Briefwisseling en aantekeningen. Deel 2
(1976)–Willem Bentinck– Auteursrechtelijk beschermd24 juni 1748Ga naar voetnoot1)(In Rotterdam was de situatie nog rustig, maar er was slechts weinig nodig om ook daar een uitbarsting teweeg te brengen. Zie de bijgevoegde copieën van uittreksels van brieven uit Amsterdam en LeidenGa naar voetnoot2). Wolters kreeg deze brieven van zijn oudoom CaillauxGa naar voetnoot3), een zeer krasse man van vijfentachtig jaar. Caillaux's oordeel, dat hij regelmatig aan de Prins kenbaar maakte, was belangwekkend en hij had verschillende projecten, die hij graag met vertegenwoordigers van de Prins zou willen bespreken). | |
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Je sais, que l'on fait de grandes objections contre les projets de capitation, mais MontaubanGa naar voetnoot4) m'a assuré, qu'il en a un où toutes les objections sont levées. Ne nous trompons point, monsieur, sur l'humeur du peuple, ce n'est pas le désir d'être libre de tout impôt, qui l'anime; mais il est las de la tyrannie, qu'on a exercé sur lui depuis la mort du roy Guillaume; il est las de voir, qu'on lui fait payer des impôts onéreux, dont une partie seulement va dans les coffres de l'état. Les pagters se sont rendus odieux par leur insolence et par leurs vexations et les magistrats en soutenant les pagters, même dans leurs injustices, sont hais à tel point, qu'il est à craindre, que s'il arrive une émeute ici, la populace ne se vengera point des seuls pagters, mais qu'il attaquera les magistrats qu'il soupçonne d'avoir partagé avec eux; si l'on ne travaille point promptement à redresser ces griefs, vous pouvés compter que le peuple ou se soulèvera ouvertement ou bien se découragera tout à fait et que dans l'un et l'autre cas il perdra l'affection extrême, qu'il a pour le Prince, laquelle seule peut faire notre salut; ceque je vous dis ici n'est pas le langage du petit peuple, mais des meilleurs bourgeois, car il n'y a qu'une voix sur cet article. La haine contre le pensionaireGa naar voetnoot5) croit chaque jour et on dit hautement partout, qu'il se peut, que le Prince pense réellement à redresser les affaires, mais qu'il trouvera toujours ce ministre et le gecommitteerde raedGa naar voetnoot6) dans son chemin et que s'ils ne peuvent point venir à bout d'anéantir un bon projet, ils sauront du moins le mutiler à leur avantage, ou du moins en retarder l'exécution. Je vous avoue, que je ne vois aucun événement qui puisse remettre le pensionaire dans l'esprit du peuple et qu'il seroit à souhaiter qu'il pensât tout de bon à se retirerGa naar voetnoot7). Je ne prétends point être versé dans les finances, mais je sais fort bien et il n'y a pas de bourgeois, qui ne le sâche, que nous payons au moins vingt cinq pour cent de notre dépense en pagts, que tous les pagts ensemble pour la ville de Rotterdam ne produisoient en 1718 que ƒ 846.643, - et ils sont diminués depuis; | |
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qu'il y a à Rotterdam 70.000 habitants et que cela ne fait guères plus de douze florins par tête, tandis qu'il n'y a pas d'habitant pour aussi pauvre qu'il soit, qui ne paye au moins deux fois autantGa naar voetnoot8): où va le reste? Dans l'exarcelleGa naar voetnoot9) du pagter. Je sais d'ailleurs qu'il y a des projets de capitation, dont j'en ay vu plusieurs, par lesquels on ne payeroit aucun impôt sur aucunes denrées, qui par conséquent seroient à bien meilleur marché et où on ne payeroit que le tiers de cequ'on paye et qui produiroient à l'état le double de ce que les pagts produisent. Je joins ici, pour vous rendre le poids des pagts sensible, la note de ceque paye Joris LooverGa naar voetnoot10), qui a de la peine à vivre, et considérés, je vous prie, que cinquante personnes dans notre ville, qui ont depuis 100 jusqu'à 500 mille florins de bien et qui n'ayent que deux domestiques ou trois au plus, ne payent pas plus que ce pauvre diable, qui gagne son pain à leur sueur de son visage. Dieu veuille bénir efforts que fera le Prince pour soulager un peuple qui en a tant besoin et qui en vérité ne manquera jamais de bonne volonté, dès qu'il saura, que cequ'il donne, va au profit de l'état. P.S. Je viens, après avoir écrit ma lettre, d'une compagnie de personnes, que vous connoissés et où on me dit que l'on commence à raisonner sur la publication fait ici ce matin du placard des Etats de Hollande du 22eGa naar voetnoot11) et qu'on croit y entrevoir qu'on veut conserver tout à fait les pagts et c'est, je vous assure, sur quoi le public n'entendra jamais raison; tous ces amis croyent que le seul et unique moyen de calmer le peuple et de lui faire entendre raison, c'est que le Prince fût à l'assemblée d'Hollande ou, ne pouvant y aller, qu'il y envoyât des personnes qui ont la confiance du peuple à cette assemblée, pour proposer de publier incessament un placard, qui enjoindroit à tous les régens des villes de travailler incessament à des plans de redressement pour les porter à S.A.S. et voir auquel on pourra se tenir pour remplir le produit des accises. Nous sommes tous d'avis, que c'est le seul moyen de sauver le province du péril affreux dont elle est menacée, car nous avons | |
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tout à craindre pour une révolte ici et les autres villes suivront indubitablement l'exemple de Rotterdam. S'il y a quelque chose demain, vous le saurés. Nos amis frémissent, quand ils pensent à l'effet, que produiroit l'envoy de troupes dans les villes. On est choqué du placard du 12eGa naar voetnoot12); on trouve que celui, qui le suivitGa naar voetnoot13), a été fait pour sauver l'honneur du premier et on dit, que le but du troisième est de maintenir les pagts pour toujours. | |
BijlageAmsterdam, 19 juni 1748Ga naar voetnoot14)Il est vrai, que le peuple de Haerlem auroit dû agir par des représentations sensées et respectueuses, mais on craint qu'aucune ville ne se serve de cette maxime et ce que l'on n'entend dire autre chose au peuple que la voye de douceur, ne leur peut procurer aucun redressement et que par conséquent il faut user de violence. Le placard, que S.A.S. a fait publier pour la province d'OverijsselGa naar voetnoot15), porte avec lui les marques de douceur de cet illustre chef et de son principal caractère; mais il n'en est pas de même de celui de la province de Hollande, où le gecommitteerde raede etc.: se sert du nom de S.A.S.Ga naar voetnoot16) J'ai ouï dire, qu'il sembloit avoir été dicté plus pour l'avantage de ces seigneurs et des pagters, que pour celui de l'état et du peuple. Il n'y a pas à douter d'un moment, que si S.A.S. fait congédier entièrement les pagters et fasse retrouver sur le peuple les déniers, dont ils s'engraissoient, que l'amour pour lui ne soit à son comble. Mais si par contre S.A.S. par un trop grand excès de bonté pour ses conseillers, qui y sont tous plus ou moins intéressés, voulût les soutenir, il en arriveroit tôt ou tard un bouleversement général dans la République et les peuples, s'étant procuré par violence ce qu'ils souhaittent, n'en auroient l'obligation qu'à euxmêmes. | |
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Personne ne refuse de payer les impôts, sachant très bien qu'ils reviennent légitimement à l'état, mais on veut les y porter directement et que le nom odieux de pagter ne soit mis en usage, que pour exprimer le fléau, dont la providence a visité nos provinces pendant leur règne. Avanthier jour de marché il y avoit plus de six mille personnes au Marché au Beurre et tout celui qui y fut vendu ne paya point de droits; les commis et les officiers de la ville furent obligés d'abandonner leursGa naar voetnoot17) bureaux et de laisser agir la populace, qui étoit dans une terrible fermentation, de sorte qu'on est ici dans de grandes craintes de révoltes, si l'on n'accorde pas au peuple, ce qu' il demande. On menace de commancer à faire le grand coup lundi prochain jour de Marché au Beurre. Nos fermiers ont mis tous leurs effects en sûreté dans la Maison de Ville, résolus de s'y réfugier et d'abandonner leurs maisons en cas de tumulte. Dieu veuille, qu'il n'en arrive pas et que les illustres pères de la patrie puissent par la douceur remédier aux désordres! | |
Leiden, 20 juni 1748Ce matin le peuple a recommencé à piller avec furieGa naar voetnoot18); quatre maisons des fermiers, qui restoient encore, sont ruinées et saccagées du haut en bas. Il n'y a pas moyen, de soumettre ce peuple à la raison. Voilà l'effect d'une fureur populaire soutenue par la bourgeoisie, qui ne souhaite pas moins que le petit peuple, que les fermes soyent abolies; disant qu'elle est prête à payer à l'état autant et plus qu'ils reçoivent des fermes, mais qu'elle ne veut pas nourrir les fermiers avec plus de vingt mille mouchards etc. | |
Amsterdam, 22 juni 1748La populace de cette ville, qui est fort méchante et peutêtre soufflée, quoiqu'elle paroisse tranquille, ne laisse pas de tenir des discours fort licentieux et dit hautement, qu'elle a fait tout pour S.A.S. puisque c'est le peuple qui l'a mise à la dignité où elle est aujourdhui et qu'elle ne fait rien pour lui, puisque depuis son élévation au stad- | |
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houdérat le peuple n'est point soulagé par la diminution des impôts. Mais, ajoutent ces éditieux, le Prince ne doit pas ignorer, que ce même peuple a le même pouvoir et la même force aujourd'huy qu'auparavant et qu'autant qu'il a été favorable pour l'avancement de S.A.S., autant il pourroit lui être contraire pour sa destruction. |
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