Briefwisseling en aantekeningen. Deel 1
(1934)–Willem Bentinck– Auteursrecht onbekend
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Den Haag, 29 April 1748Ga naar voetnoot1).En retournant hier au soir, à onze heures, Monsr. Keith me fit demander de passer chez luy et me communiqua la lettre qu'il avoit reçue de Mylord Sandwich, en me remettant celles qui étoient addressées à moy. Nous concertâmes ce qu'il y auroit à faire et nous résolûmes d'attendre jusqu'à ce matin pour en faire usage, parceque Haren devoit partir ce matin, et qu'il vaudroit mieux de délibérer sur cette affaire dans son absence qu'après minuit, quand il seroit à table avec le Prince et la Princesse. Selon le concert fait avec Monsr. Keith, j'aij été voir de bon matin le Pensionaire, et après luy avoir parlé, je suis allé directement chez le Prince et la Princesse. Après un petit préambule pour les mettre en bon humeur, j'aij dit que Monsr. Keith m'avoit confié dans le dernier secret une lettre de Mylord SandwichGa naar voetnoot2), que la Princesse a lue tout haut, et dont le commencement a fait tant de plaisir que faisant halte, elle a baisé le Prince dans ma présence, sur les bonnes nouvelles, et peu s'en fallût qu'elle ne me donnât des baisers aussi. Tant elle en étoit réjouie! Puis venant à l'article de Haren, elle interrompit pour la seconde fois, et dit: ‘Pourtant il est parti et on ne peut pas le faire revenir’. J'aij demandé qu'elle eût un peu de patience, jusqu'à ce qu'elle auroit lue toutes les lettres, et qu'elle ne voulut point se hurter à quelques expressions. Cette lecture fit tant d'impression qu'après avoir fini votre lettreGa naar voetnoot3), celle de Monsr. de Catwyck et de Monsr. de la Chavanne, elle | |
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se ravisa, et dit: ‘En vérité tous les Bentinck, ni tous les Haren ne doivent pas faire échouer un bon ouvrage; et il y aura peut-être moyen de retarder son voyage pour quelques jours’. J'aij cru devoir profiter de ces idées, et comme l'un et l'autre étoit prêt de faire un tour à Scheveling, j'aij prié qu'on voulut songer sérieusement sur ce que je leur avois communiqué, en disant que je reviendrois une heure après, pour demander leurs ordres. Il n'y avoit pas une heure de passé qu'on estoit de retour et qu'on me fit appeller. J'avois apporté le Pensionaire, qui éstoit tout à fait dans mon sentiment, et qui entra avec moy dans l'antichambre. On me fit dire qu'on m'avoit appeller seul, mais comme le Pensionaire y estoit, je demandois d'entrer avec luy. La première question qu'on fit, estoit ce que le Pensionaire pensoit de tout cecy. Il dit qu'il croyoit que les affaires étant si avancés, il ne seroit pas convenable de faire arriver Monsr. Haren à Aix dans ces entrefaites, et il appuya son sentiment de raisons fort solides. Le Prince y fit quelques objections, et même des telles que je n'oserois presque vous les rapporter; entre autres que Monsr. Haren avoit été hier au soir en partant de très mauvaise humeur, parcequ'on ne luy avoit pas accordé une demande qu'il avoit fait pour avoir un secrétaire à luy seul, qui fût au serment de l'Etat, et que si ceci survenoit, il ne seroit pas assés sot de ne pas comprendre que c'estoit un jeu joué, et que cela le rebuteroit entièrement. Je répondois que tout cela pourroit être vray, mais qu'alors la question seroit si on risqueroit plus à désobliger Haren, ou bien à chagriner tous les autres Ministres, et qu'après tout, il ne s'agissoit que de faire un bon ouvrage, et si on le vouloit gâter ou non. Le Prince là-dessus commença à nous faire le détail de tout ce qu'il avoit dit à Haren avant que de partir; qu'il luy avoit recommandé toute sorte de discrétion, qu'il avoit bien insinué - - luy Haren - - comme si tout le monde disoit qu'il devoit partir avec le dernier mot, mais que le Prince ne luy avoit pas donné des instructions particulières; qu'au contraire, il luy avoit insinué très fortement de ne pas s'ingérer dans les affaires, de ménager à voir Monsr. de St. Séverin en par- | |
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ticulier, et de laisser l'honneur de la négotiation à Mylord Sandwich et vous. J'aij avoué que tout cela pouvoit être vraij, mais que le monde en jugeroit autrement, et que si Monsr. de Haren venoit avant le temps qu'on feroit les conclusions des préliminairesGa naar voetnoot1), on ne pourroit s'empescher de le regarder comme la personne qui auroit donné le branle à toute l'affaire, et qu'en tout cas sa venue mettroit de la confusion. Je pris alors la liberté de dire que l'idée de la Princesse m'avoit beaucoup charmée, sçavoir de retarder la voyage de Haren pour quelque(s) jours, et que comme Haren avoit dit lui-même que son dessein estoit de rester trois jours à Nijmege, on pourroit fort facilement luy donner quelque commission dans une ville comme celle-là, surtout dans une crise que celle où nous nous trouvions. On commençoit donc à calculer combien de jours il auroit besoin depuis le 26, jusqu'au temps du retour du courier de Monsr. de St. Séverin, et on contoit que le courier pourroit être de retour, s'il estoit dix jours en chemin; lundi qui vient où aujourd'huy en huit. On contoit ensuite que Haren, étant parti ce matin, pouroit être demain au soir à Nijmege, que s'il restoit trois jours dans cette ville, et qu'il eût encore trois jours pour venir de là à Aix, il ne pouvoit être à Aix que lundij qui vient, au soir. Là-dessus la Princesse me disoit: ‘Eh bien, donnons donc trois jours, mais si vos amis ne font pas l'affaire, vous n'aurés plus tant de crédit chez moi’. Et après avoir encore eu quelques discours sur cette matière, il fut conclu que le Prince iroit au Conseil d'Etat, et feroit donner un ordre à Haren qui l'occuperoit pour trois jours à Nijmege. J'aurois souhaité qu'il eût voulu donner un ordre de sa propre main, mais je ne sçaij quel ascendant Haren a gagné sur le Prince et la Princesse. Tout ce que j'ay pu en tirer, estoit de luy faire avoir un ordre du Con- | |
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seil d'Etat, et c'est avec cela que nous avons dû nous contenter. Il y a encore deux choses, dont j'aij cru de pouvoir me servir, pour venir à mon but. La première est, que j'aij parlé à De Back, qui est extrémement, zélé dans cecy, et qui m'a promis d'aller encore cet après-midi chez le Prince et la Princesse pour leur en parler, et prier que du moins ils veulent faire retarder son voyage pour deux ou trois jours de plus, dont je devray attendre la réussite; et l'autre que Haren a demandé un passeport de l'Electeur Palatin, sans lequel il ne pourroit sûrement voyager, et que si ElsackerGa naar voetnoot1) me le donne, je le garderay deux ou trois jours, arrive ce qui en arrive. Voilà, mon cher Monsieur, où les choses en sont. J'aurois pu faire de tout cecy un détail beaucoup plus circonstancié. Mais vous en avés assés pour juger de la situation des esprits ici, et pour me faie la justice que j'aij fait tout ce qui a été dans mon pouvoir pour diriger les affaires selon votre intention. Je vous prie que quand Haren arrive, vous ayiés quelques égards pour luij, et que vous luy communiquiés une partie de ce qui s'est passé, pour ne pas luy donner occasions à des plaintes. | |
Le 30e d'Avril 1748.Depuis avoir fini celle-ci, le Prince m'a dit que la Résolution a été prise au Conseil d'Etat d'ordoner à Haren à faire un tour à Bois-le-Duc pour ajuster certains différents, qu'il y a entre le Gouverneur et le Magistrat, par où il doit être arrêté pour le moins trois jours. On a mis dans cette résolution: op het Hoogwijs advis van Sijn Hoogheid, parceque sans cela il ne la respecteroit point, ayant une commission de la part de leurs H.P. Après tout ce que je vous ay dit dans cette lettre à son sujet, il me reste toujours des soubçons très forts qu'il est déjà informé de tout, et qu'il a des ordres particuliers. La lettre que j'aij écrite à vous trois est en termes généraux, mais le Prince a des avis de Cornabé, qui a | |
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envoyé une personne à Bergen-op-Zoom, qui a vu qu'on travailloit à faire sauter les ouvrages. Le Prince part mercredyGa naar voetnoot1) matin pour Breda. Je conte que si le bonheur voulût, que vous parveniés à signer des préliminaires, vous aurés la bonté de me les addresser pour me donner le plaisir de la première communication. Pour ce qui est des forces de nos armées le Duc à écrit au Prince que son armée consistoit en 45000 hommes. Le Prince a fait faire le calcul de ce qu'il y a sous les tentes près de Breda, et sans conter les Anglois ou Autrichiens qui y sont, il y a de nos troupes hollandoises 28.200 hommes. Alors on ne conte point ce qu'il y a à Steenbergen, Tholen, Breda, Bois-le-Duc, Willemstad, Geertruidenberg. On ne conte pas non plus les troupes qu'on attend encore, comme ceux de Wolfenbuttel, 6 bataillons Suisses, 1 de Bamberg, 2 de Weimar, 1 de Baden Baden, 1 de Baden Durlach, etc. Dèsque j'en auraij des listes, je vous en feraij part. Oserois-je vous prier, Monsieur, de brûler cette lettre et la précédente à cause des particularités dont j'aij fait mention?...... |
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