore la charlatanerie des Princes eux-mêmes’,
strophe qui peut avoir servi à Eugène Scribe pour sa comédie Le Charlatanisme (représ. Paris 10 mai 1825: cfr. la scène entre Germont et Remy).
Même vis-à-vis de Catherine, on ne peut dire Casti délibérément injuste: il lui reconnaît une bonté innée, une certaine douceur dans ses manières; il blâme en elle avant tout sa lascivité (II, 7), mal masquée par une certaine retenue en public:
| |
| |
‘Puis, montée sur le trône, elle déploya des qualités sublimes et fières... un coeur toujours prompt et accessible à l'amour, un tempérament fort sensible au plaisir; et au dire des mauvaises langues, elle avait déjà eu quinze ou seize amants...’
(Du reste, Catherine, une fois, avait été appelée ‘catin’ par un soldat: elle en avait ri en disant: ‘Qui sait s'il ne dit pas vrai?’ et en ajoutant: ‘Catherine ne fait aucun cas de ces commérages!’)
À tout prendre, le plus gros de la satire n'est pas pour l'impératrice femme, mais bien pour l'autocrate, c'est-à-dire pour le système brutal, stupide, politiquement improvisé et caractérisé par l'irresponsabilité de haut en bas, qu'elle représentait. L'inculpation principale, par contre, qui revient dans presque chaque chant, va au favoritisme effréné, à la corruption indescriptible sévissant sous l'égide des amants impériaux, pensionnés avec d'énormes allocations en argent et en terres, et vivants dans la bombance. C'est là, en premier lieu, que Casti recherche les causes de la ruine constante de l'Etat, de la misère et des conditions abjectes où vivent les peuples de l'empire. Injuste, et pas du tout véridique, comme de satire malveillante, son verdict sur les Orloff; par contre, exact et sûr en ce qui concerne Potemkine et les autres.
Au-dessus de ce système, Casti nous peint la fameuse autocrate comme une dupe consciente, volontaire même, irréligieuse dans son intolérance vis-à-vis d'autres religions, réactionnaire malgré ses velléités apparentes d'innovation; dominatrice, jamais. Or, tant ses louanges que ses critiques, également sensées, sont répétées telles quelles par des auteurs politiques de bien plus grande importance qu'on n'est prêt à attribuer à notre poète: mais si les unes et les autres sont vraies, que reste-t-il de Catherine? Ne fait-elle pas figure, ainsi que l'a suggéré Masi, d'une agitatrice, impuissante, de problèmes trop grands pour ses forces, et desquels, pour le moins, elle ne se rendait pas compte en relation avec les conditions réelles de son empire? Et pourquoi alors les contemporains l'auraient-ils intitulée ‘la Grande’, au même titre que Pierre Ier, et pourquoi la postérité l'aurait-elle confirmé? Ne fut-ce donc qu' un jeu de fortune effrontée, tout comme son avènement au trône et comme ses trente-quatre ‘heureuses’ années de règne? - Non certes; mais les auteurs de notre temps les mieux renseignés et les plus impartiaux n'ont démontré que ce que Casti, disons dans la clairvoyance de son exaspération, avait découvert un siècle avant eux: tout ce que la politique étrangère de Catherine avait de romanesque, sa politique intérieure de fantastique et d'inachevé, sa culture de mal fondé et d'avorté, sa vie privée de foncièrement immoral.
Pour cela, nous insistons pour rejeter les qualifications de ‘pamphlet’ et de ‘gazette scandaleuse’ dont on a voulu affubler le
| |
| |
Poema Tartaro. L'ayant lu et relu, nous nous y sommes heurtés à des passages malencontreux, à des méprises de goût et d'art. L'ouvrage, pour son ampleur surtout, n'est pas toujours aussi plaisant que le sujet et tout cet appareil semblent annoncer. Pourtant, nous avons pris à cette lecture un plaisir certain. C'est que le narrateur fluide qu'est Casti trouve, dès qu'il est en veine, une touche magistrale pour donner une beauté vraie à une description, et que dans son esprit, en ses meilleurs moments, se fondent et prennent formes neuves, autour d'une matière qui, le plus souvent, empoigne par l'intérêt, les images que lui ont laissées ses lectures des épiques de la Renaissance et des meilleurs burlesques italiens.
Quant au défaut principal du Poema Tartaro, le point de vue trop personnel de la satire, défaut racheté du reste par l'importance historique, il en prendra sa revanche vingt ans plus tard.
|
|