Briefwisseling en aantekeningen. Deel 2
(1976)–Willem Bentinck– Auteursrechtelijk beschermd
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terre je n'avois pas eu occasion de prendre des lumières sur les dispositions du ministère et sur leur façon de penser sur la situation présente des affaires et nommément sur les points, sur lesquels l'on m'avoit informé d'ici. Je répondis au Prince, que pendant les premières semaines de mon séjour en Angleterre les affaires avoient été dans une situation, que je n'avois pas cru convenable de pousser le duc de Newcastle, qui étoit proprement celui à qui je devois avoir à faire puisque la République est de son département, mais que d'abord, que le parlement s'étoit séparé et que les nouveaux arrangements dans le ministère avoient été finalement pris et que le duc de Newcastle avoit eu les mains plus libres, j'avois cru, qu'il étoit alors le tems; que je l'étois allé trouver à Claremont, où j'avois passé deux jours avec lui et que j'avois eu occasion d'avoir avec lui une conversation assez détaillée sur les principaux points, qui sont actuellement sur le tapis; que le premier point avoit été la nomination du successeur de mylord Holdernesse à La Haye. Le duc de Newcastle m'ayant nommé le collonel York et ayant ajouté, que le chancelier s'intéressoit beaucoup pour la réussite de cette affaire j'avois d'abord témoigné au duc de Newcastle comme mon opinion, qu'on ne pouvoit faire un meilleur choix. Les raisons, qui m'ont déterminé à ne pas hésiter un moment à me déclarer là-dessus, sont: 1) que je savois déjà, que le collonel s'étoit rendu agréable au Prince et à la Princesse et 2) qu'il faloit répondre quelque chose et témoigner, que je l'approuvois ou que je le désapprouvois ou que j'étois neutre; que le second auroit été désobligeant pour le chancelier, le troisième encore plus, parceque j'aurois dû alléguer quelque raison d'exclusion et je n'en sai aucune; de sorte qu'il ne restoit à prendre que le premier des trois partis ci-dessus, auquel je m'étois d'autant plus volontiers déterminé, qu'il est très probable, que par le moyen du collonel Yorke l'on pourra s'assurer du concours du chancelier dans les mesures, qui sont proposées d'ici et qui passeront par le canal de son fils. Car si le collonel Yorke veut être agréablement ici et y faire une figure telle, que je suis sûr, que son envie de se montrer et de se pousser l'engagent à tâcher de faire, il faut qu'il soit bien avec le Prince et la Princesse et qu'il fasse voir pour cet effet ici, qu'il peut quelque chose en Angleterre, en quoi il ne manquera pas de se faire seconder autant qu'il pourra par son père, qui l'aime beaucoup et sera charmé de le faire valoir. A quoi il faut ajouter, que le chancelier est un des | |
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principaux soutiens du duc de NewcastleGa naar voetnoot1) et celui, qui peut le plus contribuer à faire goûter dans le conseil du cabinet les principes du duc de Newcastle sur les affaires du continent, lesquels principes conviennent fort à la République et personne ne peut mieux que le chancelier aider le duc de Newcastle à écarter les difficultés, qu'il rencontre sur les affaires du continent. La nomination du collonel Yorke n'étoit pas encore finalement résolu en Angleterre à mon départ, parceque le roi vouloit en faire le compliment au prince d'Orange et parceque mylord AlbermarleGa naar voetnoot2) étant en Angleterre le poste de France ne pouvoit pas être rendu vacant jusqu'à son retour en France. Il fut après cela question de l'affaire de la barrière. Nous convînmes, qu'il n'y avoit à présent d'autre parti à prendre que de mettre l'affaire en train; que la chose étoit très importante et le tems trop précieux pour remettre d'avantage le premier pas pour aller en avant, à n'avoir l'ouverture des conférences; que pour cet effet l'on devoit au plutôt nommer des commissaires et les envoyer sans délai à Bruxelles, où ils mettroient l'affaire en train et agiroient pro re nata. Le duc de Newcastle dit, que celui, qui étoit destiné à ce poste, étoit Dayrolles et qu'on lui ajoindroit un marchand considérable pour avoir l'oeil sur ce qui regarde les intérêts du commerce. Je lui dis, que le poste de Bruxelles étoit à présent d'une telle nature et d'une si grande conséquence, que l'on devoit y placer quelqu'un de la première considération, qui fut propre à être employé dans les grandes affaires et à qui ce poste serviroit de pont et d'introduction; que ce poste n'étoit au dessous de personne sans aucune exception; que le frère de l'empereur étoit à la tête des Païs-Bas et que quant aux affaires à y traiter il ne s'agissoit pas de moins que de rétablir le système général de l'Europe. Le duc de Newcastle convint, mais me dit, que la chose étoit trop avancée pour pouvoir à présent être changée; que du reste il croyoit pouvoir répondre, que Dayrolles s'y laisseroit conduire, qu'il faloit mettre l'affaire en train et que l'on pourroit après y envoyer un homme de plus de conséquence. Je ne voulus pas le presser d'avantage sur cet article, parcequ'il pourroit bien, qu'il fut embarassé du choix et qu'il appréhendât quelque recommandation de quelque personne, qui eut des liaisons avec d'autres, qu'il doit ménager et qui convint encore moins. Outre qu'à mon occasion et par mon | |
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conseilGa naar voetnoot*) on avoit déjà laissé tomber le chevalier GoodrickGa naar voetnoot3), qui avoit été nommé in petto l'été passé. Après cela il fut question de l'accession de la République au traité de 1746. Sur quoi je lui dis, qu'il n'étoit pas tems de pousser cette affaire à présent, mais qu'il faloit faire précéder celle de l'élection d'un roy des Romains; que quand on entreprendit tant de choses à la fois, on couroit risque de gâter l'une par l'autre et de ne réussir dans aucune; que du reste pour le fond de l'affaire même j'étois entièrement de son opinion, touchant son utilité et la nécessité de faire voir à toute l'Europe la plus étroite union et la liaison la plus intime entre les puissances maritimes, Vienne et Petersburg, afin qu'il y eut un parti formé auquel d'autres puissances se pussent joindre et que la France ne put pas en imposer par l'apparence de la dissolution ou de l'impuissance de tout autre parti en Europe excepté le sien. Et j'ajouté, que je savois, que ces principes étoient ceux du prince d'Orange et de ceux, que le Prince employe pour la conduite des affaires, sans quoi je ne les lui aurois pas débité si positivement et si décidément. Le duc de Newcastle, qui avoit été d'une autre opinion et qui ne savoit pas bien pourquoi l'on remettoit en Hollande la délibération sur une affaire si importante, se rendit à ce que je lui disGa naar voetnoot4). Nous parlêmes après cela de l'affaire de l'élection. Nous convînmes, que cela pressoit plus, que toute autre chose; que l'honneur du roi et du prince d'Orange y étoit engagés; que plus cette affaire traîneroit, plus elle étoit en danger de se rompre; que l'empereur étoit mortel; que s'il venoit à mourir la France profiteroit de la vacature du trône pour embrouiller de nouveau les affaires et empêcher les liaisons entre les alliés naturels et la formation d'un système général, qui pourroit déranger ou traverser ses vues et son projet de dominer seule en Europe; que l'affront, qu'on avoit reçu de Cologne, étoit un motif de plus de ne pas céder. Ici le du de Newcastle ne put s'empêcher de lamenter sur ce qui | |
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s'étoit fait à Hanovre. Et il me dit, que le roi lui-même convenoit, qu'on avoit mal à propos ménagé l'argent avec l'électeur de Cologne. Il ajoute, qu'il espéroit, que ses collègues voudroient bien à la fin voir la nécessité de n'être pas penny-wise and pound-foolish; que leur raisonnements sur les affaires du continent avoient été non ceux de ministres et d'hommes d'état, mais ceux d'une troupe de petits bourguemaîtres; que de son côté il feroit tout ce qui est en son pouvoir pour faire prendre un meilleur tout aux affaires et il me pria d'en parler à son frère et au chancelier. Il fut convenu entre nous, que pour commencer il n'y avoit pas d'autre parti à prendre que de s'assurer quovis modo de la Saxe. Je lui dis, que j'étois persuadé, que c'étoit aussi l'opinion en Hollande, mais que je devois l'avertir, que la République ne payeroit certainement que le tiers dans tout subside à l'avenir et que si l'on entroit en quelque engagement avec la Saxe, ce seroit conjointement avec la couronne de la Grande Bretagne et non avec l'electeur de Hannovre; que ces deux points étoient chacune une condition sine qua non et que toute tentative de sa part pour y procurer le moindre changement ne seroit que pure perte d'un tems beaucoup trop précieux pour le consumer en écritures et en paroles inutiles. Il me parut, que le duc de Newcastle le tint pour dit et je doute, que l'on invite en Angleterre là dessus, quand même on feroit quelque tentative pro forma et pour satisfaire à quelque personne faible. Il fut de plus jugé entre le duc de Newcastle et moi, que quand on auroit la Saxe, il faudroit tâcher de mettre au plutôt l'élection en train et à cette occasion il fut question de l'électeur de Mayence et du petit subside de 8.000 £ Sterling, que l'Angleterre lui a donné et dont la continuation seroit à présent plus nécessaire que jamaisGa naar voetnoot5). Il ne me parla pas d'y faire contribuer la République et je lui en parlai comme d'une chose qui regardoit simplement l'Angleterre. Quant aux mesures à prendre pour soutenir dans l'empire le système de la grande alliance, duquel dépend notre sûreté commune, nous entrâmes en détail en examinant les différentes démarches, qu'il seroit nécessaire de faire pour cela, dont la principale seroit de prendre des mesures efficaces pour contrebalancer le roi de Prusse et le tenir dans un échec continuel en s'assurant de la Russie, de prendre à tems des précautions pour remplir tous | |
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les grands bénéfices ecclésiastiques à mesure qu'ils deviendroient vacants, par des personnes attachées à la maison d'Autriche et aux puissances maritimes; de former un parti parmi les princes les plus considérables dans l'empire et de pousser l'affaire de l'association des cerclesGa naar voetnoot6) pendant l'année courante et la suivante, que nous pouvons encore nous flatter de réussir. Mais sur tous ces points là et sur quelques autres encore, le duc de Newcastle avoit dressé une notice pour remettre à mylord Holdernesse, pourque celui-ci en parle au PrinceGa naar voetnoot7) et s'informe exactement de l'opinion de S.A.R., afin d'avoir un plan sur lequel lui, duc de Newcastle, put tâcher de conduire les affaires en Angleterre pendant que le prince d'Orange les dirigeroit en Hollande vers le même but. Fiat insertio. En général je dois dire, que dans tous les discours du duc de Newcastle pendant tout le tems, que j'ai été en Angleterre, j'ai remarqué une révolution déterminée à suivre constamment et pied à pied le système, qui seul convient à notre République et à concerter tout d'avance avec le prince d'Orange, afin d'être toujours sûr de son fait d'avance et du concours de la République. Jamais ministre a eu à cet égard les mains plus libres, parceque ceux, qui diffèrent d'opinion avec lui, ne cherchent pas à la miner ni à le traverser mais ont au contraire un intérêt commun à le soutenir et s'ils diffèrent, c'est de bonne foi et faute de meilleure information. Et il est plus que probable, que de ceux, qui viennent d'entrer dans les affaires, je veux dire, mylord Holdernesse et mylord Granville, l'un tirera à la même corde avec le duc de Newcastle en tout et l'autre sera toujours prêt à seconder par sa voix, par ses conseils et par le crédit, qu'il peut avoir auprès du roi, le système du duc de Newcastle sur les affaires générales, qui est et qui a toujours été le sien. Le duc de Newcastle me parla des disputes entre la Compagnie des Indes Anglaise et la nôtreGa naar voetnoot8). Je lui dis, qu'en honneur et sans aucune partialité il m'avoit paru, que les plaintes angloises n'étoient pas fondées et que plusieurs faits allegués de leur côté avoient été trouvés faux; que ce que j'appréhendois, étoit une querelle | |
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nationale; que je le suppliois de ne pas souffler le feu, mais de faire examiner les faits à tête reposée. Il me le promit et m'assura de plus, que pour peu que les asserevationsGa naar voetnoot9) de leur compagnie ne fussent pas fondées, elle ne seroit pas soutenue et je l'assurai, qu'en Hollande on étoit dans la même disposition; qu'on feroit tout de bonne foi et qu'on préviendroit les mêmes de ceux, qui seroient charmés d'avoir occasion et qui la cherchent même avec empressement, de brouiller les deux nations. Je lui parlai de la pêche du harenc. Et je lui présentai (je l'avois déjà fait au long à HannovreGa naar voetnoot10)) combien cet établissement étoit d'une mauvaise politique, parceque s'il ne réussit pas, c'est de l'argent jetté et s'il réussit il ruineroit et mettroit hors d'état d'agir, un voisin et un allié, dont l'Angleterre ne pouvoit se passer sur mer, où elle, cet allié, étoit attaqué par l'Angleterre; que si l'Angleterre vouloit aggrandir et étendre son commerce, droit qu'on ne peut lui disputer, pour autant qu'il n'est pas limité par les traités, à la bonne heure, mais que ce fût aux dépens de la France ou de l'Espagne ou de quelque puissance avec qui elle put être en guerre ou dont l'assistance ne lui étoit pas absolument nécessaire. Mais aux dépens de la République, c'est ce que je soutenois être une mauvaise mesure; que si j'étois anglois, membre d'une des chambres de parlement ou du conseil de S.M., je dirois ce que je dis, parceque la chose est vraie en elle-même et que j'avois avec le plus grand plaisir du monde trouvé beaucoup d'honnêtes gens en Angleterre de la première volée, qui pensoient tout comme moi. Le duc de Newcastle convint de tout cela avec moi, mais ajouta, que c'étoit une affaire nationale, à laquelle il n'étoit pas possible à un ministre de s'opposer, s'il ne vouloit se perdre ou se rendre tout à fait inutile. |
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