Briefwisseling en aantekeningen. Deel 2
(1976)–Willem Bentinck– Auteursrechtelijk beschermd6 augustus 1751Mon frère ayant parlé hier au prince Louis et à moi touchant les mesures à prendre pour prévenir les suites funestes, que peut et doit avoir la mort du Prince en cas que S.A.S. vint à manquer subitement, comme sa constitution et ses fréquentes attaques donnent quelque lieu de le craindre, nous convînmes tous les trois, qu'avant de rien concerter là-dessus, il étoit absolument nécessaire de représenter préalablement à madame la Princesse Royale le danger où un pareil malheur jetteroit sa maison, s'il n'y étoit pourvu d'avance; enfin de pouvoir régler nos délibérations ultérieures sur les idées de S.A.R. Nous sommes aussi convenu de ne parler sur ce sujet à personne au monde et nommément pas à monsieur de Larrey, afin que, lorsque S.A.R. lui en parleroit, elle vit, qu'il en est entièrement ignorant et s'ouvrit par là plus librement à lui et que nous puissions par son moyen être mieux informés des idées de S.A.R. Comme mon frère s'est chargé d'ouvrir cette matière à la Princesse Royale, il nous a prié, le prince Louis et moi, de lui donner chacun nos idées sur la manière d'entamer la chose et sur les choses mêmes à dire à S.A.R. Il me paroît donc, qu'il faut commencer par représenter quel- | |
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que triste que soit cette idée, qu'il est nécessaire de penser toujours, qu'il peut du jour au lendemain arriver un malheur au Prince, afin que, si le cas venoit à exister, S.A.R. ne fût pas prise au dépourvu, ni embarrassée pour prendre des mesures, lorsqu'elle en seroit le moins en état et qu'il n'en seroit peut-être plus tems et sans savoir à qui se fier. Qu'il est à la vérité résolu, que le stadhoudérat seroit hériditaire et que S.A.R. sera à la tête des affaires pendant la minorité du jeune prince, mais qu'il est assez connu combien peu de gens il y a dans la République, qui ayent consenti de leur gré à cette résolution et combien de moyens les malintentionés employent tous les jours sous main pour la rendre infructueuse; qu'ils travaillent d'autant mieux et avec d'autant plus de succès, que leur parti est parfaitement bien lié et qu'ils ont nombre de leurs gens, qui sont écoutés à la cour, qui entendent et voyent ce qui s'y dit et s'y fait et qui en se donnant pour amis zélés du Prince connoissent parfaitement le fort et le faible du véritable parti de S.A.; au lieu que ce dernier parti n'est point du tout uni, ne s'entend point et n'est nullement au fait du manège du parti contraire. Ainsi un malheur arrivant les véritables partisans du Prince ne sauroient dans l'état où ils sont se réunir pour faire tête à leurs adversaires et pour soutenir la maison de S.A.S. et ne pourroient que se faire assommer sans aucun fruit et en détail. Qu'il est donc absolument nécessaire de prendre d'avance toutes les mesures possibles pour soutenir la succession. Que le premier pas semble devoir être de travailler à être informé des brigues et cabales, qui se font dans le païs et au dehors; de faire pour cet effet veiller aux postes et ouvrir quelquefois des lettres suspectes. Qu'il ne faut pas négliger les informations qu'on reçoit, lorsqu' on les trouve fondées et apparentes, ni perdre de tems pour en profiter. Que pour prendre des mesures d'avance, il faut, que S.A.R. juge d'abord avec qui elle peut les concerter utilement et que sur toutes choses elle ne s'ouvre qu'à des personnes sur qui elle puisse entièrement compter et qu'elle soit très sûre, qu'il lui seront fidèles, discrets et invariablement dévoués et zélés pour le bien de la République, pour la maison du Prince et pour la constitution présente du gouvernement. Qu'il faudroit, que toutes ces personnes fussent aussi étroitement unies et liées, que le sont les gens de l'autre parti; que chacun sût dans son poste ou dans sa province, ce qu'il doit faire, afin que tout se fasse de concert. Alors les ennemis et les faux amis de LL.AA. ne pourront pas réussir à semer le désunion et la jalousie | |
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parmi ceux du parti du Prince, au lieu, qu'ils le font à présent le plus, qu'ils peuvent et quelquefois avec assez de succès. Ils réussissent même à donner au Prince de mauvaises impressions de personnes les mieux intentionées. (Il y a dans cette idée du parti du Prince deux difficultés. La première est de mettre S.A.R. à la tête sans le Prince, sur la discrétion, la fermeté et l'activité duquel on ne peut pas compter. La seconde est l'aversion, que S.A.R. affecte toujours de témoigner pour ce qui s'appelle parti, disant toujours, qu'il n'en faut point. Ce n'est pourtant certainement qu'en en formant un, on peut se guarantir des mauvais desseins de celui, qui existe très réellement contre S.A. et qu'elle ne sauroit venir à bout de dissoudre ou de rompreGa naar voetnoot1). Comme il n'est pas possible de s'ouvrir également à tous ceux, qui composent un parti, il seroit nécessaire, qu'il y en eut quelquesuns en qui S.A.R. eut une entière confiance, avec qui elle concertât, ce qu'il y a de plus secret. Il faudroit, que ce fut à ces personnes-là, que ceux du parti, qui sont dans les autres provinces, pussent s'addresser avec qui ils pussent correspondre et donner les informations, qu'ils peuvent avoir et par qui ils reçussent les avis et les ordres, qu'on a à leur envoyer. Si on peut venir à bout de faire approuver à S.A.R. ce commencement de plan, on peut ensuite concerter avec elle le choix des personnes dans toutes les provinces; la manière dont on s'y prendra pour former et lier le parti et enfin les mesures, qu'il faut prendre à l'avenir avec ce parti. En général je crois, que le meilleur est de tâcher de faire proposer les choses par S.A.R., de s'y conformer d'abord lorsqu'elles sont utiles ou du moins pas mauvaises et lorsqu'on y voit du mal ou des difficultés de les lui montrer en raisonant avec elle avec elle avec tranquillité et modération. |