Poésies(1995)–Charles Beltjens– Auteursrechtelijk beschermd Vorige Volgende [pagina 196] [p. 196] Equinoxe Ecoutez rugir les vents d'equinoxe, Titans déchaînés au souffle fiévreux; Avec l'Aquilon c'est l'Autan qui boxe A travers l'horreur du ciel ténébreux. Ecoutez rugir les vents d'équinoxe. La mer sert d'arène au noir pugilat Qu'un livide éclair parfois illumine; Aux yeux effrayés son rapide éclat Montre tout le cirque où la nuit domine. La mer sert d'arène à leur pugilat. Par moments la pluie assaille la scène; C'est leur sang qui coule à flots ruisselants, Sous les coups qu'a l'autre un des deux assène, En faisant beugler de rage ses flancs. Par moments la pluie assaille la scène. Ces nuages noirs, ce sont leurs cheveux; L'atmosphère au loin sent trembler sa cime Aux contorsions de leurs bras nerveux; Leurs trépignements soulèvent l'abîme. Ces nuages noirs, ce sont leurs cheveux; Qui sera vainqueur de ces deux athlètes? Assauts furieux donnés et reçus, Formidables chocs, tourbillons, tempêtes, Tantôt l'un, tantôt l'autre a le dessus. Qui sera vainqueur de ces deux athlètes? Leurs corps ne sont plus qu'un seul ouragan, Vaste craquement de bras et d'épaules; L'Océan sous eux roule, extravagant, Des chaos de bruits qui vont jusqu'aux pôles. Leurs corps ne sont plus qu'un seul ouragan. [pagina 197] [p. 197] Malheur aux rochers que cette nuit sombre Surprit au milieu des flots enragés! Ecoutez! là-bas le trois-mâts qui sombre Jette aux vents les cris de ses naufragés. Malheur aux rochers que cette nuit sombre! Ils ne verront plus leur chaste foyer, L'épouse aux doux yeux, l'aïeul vénérable, Les joyeux enfants faisant flamboyer Pour les longs récits la bûche d'érable. Adieu les douceurs du chaste foyer! Auront-ils au moins un lit sur la grève Pour dormir au bord du gouffre fatal! En quittant le port ils faisaient ce rêve De finir leurs jours au pays natal. Auront-ils au moins un lit sur la grève? L'orage s'apaise et meurt par degrés Parmi les écueils pleins de rumeurs vagues, La lune, méduse aux yeux effarés, Regarde blémir le linceul des vagues. L'orage s'apaise et meurt par degrés. Ecoutez gémir l'immense Atlantique! On croirait oui'r sur ces deuils humains Pleurer, lamentable, une Hécube antique. Les vents meurtriers s'en lavent les mains, Pendant que gémit l'immense Atlantique. Peut-être la terre aime ses enfants, Mais rien ne s'émeut là-haut dans les astres; Regardez l'aurore aux feux triomphants Assister tranquille à ces noirs désastres. Sans doute la terre aime ses enfants. Accourez, venez chercher les cadavres, Orphelins en deuil, veuves sans secours! On voit les corbeaux rôder dans les havres; Leur bee est rapide et les jours sont courts. Accourez, venez chercher les cadavres. [pagina 198] [p. 198] La mer est sereine et le ciel sourit. Dormez, trépassés, pour vous plus d'orage; Ne regrettez rien, tout sombre et périt; Vous avez le port après le naufrage. La mer est sereine et le ciel sourit! [La Revue Belge 15-5-1891] Vorige Volgende