Klein werk: de Opuscula Hebraea Graeca Latina et Gallica, prosaica et metrica van Anna Maria van Schurman (1607-1678)
(1997)–Pieta van Beek– Auteursrechtelijk beschermd
[pagina 186]
| |
18. Franse brief aan Marie du MoulinGa naar voetnoot372A MADAMOISELLE DU MOULIN
Puis que nous avons les mesmes interest de joye et de tristesse, nous avons esté fort rejouis de voir en vostre lettre les vrayes marques d'un visage serain; et non seulement en posture de rire, mais aussi pour faire rire le chagrin mesme. Et de fait la gayeté de vostre coeur se reveillant et esclattant apres une grande eclypse, ne peut produire en nous que des pensées plaisantes et recreatives. En forte, que si vous me trouvez à present en une humeur plus gaye, et plus extravagante qu'à l'ordinaire, sçachez que c'est vous qui m'y avez mise. Vous me pardonnerez donc si je viens à vous divertir un peu de la serieuse instruction de Mons. vostre Pere, et de la compagnie de la Philosophie, à laquelle (comme j'apprens) vous avez donné ma place. Et quoy que pour m'oster la jalousie de ceste rivale, vous taschiez à me persuader, que vous ne tenez rien de ses bonnes graces que la mine et le semblant; si est ce que je ne sçaurois me persuader, qu'elle ne vous ait fait de ses caresses. Que si vous estes resolue de ne me reveler rien de ses secrets et mysteres, j'ay opinion, qu' elle n'a voulu vous les communiquer que sous le seau de silence, et d'une confession secrete. Je ne veux pas nier pourtant, que vous n'ayez commun avec les plus sages de mesler quelque petite folie parmy la sagesse, et notamment en ce point, que vous prenez plaisir d'abuser le monde, et de paroistre moindre que vous n'estes en effect. De plus quand je considere les avantages que vous me donnez, j'ay raison de croire que le pourtrait, que je vous ay envoyé dernierement, me flatte trop et que l'Idée de l'original est presque effacée de vostre esprit. De sorte qu'il n'est pas merveille que vostre Flaman (comme vous dites) vous est de peu pres eschappé. Pour moy, je vois bien que mon François est deja prest de s'embarquer, et de chercher ailleurs meilleur entretien, que je ne luy sçaurois donner. Et si vous ne voulez que je vous escrive cy-apres des longues lettres en Flaman, et que nous n'ayons besoins de truchemens pour nous faire entendre l'une à l'autre, il vous faut | |
[pagina 187]
| |
songer bien tost à vostre retour. Or pour finir serieusement, je desire fort d'entendre de vous la continuation de ces bonnes nouvelles touchant la convalescence de Mons. vostre Pere, et quel est à present en France l'estat de nostre Religion, laquelle (comme on dit) est troublée par des nouveautez, qui pour leur consequence ne peuvent estre que tres-dangereuses dans un Royaume ou il y a tant d'adversaires. Je suis et demeureray toute ma vie
Ma chere soeur, Vostre tres-affectionée Soeur et tres-humble Servante A.M. de SCHURMAN Ce. 8. de Decemb. 1646. |
|