Briefwisseling en aantekeningen. Deel 1
(1934)–Willem Bentinck– Auteursrecht onbekend
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douter un instant que l'union entre les deux nations ne soit l'unique moien de maintenir leurs droits et leur liberté. C'est un principe que je me crois dispensé d'établir. Je ne veux pas croire qu'on l'ait perdu de vue en Angleterre depuis que les whigs y ont eu le gouvernement en main, mais je doute fort que le dernier MinistreGa naar voetnoot1) s'y soit pris de la manière la plus propre à parvenir à ce but. Wa(lpole) crutGa naar voetnoot2) après le mariage de la Princesse Royale que le meilleur moyen pour retenir la République et calmer les esprits des gens qui avoient l'autorité en mains, et qui craignoient de la voir passer entre celles du Prince d'Orange appuyé par l'Alliance considérable qu'il venoit de faire; il crut, dis-je, que le meilleur moyen étoit de leur sacrifier les intérêts du Prince, et de déclarer très positivement que l'Angleterre ne le soutiendroit en rien. Nous avons vu l'effet de cette belle conduite, et j'ose dire qu'il ne falloit pas être fort habile pour la prévoir d'avance. Il suffisoit de sçavoir un axiome de politique aussi sûr, qu'il est commun, c'est qu'il y a en tous pays des maximes fondées sur la nature des choses et confirmées sur l'expérience, dont il est toujours dangereux de s'écarter et c'est ainsi que l'Angleterre s'est crue de tout temps engagée à favoriser le Gouvernement Stadhoudéral en Hollande, et que la Cabale opposée s'est toujours attachée à la France. L'expérience le prouve, et la raison en est facile à trouver: la France dont les projets ambitieux ne sont exécutables qu'en supposant l'inaction de la République, soutiendra toujours un parti qui jette l'Etat dans l'anarchie, et l'Angleterre qui a intérêt à défendre la Liberté de l'Europe, a besoin d'un Allié, c'est à dire d'une Nation capable de vues et d'Action. Le Parti opposé au Prince d'Orange se servit très adroitement de cette déclaration de Wa(lpole). IlGa naar voetnoot3) la fit passer pour sincère dans le Peuple, et auprès des gens portés pour le Prince, et décourragea par là tout son parti. Dans le même temps ilGa naar voetnoot3) la faisoit regarder comme | |
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illusoire par tous ceux que leur intérêt rendoit ennemis du Stadhoudérat. Cette prétendue finesse les aliéna encore plus de l'Angleterre et les porta à se lier plus étroitement avec la France, qui dans le même temps leur tendoit les bras, les caressoit et n'épargnoit sans doute l'argent où il étoit nécessaire. Il n'est pas étonnant que de deux conduites diamétralement opposées, l'Angleterre et la France receuillissent des fruits très différens. J'ai vu avant l'an 1740 Fénelon avoir à peu près la même autorité à la Haye qu'un Intendant dans la Généralité. J'en pourrois citer des exemples étonnans, autant que scandaleux. Tandis que les gens à qui l'Angleterre avoit indignement sacrifié le gendre de son Roy ne cessèrent d'irriter la nation contre les Anglois, par toutes sortes d'écrits et de discours. Qui doute que le plus malin, et le plus impudent de tous ne soit de la façon de C. de Wit.Ga naar voetnoot1) Ainsi l'Angleterre perdit les deux partis qui divisoient la République, par avoir abandonné à celui qui étoit son ennemi implacable celui qui n'avoit d'appui qu'elle. Quels événemens extraordinaires n'a-t-il pas fallu depuis trois ans pour faire changer la carte en Hollande, et y faire perdre à la France le crédit énorme qu'elle y avoit? La perfidie la plus imprudente de sa part, les fers prêts pour toute l'Europe et regardés comme presque inévitables, une armée qui nous tenoit à la gorge et nous coupoit toute espérance de secours, la trahison manifeste dans le coeur de notre pays, les clameurs de tous les bons Citoyens, les inquiétudes et les menaces du peuple, les succès inespérés des armées de la Reyne, mille autres circonstances qui m'échapent à présent, ont à peine arraché, je ne dis pas une résolution de s'unir à la Reyne, et à l'Angleterre comme nos engagemens les plus sacrés, et nos intérêts les plus chers l'exigoient, mais quelques démarches lentes, foibles, équivoques, et qui n'engagent pour l'avenir qu'autant qu'on le voudra. La chose ne sauroit être autrement. Comment peut-on attendre des résolutions vigoureuses et une conduite soutenue d'un Etat qui est dans l'Anarchie parfaite? Le | |
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gouvernement présent de la République n'est autre chose. Il faut régulièrement le consentement unanime de sept Provinces pour la moindre affaire de quelque importance et dans la pluspart des Provinces il faut l'unanimité des corps qui en forment les Etats. C'est à dire que la forme du Gouvernement de la République suppose que tous ceux qui ont droit de donner leurs voix dans les affaires seront également très éclairés, et fort honnêtes gens. Quatre ou cinq justes auroient sauvé Sodome et il ne faut que quatre ou cinq cocquins pour perdre la Hollande. Il est vray que dans plusieurs cas on a viollé cette belle loi de l'unanimité, mais on sçait bien qu'une pareille violation est une extrémité où on ne se porte que dans des occasions où de beaucoup le plus grand nombre est convaincu de la nécessité d'en venir à cette violence. Et combien de cas très importans où il seroit nécessaire d'y recourir, mais dont la nécessité ne frappera pas le plus grand nombre! D'ailleurs, depuis que la mort de Louis XIV fit espérer à l'Europe une paix durable, tous nos Magistrats se sont accoutumé à l'indépendance. Pendant la dernière guerre - - c'est le seul temps où l'on peut dire que la République sans Stadhouder ait fait quelque figure - - une espèce de conseil secret composé des principaux ministres et autres magistrats accrédités et unis entre eux a gouverné la République avec beaucoup d'Autorité. C'est ce qu'on ne reverra plus. Tous nos Magistrats se croient trop habiles et ont trop goûté le plaisir de l'indépendance pour déférer à qui que se soit, et l'un ou l'autre aura toujours des Intérêts opposés à tout ce qu'on voudroit faire. En veut-on une preuve sans réplique? La Hollande depuis trente ans de paix est plus endetté qu'à la fin de la guerre, et Slingelandt, le plus habile, le plus accrédité et les plus craint de tous les Ministres qu'elle ait eu ou aura jamais, s'est fatigué pendant plusieurs années à faire des projets d'arrangemens pour les finances admirés de tous ceux qui les ont vu, et dont il n'a pas eu le crédit de faire passer un seul. A tous ces défaults de notre gouvernement se joint un esprit de parti très violent et irréconciliable. Les seuls partis qui paroissent sur la scène sont I. le parti français et II. le parti opposé, auquel je ne sçay quel nom donner; | |
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son caractère distinctif a été jusqu'à présent de presser la nécessité de secourir la Reine et de résister à la France. Le parti françois est plus uni de vues, et d'intérêts que celui qui lui est opposé. Il est sans exception ennemi juré du Stadhoudérat et du nom d'OrangeGa naar voetnoot1). - - Il faut remarquer que ces distinctions ne regardent que les Magistrats, et gens qui leur sont attachés. Le gros du peuple en général n'est point du tout françois ni ennemi du Prince d'Orange - -. C'est même le prétexte dont ils se servent pour s'attirer des partisans, et ils en trouvent grand nombre parmi les Magistrats, qui trouvent leur compte dans le gouvernement présent. Ils ont d'ailleurs été toujours soutenus de tout le crédit et sans doute de tout l'argent de la France. Secours qui depuis quelque tems leur a peutêtre fait plus de tort dans l'esprit du peuple, qu'il ne leur a donné de force auparavant. Il est certain que depuis trois ans ce parti a beaucoup perdu de terrain. Avant ce tems il étoit fort puissant, tant dans les Etats Généraux que dans chaque Province. A présent il ne fait presque plus rien, et tous ses efforts aboutissent à arrêter le cours des affaires, et à gâter ce qu'il ne peut empêcher. Ce qui vû la malheureuse constitution de notre gouvernement ne suppose pas grand crédit. Le dernier effort qu'il ait fait avec succès, a été la promotion de Généraux étrangers et l'exclusion du Prince d'Orange du Rang de Général. Mais tout cela a si mal tourné pour eux que je crois qu'ils en sont depuis longtems au repentir. Le Parti opposé est plus compliqué. Généralement, il est composé de tous ceux qui affectent d'être bons Patriotes, et qui conservent les anciennes maximes de la République, de maintenir l'équilibre dans l'Europe, et de la jalousie de la France, la foi des Traités, et le courage pour la défence de la Liberté. Je n'oserois leur joindre les partisans secrets de l'Angleterre et de la maison d'Autriche, parceque sincèrement je crois que grâce à leur bonne conduite ces deux Puissances en ont si peu que rien. Pour ceux du Prince d'Orange ils y sont certainement joints, mais ils s'y cachent, et il seroit dif- | |
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ficile de sçavoir leur nombre et leurs forces. Cependant le parti françois a grand soin de répandre que ce sont ces derniers qui donnent le branle à tout le parti qui leur est opposé, et cela dans la seule vue de servir le Prince et de rétablir le Stadhoudérat. C'est pour rendre leurs antagonistes odieux à ceux qui ont l'autorité en main à présent, que la France assure et répand ce bruit. Je suis sûr que la chose n'est pas tout-à-fait ainsi qu'ils la débitent, je connois même quelqu'uns de ceux qui se sont le plus déclaré contre la France, qui haïssent le prince de tout leur coeur, et qui n'épargneront rien pour le croiser en tout, et partout, mais j'avoue que le nombre en est très petit, je suis persuadé que le plus grand nombre de ceux qui ont voté contre la France sont très indifférents sur le chapître du Prince d'Orange, mais ils ont crû pouvoir séparer ces deux choses, ou ils ont plus craint la France qu'un Stadhouder et plus que tout cela ils n'ont osé s'opposer plus longtems aux cris du peuple, ni s'exposer à ses soupçons. D'ailleurs ils ne sont pas sans crainte de la part du parti du Prince d'Orange, qui depuis la promotion des généraux paroît regagner du terrain, et qui, quoi qu'il n'ose encore lever le masque, est considérable, et plus peut-être qu'on ne le croit communément. On peut même hardiment y ranger plusieurs personnes des plus respectées du peuple, et des meilleurs citoyens, qui ne craignent point de dire assez publiquement, qu'il n'y a plus de Gouvernement et qu'il faut nécessairement un changement, ou que la République est perdue sans resource. Or de changement dans le gouvernement, personne n'a pu jusqu'à présent en imaginer que deux de practicables. L'un seroit d'abolir les loix qui exigent l'unanimité des voix, pour conclure et décider à l'avenir toutes les affaires à la pluralité, avec les réglemens qu'on trouvera à propos d'y faire pour régler les abus; et l'autre est un Stadhouder. Sûrement la pluspart des Magistrats sont également opposés à l'un et à l'autre, mais il y a cette différence essentielle entre ces deux espèces de changemens, que personne ne promettra, ni ne donnera pour faire le premier, et qu'un Prince d'Orange peut donner et promettre. Qu'on juge après cela de quel côté il est le plus apparent que tournent les gens, que leurs | |
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seuls intérests gouvernent, tels que sont la pluspart de nos Magistrats. Il est très probable que tant que les choses resteront dans l'état où elles sont, c'est-à-dire tant que la République ne recevra pas quelque revers, qui la mette dans un danger évident, le Prince d'Orange restera à peu près dans la situation où il se trouve, au moins qu'il ne deviendra pas Stadhouder des sept provinces. Il est vray que depuis quelque tems l'indignation que la Promotion des Généraux a causé, la naissance de sa fille, les héritages qui lui sont échus, sa conduite plus mesurée, et l'ordre qu'il a mis dans ses finances, lui ont donné plus de crédit, qu'il n'en avoit, et que ses ennemis en sont actuellement assez inquiets et fort occupés à empêcher, qu'on ne lui donne dans l'armée un rang convenable qui le mèneroit bientôt à la tête, mais tout cela est si lent et si incertain qu'on ne peut du tout y compter. D'autre côté, si la République se trouve dans une situation fâcheuse qui affecte le peuple, le Prince sera surement Stadhouder, au premier mouvement d'une populace qui méprise le Gouvernement, et qui haït ceux qui gouvernent. Tout ceci est dans la supposition que l'Angleterre ne s'en mêle point, car il est clair que si elle vouloit se déclarer sérieusement pour le Prince et le soutenir par toutes sortes de moyens, la chose change tout-à-fait de face, et qu'il seroit d'une toute autre facilité pour le Prince de faire son chemin. Il ne seroit plus question d'attendre des mouvements du peuple, qui n'arriveront jamais qu'à l'occasion d'événemens que nous ne verrons peut être de nos jours. On pourroit y travailler avec succès dès à présent, et je ne crois pas que qui que ce soit qui connoisse la disposition de notre peuple, et la Constitution présente de la République, osât révoquer en doute la possibilité de la réussite. Au moins on ne peut nier que la chose importe assez à l'Angleterre pour qu'on doive s'informer des moyens propres à la faire réussir. Je n'ai jamais entendu faire que deux objections contre ce que je viens entreprendre de prouver. L'une est tirée du peu d'utilité dont le Prince paroit être jusqu'à présent pour les affaires générales dans les Provinces dont il est Stadhouder; et l'autre le risque d'effaroucher les Magistrats et les porter à se jetter tout-à- | |
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fait entre les bras de la France. Je répond à la première, qu'elle suppose un fait qui n'est pas exactement vray, et que sans le Prince il y a tout lieu de croire que la Province de Frize ne fût jamais entrée dans les mesures prises pour le secours de la Reyne d'Hongrie, et quand cela ne seroit pas, qu'en pourroit on conclure? que le Prince a fort peu de crédit dans les Provinces, et cela n'est que trop vrai. Peutêtre y a-t-il eu cy-devant de sa faute, il y en a eu seurement de ceux qui ont dirigé sa jeunesse, mais il a si peu de pouvoir par les conditions auxquelles il a été fait Stadhouder, qu'il y a tout lieu de douter, qu'avec toute l'habilité du monde, il eut pu l'emporter sur les intérêts particuliers des Magistrats, soutenus de tout le crédit des Provinces de Hollande et de Zélande. Jusqu'à présent ses finances ont été trop délabrées pour qu'il pût donner beaucoup, et tout ce qu'il a pu faire à cet égard, et à celui des emplois dont il avoit la disposition, n'a fait que des traîtres et des ingrats, parcequ'il y avoit si peu à gagner à être reconnoissant et fidèle, et beaucoup à le trahir. Il seroit tout autre chose s'il étoit Stadhouder des 7 Provinces. Il seroit maître de tout le crédit qui n'a été employé jusqu'à présent qu'à lui susciter des ennemis. La seconde objection est plus spécieuse, et n'en a peutêtre pas plus de force. Ceux qui sont d'humeur à se jetter entre les bras de la France par la crainte du Prince l'ont déjà fait, et n'ont pu pourtant y entraîner la République. Ceux qui leur ont résisté, ou par vertu ou par crainte, le feront encore et quand ce risque subsisteroit dans toute l'étendue qu'on veut lui donner, rien n'est plus facile que d'observer dans la conduite que l'Angleterre auroit, tous les ménagemens nécessaires pour obvier à cet inconvenient. On peut ne point se déclarer hautement et n'agir que sous main; on peut en se déclarant expliquer suivant le besoin jusqu'où et comment on veut soutenir le Prince. Enfin cela est matière à informations et délibérations où je ne suis point en état d'entrer. Si on veut là-dessus des éclaircissemens, on en peut avoir, et qui ne peuvent être suspects. |
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