Briefwisseling en aantekeningen. Deel 2
(1976)–Willem Bentinck– Auteursrechtelijk beschermd680
| |
15 januari 1751Si les finances de la République ne se rétablissent pas, la République est perdue. J'entens les finances de la généralité et celles des provinces particulières. Celles de la généralité ne se peuvent remettre sans rétablir celles des provinces. Quelque ordre, que le conseil d'état tienne dans celles de la généralité, cela seul ne peut pas suffire. De sorte qu'il faut commencer par les provinces et premièrement par la Hollande. Après quoi les autres suivront et ne peuvent manquer de suivre, si le Prince le veut. Il sera inutile de tenter de remettre les autres provinces, si celle de Hollande ne montre pas le chemin. Je dis inutile, parceque, quand cela réussiroit, il ne serviroit à rien de remettre les provinces, qui ne payent ensemble que 42 pendant que celle de Hollande qui seule paye 58 resteroit dérangée et seroit banqueroute. Mais cela ne réussiroit pas non plus, parceque tout les menées, qui se font dans les autres provinces pour empêcher le rétablissement des finances, ont deux buts, l'un l'intérêt du particulier, l'autre la crainte de voir augmenter l'honneur et, (par conséquence immanquable) le pouvoir du Prince. Ces deux buts sont poursuivis | |
[pagina 481]
| |
de concert avec ceux, qui pensent de même en Hollande. Et sans ceux-ci, les malintentionnés dans les autres provinces ne pourront rien. (Et il faut, en passant remarquer ici, que le dérangement des finances des autres provinces produit un nouveau dérangement occasionel dans celles de la Hollande, à cause que cette province se trouve réduite dans certains cas pressants, à la nécessité de laisser périr la République ou de payer pour les autres, après avoir déjà fourni sa quote part)Ga naar voetnoot2). Il faut voter pour une maxime incontestable et pour un principe audessus de toute exception, que pour remettre les finances d'un état, il faut faire baisser le prix de l'argent; ce qui ne se peut faire que par l'abondance; l'abondance dépend de la circulation; la circulation du crédit; le crédit de la confiance du public; la confiance des bonnes mesures prises et exécutées. Quand tout cela, qu'il faut pour cela, seroit fait et exécuté dans les autres provinces, cela ne serviroit à rien, si la province de Hollande restoit dérangée, i.e. sans crédit; parceque c'est la Hollande, qui met le prix à l'argent; de sorte que tout ce que les autres voudroient avec la meilleure intention du monde faire, deviendroit impossible et inexécutable, par l'influence que le prix de l'argent en un endroit a sur le prix de l'argent dans un autre. Il faut donc commencer par la Hollande. Le mal est venu à son comble (2. 826. 962. 13. 11 2/3).Ga naar voetnoot3) | |
20 november 1750Le rapport du pensionaire Steyn et l'état annexe le fait voirGa naar voetnoot4). Tous les arrangements oeconomiques intérieurs doivent avoir lieu et aucun d'eux ne doit être négligé. Mais il est démontré que tous les arrangements intérieurs traitez avec la plus grande oeconomie et poussez même jusqu'à la lésine ne suffisent pas pour le suppléer un défaut pour le courant bien loin de fournir un fond d'amortissement. (Il y est démontré, que la province de Hollande est ruinée sans retour, si elle n'est soulagé du fardeau, dont elle est accablée). La charge annuelle de dépenses de la province se divise naturellement en deux postes généraux. L'un pour le domestique | |
[pagina 482]
| |
ou l'intérieur de la province. L'autre pour ce qui doit annuellement fourni à l'union. Il n'y a que deux façons de la soulager, 1) de diminuer la dépense, 2) d'augmenter les revenus. Tous les deux moyens doivent être mis en oeuvre. Le premier se peut, dépend de la volonté, le second est incertain. L'effet en est éloigné et ne fournit pas un rémède assez promt. Ce fond d'amortissement ne se peut trouver qu'en refermant les déboursements fixes et ordinaires dans des bornes si étroites, que les revenus fixes et ordinaires les surpassent de façon, qu'il soit pourvu pour le courant, pour le casuel et pour le fond d'amortissement. (Il faut donc chercher le remède ailleurs), car le remède se doit trouver si la République ne doit être perdue et le Prince déshonoré. Il ne peut se trouver que dans la diminution des dépenses de l'état de guerre et entre autres dans une réduction de troupes, qui devient indispensablement nécessaire. Il est vrai, que le conseil d'état est d'un autre avis, mais si elle se doit faire, il la faut faire au plutôt. Avec tout le respect, que je dois au conseil d'état, je ne puis convenir de tous les principes posés dans la petition pour l'année courante ni de leur application aux circonstances présentes. Si le conseil avoit été informé de l'état des finances de la Hollande, il n'auroit pas demandé la continuation d'un état de guerre, qui va à la déstruction de la République. Et le pied sur lequel les troupes sont tenues doit devenir moins couteux. Il la faut faire au plutôt, parceque le mal va en augmentant par le seul délai du remède. Il sera plus grand en lui-même et par ses conséquences (discrédit de l'honneur etc.) l'année prochaine qu'à présent, l'année suivante encore plus; ainsi de suite. Par ce que la proposition d'une réduction venant en délibération comme un ingrédient d'une délibération sur le rétablissement des finances vient à sa place et à propos, ne peut surprendre personne et relever le crédit au dedans et la considération au dehors; ce n'est que suivre l'exemple de tous les autres princes de l'Europe, qui ont tous réduit et réduisent encore, leurs troupes; le seul roi de Prusse excepté, à qui la France paye six millions pour tenir l'état de troupes, qu'il a. Et l'impératriceGa naar voetnoot5), que ce grand nombre de troupes du roi de Prusse met dans la nécessité d'en tenir un nombre beaucoup plus grand, qu'elle ne feroit sans cela; et de | |
[pagina 483]
| |
chercher par d'autres arrangements domestiques et par l'oeconomie dans les troupes mêmes le ménage, qu'elle trouveroit d'abord et tout d'un coup dans une réduction, parcequ'on peut à présent faire une réduction sûrement. Toute l'Europe est en paix et il ne convient à aucune puissance de recommencer la guerre: sans quoi le roi de Sardaigne ne feroit pas de réforme chez lui. Il a le coup d'oeil bon. Parceque dans la suite on ne le pourra pas avec la même sûreté, ni avec le même honneur. Parcequ'il est sûr, que cette réduction fera dans la nation un effet, qui relèvera plus le crédit, qu'aucune autre mesure ne pourra faire. Et c'est ce crédit intérieur, qui fait notre force réelle; parceque ce crédit intérieur fait notre considération au dehors et en imposera plus à l'étranger, que ne feront dix ni vingt mille hommes de plus; si on est obligé de faire des emprunts annuels et de payer intérêts, d'intérêts de ses propres dettes pour entretenir un état de guerre plus grand que les revenus de l'état ne peuvent soutenir. Parceque si l'on ne fait pas la réduction, elle se fera elle-même faute de payement; ce qui prostitueroit la République et le Prince et fera tomber sur le Prince la haine des troupes; parceque la réduction se fera par force et sur la proposition d'Amsterdam, ou de quelque autre ville, à laquelle Amsterdam se joindra, et refusera de payer. Elle prendra l'occasion du dépérissement des finances, des charges excessives continuées en tems de paix, pour demander un soulagement pour ce sujet et insistera sur une réduction (elle pourra faire d'une pierre deux coups, se faire un mérite auprès du sujet et en même tems auprès de la France en exposant le Prince, si le Prince permet, que la proposition en vienne d'Amsterdam). Il est à noter, que les magistrats d'Amsterdam ont déjà parlé depuis le 15 janvier 1751 de la nécessité du soulagement pour leurs habitans et lui ont proposé de lever un verponding de moins sur les maisons. Leur intention est de se faire un mérite dans leur ville d'en avoir parlé les premiers, pendant qu'ils étoient en fonction, soit que cela réussisse ou non et de laisser aux magistrats, qui entreront en fonction le 2 février le soin de pousser la réduction, qu'il savent être désagréable au Prince. Une proposition pareille d'Amsterdam soutenue d'arguments qui feroit voir au peuple du soulagement seroit très populaire et soit qu'elle réussit ou ne réussit pas leur feroit honneur dans la nation aux dépens du Prince. Le parti le plus sage et le plus prudent, que le Prince puisse prendre, seroit donc de former un plan de | |
[pagina 484]
| |
réduction telle, qu'elle réponde au but, c'est à dire, qu'elle remette au moins la balance entre les revenus et les dépenses de l'état. (Tout ce que je viens de dire est dans la supposition, que l'état des finances de la Hollande rend une réduction nécessaire. L'état délabré de ces finances ne me paroit que trop bien démontré. Si l'on me fait voir le contraire tout mon raisonnement tombe). Vainement flatte-t-on le Prince, que les revenus courants et fixes augmenteront par le moyen des collectes, au point à pouvoir soutenir l'état de guerre présent; qui est le principal et pour mieux dire le seul article, où l'on puisse chercher l'oeconomie, car le rapport du 20 novembre fait clairement voir que dans le domestique de la province il n'y a rien à diminuer, qui soit d'aucune importance. Mais supposons, qu'on fut sûr, que les collectes rapporteront 2 millions de plus, que n'ont fait les fermes; ce que les plus ardents et zelés en apparance pour les collectes n'osent pas seulement espérer, ces deux millions de surplus ne suffiroient pas, car le défaut est de près de trois millions (ƒ 2.800.000, -). Et si l'on continue à presser et qu'à la fin on force, soit cette année-ci ou l'année prochaine un soulagement pour le sujet, par le moyen d'un 100me denier de moins sur les maisons, le défaut sera ƒ 4.100.000, -, car ce 100me dernier importe ƒ 1.300.000, - de sorte que quand même ces collectes rapporteroient deux millions de plus, ce qui est très incertain et selon moi pas seulement probable, ce surplus ne suffiroit pas. Mais supposons, que ce surplus vienne des collectes, supposons même le surplus plus grand encore et suffisant pour le courant, je dis, que cela ne suffit pas encore pour ce qui doit être le grand but du Prince et du gouvernement, c'est le rétablissement des finances de la République, à commencer par celles de la Hollande. (Sans ce rétablissement la République ne peut pas soutenir un choc. L'on doit toujours se souvenir, que les dettes sont augmentés de 61 millions outre le produit du don libéral. Pour que ce rétablissement soit aussi possible, il est indispensablement nécessaire, il ...). Il faut que les revenus courants et fixes fournissent un fond annuel d'amortissement, a sinking fund. (Ce qui est le second pas à faire, sans lequel le premier, comme j'ai dit, n'est qu'un palliatif. Et c'est à ce fond d'amortissement, que doit être employé le surplus du revenu, qui viendra des collectes audessus de ce que les fermes ont produit. Ce seroit alors, que la République languissante à présent, reprendoit vigueur, que l'on verroit combler de benedictions le Prince par la nation, que l'on pourroit soulager et à qui | |
[pagina 485]
| |
l'on pourroit faire ressentir les effets de la paix, qu'elle n'a pas ressenti jusqu'à présent et lui faire toucher au doigt et à l'oeil que le seul et unique but du Prince est le bien de la nation). Indépendammant de toutes ces considérations-là, toutes fortes qu'elles sont pour le Prince et pour tous les membres du gouvernement, il y a une autre considération non moins forte pour le Prince et pour tous ceux, qui réellement et sincèrement souhaitent la conservation du gouvernement présent et l'effet de la résolution du 18 novembre 1747Ga naar voetnoot6); c'est celle de la conservation de l'affection et de l'estime nationalle pour le Prince. Si la nation voit, qu' en tems de paix, elle reste chargée comme en tems du guerre, que dira-t-elle, que pensera-t-elle du Prince et du gouvernement stadhoudérien? (car le Prince peut être assuré, que tant que les affaires iront mal, ce seront les malintentionnéz, qui lui laisseront la direction en effet et l'apparence de la direction des affaires et qu' il y aura de difficulté à attendre de ceux, qui lui sont réellement et sincèrement attachez et vice versa.) La nation, qui a souhaité d'avoir le Prince pour son chef, afin d'améliorer sa condition, verra, qu'elle s'est trompée, puisque sa condition ne se trouvera pas améliorée. Ce sera un triomphe pour tous les ennemis du Prince et de sa maison et du gouvernement présent, un triomphe non de table et de conversation, mais un triomphe réel, car ils auront vaincu le Prince et son parti. Il n'y a que deux objections contre le parti d'une réduction, que je propose et que j'ose même conseiller au Prince. Je les ai touchés en passant. Mais j'y reviens. C'est premiérement la sûreté de la République et secondement sa considération au dehors. Quant au premier je répons, que la sûreté de la République ne peut jamais exiger qu'elle se ruine et qu'elle se mette dans un état à pouvoir pas seulement soutenir le premier choc. Quant au second. Je répons de même. La considération de la République au dehors ne peut jamais exiger, qu'elle se ruine. L'état délabré de nos finances n'est que trop connue. Les emprunts sur emprunts, que nous faisons annuellement, ne peuvent que nous déceler. Nos alliez doivent trembler de voir ces emprunts annuels, qui au bout de compte ne font qu'ouvrir un plus grand trou pour en boucher un plus petit. Nos ennemis en doivent être charmés. Nous jouons leur jeu. Nous leur épargnons la peine de | |
[pagina 486]
| |
nous ruiner et de nous mettre hors d'état de leur résister ou de leur nuire, car nous nous ruinons nous-même. Je demande après cela, si la considération de la République n'exige pas bien plutôt, que l'on prenne au plutôt le parti de redresser les finances, quovis modo? Je suis persuadé, que rien ne contribueroit autant à relever la considération de la République au dehors, à établir sur de solides fondements la confiance de nos alliez et à imprimer du respect à nos ennemis. Si l'on me dit, que la considération de la République exige un plus grand état de troupes, je répons, que la considération de la République n'exige ni ne peut exiger, que la République se ruine, comme elle feroit, si elle n'arrange ses finances; ce qu'elle ne peut faire qu'en diminuant l'état de guerre. Je dis plus: car la considération de la République au dehors exige, qu'elle se remette quovis modo et que toute l'Europe le sache. L'état délabré de nos finances est déjà assez connu et ne peut être ignoré. Je souhaite, que le détail n'en soit pas trop connu par ceux à qui il nous importeroit le plus, qu'il fut caché. Je le souhaite, mais je ne le crois pas; je crois même le contraire. Pour rétablir la considération de la République au dehors, il faut, qu'elle prenne au plutôt, haut à la main, publiquement et sans en faire un secret les mesures, que tout le monde, amis et ennemis, voye et ne puisse douter être suffisantes pour remettre ses finances. La force intérieure et réelle en dépend et de cette force dépendent sa sûreté et sa considération. Je ne puis m'empêcher de faire en passant une observation. C'est qu'en politique non plus, qu'en géometrie une vérité ne peut jamais être en contradiction avec une autre véritée. Si deux vérités semblent être en contradiction, celle, qu'on doit prendre pour règle, c'est celle, dont on a une démonstration directe et c'est à celle-ci, qu'on cherche à découvrir en considérant les conséquences du principe, qu'on examine. Je suis persuadé, que le plus grand génie en politique sera celui, qui usera le plus souvent et qui se fera une habitude de se servir de cet axiome et qui l'appliquera à tout. Dans le cas présent c'est l'existence de la République, qui est ma vérité fondamentale, dont j'ai la démonstration et tous les principes, dont les conséquences nécessaires me mènent à une contradiction avec cette première vérité, doivent tous être rejettés. Tout ce que je viens de dire est, ce me semble, si clair, et si bien prouvé, que personne ne peut exiger ni attendre d'aucun honnête homme d'agir sur un autre principe. Tous ceux, qui sont employés | |
[pagina 487]
| |
dans les affaires publiques se servent du bien publique pour justifier et pour colorer leur conduite. Les sages et honnêtes gens règlent en effet leur conduite sur ce principe. Les autres s'en servent comme de prétexte et quelque fois comme de masque pour couvrir les plus noirs desseins. Dans la situation présente où sont les affaires de la République je demande, que l'on se mette à la place du conseiller-pensionnaire Steyn, que l'on considère ses circonstances et le tems dans lequel il s'est chargé du pénible poste, qu'il occupe. Il est entré dans l'exercice d'une charge, dans laquelle il ne pouvoit que prévoir du chagrin, du désagrément et un ouvrage immense, sans avoir besoin de s'en charger ni pour son profit, ni pour l'établissement d'une famille, car il n'en a pas. Si à présent l'on voit, que les choses restent in statu quo, l'on doit croire, qu'il néglige l'exécution des moyens, que lui-même a indiqueés. Ceux, qui sont au fait, de ce que c'est fait, c'est à dire tous les gens du gouvernement, devront le croire et par conséquent qu'il manque grossièrement à ce qu'il doit à sa patrie, au Prince, qu'il a placé et à lui-même. En d'autres termes, le conseiller pensionaire seroit prostitué. Ceux, qui ne sont pas au fait ou qui reçoivent leurs informations de ceux, qui ont un intérêt manifeste à décrier le pensionaire, comme Van Wesele, Gronsfeld, De Back diront, que le pensionaire est un bon homme, qui s'est chargé d'un fardeau trop pesant pour ses épaules, que le Prince a été chercher dans une ville un bourguemaître pour le mettre à la tête des affaires où il n'entendoit rien. Ceux, qui sont mieux informés mais qui sont ennemis du Prince et du gouvernement présent, seront charmés de l'occasion d'en rejetter le blâme sur le pensionaire et d'y ajouter même du ridicule pour achever de rendre la chose odieuse. Enfin le conseiller pensionaire se rendroit l'objet du mépris et de la risée publique, si les choses continuent sur le pied où elles sont; c'est à dire, si l'on ne travaille pas d'abord sans délai, sans relache et avec effet au rétablissement des finances de la province de Hollande; car c'est là, qu'il faut frapper le coup. C'est la tête du clou. Si cela ne se fait, le pensionaire sera obligé de résigner son poste, avant d'être déshonoré. Ce que je dis du pensionaire est vrai de tous ceux, qui sont dans la direction des affaires, ou qui passent pour y être. Ils seront obligés de quitter leurs postes ou de faire savoir au public, qu'ils n'ont aucune part à la mauvaise administration. Ils seront obligés d'abandonner les affaires tout à fait, ou de se séparer du Prince. S'ils prennent le parti de déclarer au Prince une déclaration pa- | |
[pagina 488]
| |
reille fermement prise, ils déplairont au Prince. Mais le Prince peut être sûr, que ceux, qui prendront cette résolution, sont ses seuls vrais amis, les seuls, qui s'intéressent à son bonheur, à sa gloire, au soutien de sa maison et à la conservation du gouvernement présent. Tous ceux, qui flatteront le Prince et qui comme les faux prophètes crieront: Paix! Paix! où il n'y a point de paix, doivent être notez par le Prince comme des gens, qui sous le masque du bien public cachent leur intérêt particulier et cherchent à duper le Prince. Conclusion: Il faut faire une réduction telle que la province de Hollande trouve dans l'épargne sur l'état de guerre un fond pour rétablir ses finances. N.B. Le dérangement des finances des autres provinces produit un nouveau dérangement occasionel dans celles de Hollande, à cause que cette province se trouve reduite à la nécessité de laisser périr la République ou de payer pour les autres, après qu'elle a déjà payé sa quote part. N.B. Sur le plan de réduction à former. Il est impossible d'en former un bon, tant qu'on gardera tant de troupes très couteuses à La Haye, où l'argent du service est augmenté d'un régiment des gardes, des gardes du corps, des 100 Suisses et de deux nouvelles compagnies aux gardes hollandaises infanterie; sans compter ce qu'il y a encore de troupes extraordinaires éparpillées par la province. Pour donner une idée tout à fait complète, considérez les effets, en cas que la chose ne se fasse pas. Sous deux points de vue: La République et le Prince. L'un et l'autre par rapport à l'intérieur et par rapport à l'étranger. Si l'on me dit, qu'il y a encore d'autres objections voici la réponse, que j'y fais d'avance. Il n'est pas nécessaire, ni requis de lever telle ou telle difficulté particulière, lorsqu'on a fait voir, que ces difficultés ne peuvent être évitées, sans en rencontrer de plus grandes et sans tomber dans un danger ou dans un inconvénient plus grand que celui, qu'on veut éviter. Entre autres conséquences du non-rétablissement des finances, mettez l'impossibilité de mettre en campagne en cas de trouble, les troupes, qu'on a. Les derniers troubles ont augmenté les dettes de 61 millions. La République ne pourroit pas à présent prendre parti dans de nouveaux troubles. D'où suit l'incongruité et l'inutilité de tenir un corps de troupes sur des fraix si excessifs que l'on se mettoit dans l'impossibilité de les faire agir. Allons plus loin encore. Supposons, que les revenus courants puissent suffire pour le courant casuel. Il seroit naturel de croire, que les malintentionnez n'osent pas | |
[pagina 489]
| |
proposer une réduction, c'est parcequ'ils savent, que le Prince aime mieux conserver l'état présent des troupes. L'on pourroit conclure de là le pouvoir et le crédit du Prince, les égards qu'ils ont pour lui. Tout ce raisonnement ne vaut rien, car ces messieurs ruinent le crédit du Prince beaucoup plus efficacement en le laissant enfourner dans des fondrières, où il se perdra, qu'en lui montrant le chemin où il marcheroit sûrement et feroit route. Bien plus, je soutiens, que c'est si bien leur jeu, que si je pensois comme eux et que je voulusse suivre leurs principes, je ferois tout comme eux. Je me garderois bien de dire au Prince: ‘Rétablissez les finances et regardez ce point-là comme le premier et tous les autres comme subordonnés. La conservation de la République l'exige. C'est en cela et en rien autre chose que consiste votre bonheur. C'est en cela, que votre maison a toujours cherché sa grandeur et dans l'affection de la nation, qui est l'effet du zèle de vos ancetres pour le bien de la République, etc., etc.’. Mais je laisserois faire le Prince toutes les fois, qu'il prendroit une fausse mesure, je ne l'avertirois pas, ou si je l'avertissois, ce ne seroit que justement autant qu'il le faut pour marquer la chasse et pour pouvoir le lui reprocher en tems et lieu de n'avoir pas suivi à tems mon opinion, le rendre odieux, me faire honneur et rejetter sur lui le blâme. Je suis persuadé, que dans l'ancien parti rempli de vieux routiers raffinés et stilés à toutes sortes de ruses, c'est là le plan: ils s'y prennent bien et ils jouen un jeu sur pour prendre le Prince et pour ruiner à toujours le stadhoudérat, car ils l'attaquent par le fondement. Et leur sappe va toujours son train tout doucement jour et nuit sans qu'on veuille s'en apercevoir, nonobstant tous les indices, qu'on en a. L'on auroit dans peu de l'argent pour soutenir les colonies. Les objections sont, que la sûreté de la République ne permettent pas de réduire, que le roi de Prusse nous oblige à tenir un corps de troupes plus fort que jamais; que la barrière ouverte nous oblige; que la considération au dehors l'exige; qu'il y aura de la difficulté à faire une augmentation; que (les raisons contre sont, que les finances ne le demandent pas et que les collectes doivent rapporter plus que les fermes; ce surplus fournira, dit-on, ce qu'il faut pour ce plus de troupes). Le grand but du Prince et de la Princesse doit être et est sûrement de maintenir le présent gouvernement et d'en assurer les fondements, d'une manière si solide et si ferme, qu'ils se puissent flatter avec raison, que le stadhoudérat passera à la postérité du Prince. Pour parvenir à ce but d'une manière assurée et solide, il n'y a | |
[pagina 490]
| |
qu'un seul moyen, c'est le maintien des loix et des formes. J'entens par le maintien des loix l'observation exacte et l'exécution précise des loix. Quant aux formes, l'on doit observer préalablement, que les formes prescrites par les loix sont des loix. Et je ne les distingue que, parcequ'il y a des cas, où le souverain peut et doit passer la forme ou en dispenser. Mais ces cas sont très rares. Ils n'existent que, quand par une situation singulière et imprévue par le législateur, la forme se trouve contradictoire avec le but de la loi-même ou de quelque autre loi non moins essentielle pour le bien public. J'entens donc par le maintien des formes l'observation exacte et l'exécution précise de ces loix particulières, qui règlent la façon et la méthode d'exécuter toutes les autres loix, tant celles, qui gardent les droits différents corps, qui composent la souveraineté des différentes collèges auxquels l'exécution des différentes parties de la souveraineté est déférée, que celles, qui regardent l'administration de la justice et de la police etc. (Il est si vrai que ce moyen est le seul, que le Prince et la Princesse devroient regarder comme les ennemis de leurs personnes et leur maison tous ceux, qui, pour leur complaire, leur tiennent un language différent. Si c'est à dessein, la chose est claire. Si c'est par mégarde ils doivent se méfier des conseils de ceux, qui sont capables d'en donner sur des choses aussi capitales sans en connoître les conséquences, ou qui par leur intérêt se laissent aveugler au point à faire la cour du Prince en le ruinant ou du moins en préparant à d'autres de quoi le ruiner). La véritable idée de liberté est la soumission aux lois de la part du particulier et l'observation des loix de la part de ceux, qui gouvernent. C'est ce qui distingue la liberté de l'esclavage, qui est la soumission à la volonté, au pouvoir arbitraire et despotique ou au caprice, soit d'un seul, soit de plusieurs. Si ces principes sont vrais, comme je me flatte de le pouvoir démontrer, si on me le disputoit, il ne faut que les articuler pour en sentir les conséquences par rapport au Prince et à la Princesse surtout, si l'on fait réflexion à la passion de cette nation pour la liberté, à la manière dont elle s'est délivrée du joug de l'Espagne, aux efforts, qu'elle a faits pour le maintien des loix et des droits et des privilèges et si l'on se met surtout bien dans l'esprit qu'il n'y a pas dans le monde une nation moins dupe que celle-ci, ni qui se laisse moins imposer par l'apparence et qui voye plus clair au fond d'une affaire et d'un caractère. |
|